Bois-forêt
Le chêne, de la forêt à la barrique

Chloé Monget et Nicolas Rasse (CNPF)
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Le 8 mars, le Centre national de la propriété forestière (CNPF) organisait une journée sur le chêne dans la Nièvre et le Cher afin de décliner l’usage de cette essence pour la fabrication du vin.

Le chêne, de la forêt à la barrique
Après la visite du groupe Charlois, les participants se sont rendus en forêt du Bois du Jarrier, à Boulleret (18) puis au domaine viticole Jean-Paul Balland à Bué (18).

« Les années quatre-vingt-dix ont vu apparaître la mode des vins boisés. La demande en bois de chêne pour cet usage spécifique n’a alors cessé de croître. Au total, environ 300 000 m3 de grumes sont exploitées annuellement pour fabriquer plus de 500 000 barriques. Ce marché représente 10 % du volume bois d’œuvre exploité mais 30 % des revenus des ventes de chêne en France. La France est, sur le marché du tonneau, le leader mondial. Elle exporte cette production dans le monde entier. 80 % des tonneaux fabriqués sortent du territoire », explique Nicolas Rasse, technicien du secteur nivernais du Centre national de la propriété forestière (CNPF). Nicolas Rasse stipule : « manifestement, les propriétaires sont très intéressés car les places pour cette journée se sont écoulées en quelques heures ».

Une visite singulière

Ainsi, une trentaine de participants était présente au point de rendez-vous à Murlin, Nièvre, pour une visite de la merranderie/tonnellerie du groupe international Charlois. Les participants ont été émerveillés et ont pu apprécier le savoir-faire ancestral d’artisans tonneliers effectué à la Manufacture tonnelière La Grange, la seule des tonnelleries du groupe où toutes les étapes sont réalisées à la main sauf l’appareillage de la douelle, pièce de bois constituant un tonneau, fabriquée à partir d’une pièce de bois appelée merrain.

Un bois d’exception

L’après-midi, les participants se sont rendus en forêt du Bois du Jarrier, à Boulleret (18) pour aborder la sylviculture du chêne de qualité, afin de fournir la production de merrain. Pour l’occasion, ils furent accompagnés par Éric Leporcq, acheteur merrain chez Charlois, et Pascal Poubeau, expert forestier. Durant la rencontre, les échanges sont allés bon train entre les propriétaires forestiers mais aussi avec les professionnels, notamment sur la reconnaissance de la qualité merrain et sur le prix des chênes. Éric Leporcq a ainsi montré sur des arbres sur pied et abattu les principales singularités et défauts rédhibitoires. D’une longueur minimale de 1 m ou par multiple de 1 m, les bois doivent être droit et droit de fil (aux fibres du bois parallèle à l’axe de l’arbre), exempts de défauts et d’un diamètre minimum de 40 cm.

« Face aux stress engendrés par le changement climatique, il est indispensable de dynamiser la sylviculture du chêne. Avec un accroissement moyen entre 2 et 3 m3/ha/an, il faut réaliser des coupes légères et fréquentes, au profit de la qualité » martèle Pascal Poubeau. « Les acheteurs visitent en moyenne 8 coupes pour en acheter 1. Ils ne se déplaceront pas pour des coupes de moins de 10 m3/ha. La vente bord de route permet non seulement de mettre en avant la qualité cachée des bois mais permet notamment de connaître précisément le volume des arbres à vendre », explique Pascal Poubeau.

Vers des vins boisés aux arômes inattendus

La rencontre se termina au domaine viticole Jean-Paul Balland à Bué (18) avec une visite et une dégustation orchestrée par deux œnologues, Bertrand Daulny, ancien directeur du Service Interprofessionnel de Conseil Agronomique, de Vinification et d’Analyses du Centre et Isabelle Balland en charge de la vinification au domaine. Jean-Paul Balland rappelle « pour mémoire chaque bois offre une qualité de grain différente et présente donc des qualités organoleptiques distinctes. Une barrique neuve procure un pouvoir de transfert de 100 %, il y a donc des avantages à opter pour ce choix ». La dégustation débuta sur un rosé afin que le palais des participants découvre le goût griotté du pinot noir à l’origine des rosés et des rouges. La découverte des vins s’acheva sur la dégustation de sauvignon blanc issu de la même vendange élevé dans deux demi-muids distincts (contenant de 600 litres), l’un issu de la forêt des Bertranges, au cœur du plateau Nivernais et l’autre d’une autre provenance. Jean-Paul Balland explique aux propriétaires forestiers que « les mathématiques ne s’appliquent pas en vinification. En effet, l’assemblage de ces deux tonneaux ajoute de nouveaux arômes aux saveurs déjà présentes ».

Ces trois visites ont permis au groupe de découvrir toute la chaîne de transformation : du chêne à la barrique jusqu’à la dégustation.