Elections législatives
Bouleversement dans le paysage des élus agricoles
La montée du Rassemblement national et les manœuvres de barrage ont fait chuter, dès le premier tour des législatives, plusieurs candidats agricoles importants, notamment de la majorité. Quant à Marc Fesneau et Agnès Pannier-Runacher, ils ne sont pas en position confortable.
Comme attendu, ce scrutin du 30 juin a été marqué par le score élevé de l’extrême-droite, qui fait légèrement mieux que lors des récentes élections européennes. Le Rassemblement national et ses alliés ont obtenu 33,2 % des voix, le Nouveau Front populaire 28,1 % et la coalition présidentielle 20 %. Le phénomène a privé (ou failli priver) certains candidats agricoles de la majorité et de la droite d’un accès au second tour, mis d’autres dans une position inconfortable, ou contraint certains à se désister, selon les mots d’ordre de leurs partis respectifs. Alors qu’il avait été sorti de justesse au second tour en 2022, l’ancien député et éleveur Jean-Baptiste Moreau, qui se présentait sous les couleurs d’Ensemble (majorité présidentielle) a été sorti sèchement ce dimanche. Reconverti dans le lobbying, l’ancien rapporteur de la loi Egalim est arrivé 4e dans la Creuse, avec 17,47 % des voix. Dans l’Aisne, le député spécialiste des questions agricoles, Julien Dive (Les Républicains) a failli subir le même sort. En cours de soirée, les premiers résultats donnaient à son adversaire Philippe Torre (RN) la majorité absolue - il terminera finalement à 47 %, devant Julien Dive à 35,5 %.
Désistements difficiles
Plusieurs autres candidats agricoles sont sortis dès le premier tour : les trois agriculteurs de Reconquête, Vincent Lhopiteau (Eure-et-Loir) avec 1,84 %, Olivier Cleland (Seine-Maritime) avec 1,4 % et Frédéric Bort (Hérault) avec 2,5 % ; chez Ensemble, ce sont à nouveau l’éleveur Vincent Guillermin (Ain) avec 10,82 %, et la viticultrice Salomé Fontaine (Aube) avec 8,96 %, qui échouent ; chez LR, c’est le jeune juriste Pierre-Elie Guyon qui est écarté en Mayenne (9,15 %). Dans la deuxième circonscription de Charente-Maritime, le duel entre l’agriculteur et ex-eurodéputé écologiste, Benoît Biteau, et la députée Modem sortante Anne-Laure Babault a tourné à l’avantage du premier, de justesse. Benoît Biteau s’est positionné en deuxième position, avec 26,94 % des voix, derrière un candidat du Rassemblement national et devant Anne-Laure Babault (25,33 %). Il était attendu que la députée se désiste, mais il aura fallu attendre la journée de mardi pour qu’elle s’y résolve. Dans la soirée du dimanche, Anne-Laure Babault - qui avait été chargée d’une mission parlementaire de préfiguration d’une loi Egalim 4 - avait d’abord maintenu sa candidature. Elle déclarait sur X, qu’elle était « la seule à pouvoir faire face au RN car la seule à avoir des réserves de voix ». Et d’appeler Benoît Biteau « à se retirer en responsabilités ». Mais l’agriculteur ne l’a pas entendu de cette oreille. Quelques heures plus tard, il annonçait son maintien au second tour, dans un communiqué paru le 1er juillet sur X. mardi, Anne-Laure Babault a finalement cédé « le cœur lourd et après une analyse fine des reports de voix, » a-t-elle déclaré dans un communiqué. Comme Benoît Biteau, une autre candidate agricole de la gauche s’est retrouvée en 2e position devant une candidate de la majorité, qui s’est retirée : Mathilde Hignet (LFI, Ille-et-Vilaine), avec 32 %. Quant à l’ex-porte-parole de la Confédération paysanne en Charente, Carole Ballu, elle est arrivée troisième, et s’est désistée.
Pas gagné pour les anciens ministres
Rien n’est gagné pour les deux ministres de l’Agriculture. Pour sa première candidature aux élections législatives, la ministre déléguée de l’Agriculture Agnès Pannier-Runacher s’est placée deuxième (21,5 %) derrière le Rassemblement national (37,31 %), dans sa circonscription du Pas-de-Calais. Elle a battu l’éleveur écologiste Alexandre Cousin (17,5 %), qui s’est qualifié au second tour, et s’est désisté. Avec un meilleur score (34,5 %) mais dans une configuration similaire, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau s’est placé deuxième dans sa circonscription du Loir-et-Cher, derrière le Rassemblement national (35,2 %). Il devrait aussi bénéficier d’un désistement du candidat du gauche. Plusieurs autres candidats de la majorité parlementaire sont dans ce cas de figure : l’ancien ministre de l’Agriculture Stéphane Travert (Ensemble, Manche) qui termine 2e derrière le RN avec 33 % ; l’éleveuse Sandrine Le Feur (Ensemble, Finistère) avec 30,63 % des voix ; l’agricultrice et rapporteure de la LOA, Nicole Le Peih (Ensemble, Morbihan) avec 26 % des voix, Richard Ramos (Modem, Loiret) avec 31 % ; l’ex-secrétaire d’État à la biodiversité Bérengère Abba (Haute-Marne) avec 28,8 %, le député Jean Terlier (Ensemble, Tarn) avec 28,6 %. Publiés tard dans la soirée du 30 juillet, les résultats des législatives en Île-de-France font apparaître des déconvenues pour la majorité. Rapporteur du projet de loi sur la gestion des risques agricoles, le député Ensemble Frédéric Descrozaille n’arrive qu’en troisième position (18,57 %) dans le Val-de-Marne, derrière un candidat LFI, et devant celui du Rassemblement national, malgré tout qualifié pour le second tour. Interrogé par Agra presse, il indique qu’il se désistera au second tour. Même sort pour le jeune député Ensemble Alexis Izard qui termine troisième dans l’Essonne, avec 29,9 % des voix, derrière un candidat du Nouveau front populaire et derrière le Rassemblement national, qui passe en tête. Il pourrait se désister, et ne pas terminer ses travaux parlementaires sur la préfiguration d’une loi Egalim 4. Les choses ont été plus aisées pour Aurélie Trouvé et Aymeric Caron - tous les deux ont été réélus dès le premier tour, avec 63 % des voix en Seine-Saint-Denis pour la chercheuse en économie agricole, et 50,63 % des voix à Paris pour l’ancien chroniqueur de télévision.