Élevages ovins
On en arrive là...

AG
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Un éleveur de Côte-d'Or, convaincu que la problématique loup va perdurer, vient de mettre en vente une partie de sa troupe ovine sur internet.

On en arrive là...
Sébastien Garnier rentre ses animaux chaque soir, dans des conditions « très difficiles ».

Sébastien Garnier a succédé à son père sur la ferme familiale en 2019 à Commarin, près de Pouilly-en-Auxois. Le mouton, ce Côte-d’orien de 42 ans y croyait « dur comme fer » : sa troupe avait rapidement atteint la barre des 250 brebis. Mais la menace du loup s’est vite développée, elle aussi, autour de chez lui. « Comme tous mes collègues, je redoutais l’arrivée de ce prédateur, qui n’a vraiment rien à faire au milieu de nos animaux », confie l’éleveur en race limousine. De récentes attaques ont fini par le dissuader de continuer sur la même dynamique. Pire, de premiers animaux ont été mis en vente sur Leboncoin à partir du 19 décembre : « j’ai pris la décision de me séparer d’une centaine de moutons : des brebis mais aussi quelques béliers. En effet, je ne peux plus continuer ainsi. Cela fait plus d’un mois que les attaques se multiplient autour de ma ferme. Du côté de Semarey, le loup a tué une brebis à 300 mètres d’un de mes prés. Ce même prédateur, ou peut-être même un autre, en avait déjà tué deux, trois semaines plus tôt, non loin de là. Il y a un mois, c’était à Échannay, à trois kilomètres d’ici. Il y a eu aussi des faits similaires à Civry, près de Grobois, ça n’arrête pas… ». (et d’autres attaques sont à déplorer depuis la rencontre avec l’éleveur)

Pas la place

Dans un contexte « normal et serein », les ovins de Sébastien Garnier seraient aujourd’hui au pré, avec des agnelages programmés en février et mars : « à cause du loup, je suis obligé d’en laisser un certain nombre en bergerie. Les autres sont rentrés chaque soir, avec tout le travail supplémentaire que cela implique… Je n’avais pas besoin de ça. Pour ne rien arranger, je ne dispose pas de l’espace nécessaire pour rentrer tous les moutons dans les meilleures conditions. Ils ne sont pas bien en ce moment et cela se voit. Une notion me vient à l’esprit : le mal-être animal… À cause de qui ? Le loup bien sûr. Il faut que cela cesse, cette situation ne peut plus durer… ». L’éleveur de Commarin a décidé diminuer sa troupe dans de grandes proportions, et pour cause : « je suis persuadé que la problématique du loup va continuer, voire s’aggraver. J’aimerais me tromper mais franchement, je ne vois aucune issue possible. Tout est fait pour maintenir, voire développer, cet animal dans nos campagnes. Le loup serait bien mieux là où les aides sont suffisantes pour faire vivre aussi l’éleveur, c’est-à-dire à la montagne. Je viens d’apprendre que l’OFB savait pertinemment que le loup était dans notre vallée depuis février… Mais personne ne nous dit rien. L’administration nous mène en bateau, ils sont là pour protéger le loup avant toute chose. Regardez en Saône-et-Loire, ça n’avance pas ! Les autorisations de tirs tardent toujours à arriver. Aujourd’hui, le loup est partout. Il n’attaque jamais ou très rarement au même endroit. Quand on prend la décision de le surveiller ou de le tirer, il est déjà loin. Il est là et il n’y a plus rien à faire, à part faire de l’agnelage l’hiver en bergerie ».

Retourner les prairies

Élever « davantage de vaches » (il en a 45, en race Aubrac), Sébastien Garnier n’en a pas spécialement l’envie : « je préfère de loin les moutons… Et même si j’augmentais les bovins, à la place des ovins, qui peut me garantir que je n’aurai pas d’attaques sur ces animaux ? Il y en a déjà eu en Côte-d’Or, au printemps dernier. Quand il n’y aura plus de moutons dans le département, le loup s’acharnera probablement sur les veaux. Alors, que faire ? J’envisage à ce jour de retourner des prairies. Ça finira comme ça ». Interrogé sur les moyens de protection proposés par l’administration, Sébastien Garnier ne dit pas forcément non : « il faudrait que l’on vienne m’aider à rentrer les animaux dans les parcs, sachant que j’ai six à sept lots différents. Oui, cela fait beaucoup de travail… Plutôt que de payer des gens à compter les loups, il faudrait peut-être les convier à surveiller et rentrer nos bêtes. Plus sérieusement, notre filière est dans une impasse. Les Patous ? Ce n’est pas possible, je ne suis pas éleveur de chiens. Si nous voulons continuer de manger du mouton français, doit-on élever nos animaux comme en Chine, dans des bâtiments à étages ? Ce n’est pas sérieux, nous marchons sur la tête, comme nous l’entendons beaucoup, depuis un petit moment ».