Session de la Chambre d'agriculture
Une accumulation d'alertes

Chloé Monget
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Le 27 septembre, la Chambre d'agriculture de la Nièvre organisait sa traditionnelle session, avec pour cette réunion nombre d'alertes lancées aux pouvoirs publics. 

Une accumulation d'alertes
La Session Chambre s'est déroulée avec à la tribune (de gauche à droite) : Didier Guyon, Pierre Papadopoulos, Didier Ramet, Perrine Goulet et Jocelyn Kerleaux.

Traditionnellement, la session de la Chambre d’agriculture de la Nièvre permet non seulement d’aborder les comptes, de voter des mentions, mais également d’échanger sur des questions diverses et variées. Si tous ces éléments ont été suivis pour celle du 27 septembre, à l’Agropôle du Marault, force est de constater qu’un élément était commun à tous : les alertes destinées à l’État ou ses administrations.

Inégalités accentuées

Ainsi, le budget prévisionnel 2024 a été abordé, notamment avec la revalorisation fiscale de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB). Jocelyn Kerleaux, directeur de la Chambre d’agriculture de la Nièvre, stipule : « pour le moment elle n’est pas envisagée par le gouvernement mais le réseau des Chambres a demandé qu’elle soit également rehaussée pour pallier une partie de l’augmentation des charges supportées par les Chambres ». En parallèle, Didier Ramet, président de la Chambre d’agriculture, rappelle : « Nous mettons tout en œuvre pour aller chercher de la ressource mais nous serons tout de même en difficulté si la TATFNB reste plafonnée. Et ce d’autant plus que certaines subventions, notamment régionales, sont revues à la baisse (environ - 48 000 euros au total) ». Il poursuit en insistant : « On nous demande d’œuvrer pour accompagner la transition écologique des exploitants, parmi d’autres sujets, mais on ne nous donne clairement pas les moyens de bases pour le faire ». Malgré tout, Jocelyn Kerleaux évoque une santé budgétaire prévisionnelle assez saine pour 2024, avant de rajouter : « nous devons nous ajuster, c’est notamment pour cela que les tarifs de certaines prestations sont revus à la hausse (4 % environ) ». Face à ces annonces, Emmanuel Bernard martèle : « On ne peut pas faire de transition au rabais. Il semble que ce via la baisse des subventions l’élitisme et le privatisme soit privilégié par les pouvoirs publics. Attention, car cela engendrera une augmentation des inégalités : ceux ayant les moyens pourront faire la transition, quant aux autres, ils disparaîtront… En somme, l’État paraît imposer une métamorphose douloureuse de notre secteur ».

Contrôle utile ?

Ensuite, une présentation de la loi dite Sempastous (1) qui vise à lutter « contre la concentration excessive des terres et leur accaparement » a été effectuée. Après explications d’un cas concret, cette loi pose de nombreuses questions à la salle : « si la personne n’exploite rien, la loi ne s’applique pas. Pourquoi ? », « Si le passif des acquéreurs étrangers est difficile voire impossible à vérifier, comment la loi peut-être totalement pertinente ? »… À cela, Pierre Papadopoulos, directeur de la Direction départementale des territoires, répond : « On peut toujours contourner le système et encore plus facilement lorsqu’il est complexe comme la loi Sempastous. En plus, il est impossible de tout vérifier pour des sociétés au lourd passif historique avec un siège à l’étranger, car je rappelle que pour déclencher le contrôle, on se base sur ce que la personne déclare ». La réaction de la salle est presque unanime : « c’est encore les non-exploitants qui seront favorisés ».

Soutien logique

Sur ces paroles, une mention de soutien à l’agriculture biologique française et nivernaise, présentée conjointement par le Gabni et la Chambre d’agriculture de la Nièvre, a été proposée. Pour rappel, elle intervient dans un contexte où la valeur du marché bio est en recul de – 4,6 % en 2022 (par rapport à 2021), où les arrêts des certifications sont en hausse ou encore où la loi Égalim n’est pas appliquée. Cette mention prévoit, entre autres, le soutien de la demande bio via la commande publique ainsi que la transparence sur les prix et les marges pratiquées en bio (notamment GMS). Emmanuel Bernard réagit : « Nous offrons notre soutien inconditionnel à cette orientation qui, pour rappel, est celle appuyée par l’État depuis des années. Mais, attention à ne pas s’opposer les uns les autres, en mettant les labels de qualité en concurrence car certains ont des cahiers des charges bien précis dont il a été prouvé scientifiquement leurs bénéfices ». De son côté Didier Ramet conseille : « il y a un travail important à faire pour corriger le préjugé selon lequel le Bio est cher, car cela ne favorise pas le public à se diriger vers ces produits lors de l’achat. L’État est jusque-là muet face à la situation des agriculteurs bios… nous espérons que la détresse de ce secteur sera entendue ».

Limites de la patience

Enfin, la session Chambre s’est clôturée par des prises de paroles diverses notamment sur l’action nationale « On marche sur la tête », déclinée dans la Nièvre (2). Florent Point, président des Jeunes agriculteurs de Bourgogne Franche-Comté, rappelle : « Parmi d’autres sujets, la BFC, est la région la plus en retard dans le règlement des subventions des fonds Feader. Il y a clairement une défaillance administrative et politique puisque rien ne semble s’arranger. De plus, ne pas accepter l’aide qui a été proposée (3), est un comportement hautain et peu respectueux. Si rien ne bouge positivement, nous allons perdre patience assez vite car la tension dans les campagnes est déjà là et s’ancre petit à petit ». Sur le sujet, Emmanuel Bernard rebondit : « L’État affirme qu’il souhaite une autonomie alimentaire à tous les niveaux de production. Et, nous avons prouvé, notamment durant la crise sanitaire, que l’alimentation accessible localement et à prix raisonnable était possible. Nous avions répondu présents à l’époque et nous sommes là pour répondre aux enjeux territoriaux de demain. Mais, quel est le positionnement exact de l’État quand on voit que des députés européens français se félicitent de la signature d’accords de libres-échanges avec la Nouvelle-Zélande pour l’importation de viande ? La prise de décisions stupides et contre productives doit s’arrêter. Nous voulons que notre modèle agricole soit enfin défini et protégé. Pour dénoncer tout ceci, les actions sont « gentilles » pour l’instant mais cela pourrait se gâter si rien n’est entendu ». Didier Ramet poursuit : « On se fiche clairement de nous » puis en s’adressant directement aux élus présents : « Continuez à ne pas vouloir comprendre que notre métier est en danger et vous en subirez les conséquences aux élections ». Les alertes sont donc lancées par la profession, reste maintenant à savoir si elles seront entendues.

1. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044553572

2. voir TDB n° 1760.

3. voir TDB n° 1758.