Agriculture biologique
Association céréales-protéagineux : quels bénéfices ?

Grégory Vericel, Mélodie Rakotoarimana et Diane Chavassieux (Arvalis), Marie Bouille (CA89), Damien Derelle (SeineYonne) et Benjamin Delhaye (Terres Inovia)
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Retour sur les résultats observés sur la plateforme d’expérimentation XP’Bio 89, en particulier sur les associations céréales-protéagineux.

Association céréales-protéagineux : quels bénéfices ?
La plateforme d’expérimentation en agriculture biologique XP’Bio 89 a vu le jour en 2021.

La plateforme d’expérimentation en agriculture biologique XP’Bio 89 a vu le jour en 2021. Au bout de deux ans d’expérimentation, une synthèse des résultats des associations céréales-protéagineux a pu être faite. Les essais associations céréales-protéagineux de XP’Bio 89 ont été intégrés dans un réseau d’essais national piloté par Arvalis.

Un levier complémentaire à la fertilisation

En AB, on privilégie la mise en place de leviers à l’échelle du système de culture pour répondre aux besoins des cultures et pour assurer une production permettant à l’agriculteur de dégager un revenu. Lorsque ce n’est pas possible, la fertilisation azotée est utilisée en dernier recours. La fertilisation azotée des céréales à paille vise alors un double objectif : assurer de bons niveaux de rendements et permettre d’atteindre les normes de teneurs en protéines exigées par les filières pour assurer un débouché aux céréales récoltées. Cependant, concilier ce double objectif s’avère souvent difficile. En effet, si le rendement des céréales à paille conduites en AB répond généralement bien à la fertilisation azotée, l’effet de cette dernière sur la teneur en protéines des grains est plus aléatoire. De plus, le contexte économique et réglementaire actuel (hausse des coûts de fabrication et de transport des engrais utilisables en AB, pénurie de fientes consécutive à l’abattage de volailles en raison de la grippe aviaire, définition des élevages industriels qui restreint l’utilisation des fientes de volailles et des lisiers de porcs déshydratés) concourt à une réduction de l’accès aux engrais organiques pour les agriculteurs bios et à une augmentation de leurs prix. Il devient donc nécessaire d’explorer d’autres sources d’azote que celles provenant de la fertilisation. Un levier déjà largement répandu en AB est d’associer aux céréales des légumineuses afin de bénéficier de la capacité de ces dernières à fixer l’azote atmosphérique.

Principe et fonctionnement des cultures associées

Une association de cultures céréales-légumineuses correspond à la culture simultanée de deux espèces, une céréale et une légumineuse dans un même espace pendant une durée significative de leur cycle de vie. Elle peut être récoltée en grains, on parle alors d’association céréales-protéagineux, ou en fourrage immature selon sa valorisation finale. Dans cette étude, on s’intéressera donc aux associations céréales-protéagineux uniquement. Même si c’est souvent le cas, il n’est pas nécessaire que ces différentes espèces soient semées ou récoltées à la même période. Les associations de cultures sont parfois également appelées associations culturales ou cultures associées. Les cultures associées constituent des couverts complexes qui présentent souvent de meilleures performances agronomiques grâce à une meilleure utilisation des processus écologiques et des ressources. Cela est notamment permis par des interactions positives de complémentarité et de facilitation entre les espèces. Ces interactions ont des effets intéressants sur la productivité des cultures notamment en conditions de disponibilité limitée des ressources comme c’est généralement le cas en AB. Par ailleurs, il existe des interactions de compétition entre les espèces associées qu’il sera important de limiter (illustration 1).

Un réseau d’essais pour évaluer les performances

Arvalis conduit depuis 2021 un réseau d’essais sur les associations céréales-protéagineux, notamment en AB (8 essais de 2021 à 2023). Dans ce réseau, plusieurs stratégies d’associations ont été testées. Elles correspondent à différents objectifs de production : produire principalement des céréales avec un taux de protéines élevé, produire un mélange équilibré de céréales et de légumineuses, et sécuriser la production de légumineuses. Dans la suite de ce chapitre, ces stratégies seront nommées « association stratégie protéines », « association stratégie équilibre » ou « association stratégie légumineuses ». Dans les essais, les densités de semis des espèces en association ont été adaptées en fonction de ces différentes stratégies (Tableau 1).

L'illustration 2 présente les performances agronomiques moyennes des différentes modalités avec la stratégie d’association « protéines ». L’association de la céréale avec la légumineuse a permis une augmentation du taux de protéines moyen de 0,7 % par rapport aux cultures pures de céréales non fertilisées et de 0,6 % par rapport aux cultures pures de céréales fertilisées. Le rendement de la céréale en association est inférieur de 3 q/ha en moyenne à celui de la céréale en culture pure sans fertilisation, mais il faut lui ajouter le rendement de la légumineuse qui est de 6,3 q/ha en moyenne (environ un tiers du rendement de la légumineuse en culture pure). Le rendement total de l’association est donc en moyenne légèrement supérieur à celui de la culture de céréales non fertilisée (39,9 q/ha contre 36,6 q/ha). Enfin, en moyenne, la céréale représente 84 % de la récolte issue de l’association, ce qui répond à l’objectif de produire de la céréale en majorité.

L'illustration  3 présente les performances agronomiques moyennes des différents essais avec la stratégie d’association « équilibre ». En moyenne, le rendement total de l’association (33,5 q/ha) est comparable au rendement de la culture pure de céréale non fertilisée (32,4 q/ha) et est supérieur à celui de la culture pure de légumineuse (27,9 q/ha). L’association répond bien à l’objectif de production équilibrée entre céréale et légumineuse au vu de la répartition moyenne des deux espèces dans le rendement total récolté : 52 % de légumineuse et 48 % de céréale. Elle permet également un net gain du taux de protéines moyen de la céréale (+ 3,4 %). Sur l’essai de XP’Bio 89 à Migennes (89) en 2023, il a été observé que la féverole était plus compétitive vis-à-vis du blé tendre que le pois. En 2022, sur l’essai de Marsangy (89), les productivités en céréales et en légumineuses semblent être plus élevées avec une augmentation de la densité de semis de céréales (150 gr/m²) et une diminution de la densité de légumineuses (55 g/m²). En 2022, les conditions de semis de la légumineuse (semis à 2 cm de profondeur) n’ont pas permis un développement homogène des légumineuses. Les fortes températures lors de la floraison ont grandement limité le potentiel de croissance des légumineuses, favorisant ainsi le développement de la céréale dans ce contexte.

L'illustration 4 présente les performances agronomiques moyennes des différents essais avec la stratégie d’association « légumineuse ». Le rendement total de l’association est supérieur au rendement de la culture pure de légumineuse de 7 q/ha, en moyenne. Le rendement total de l’association est supérieur de seulement 2,2 q/ha en moyenne à celui de la culture pure de céréale non fertilisée. De plus, l’association permet en moyenne une nette augmentation du taux de protéines de la céréale (+ 3,7 %). Enfin, elle répond à l’objectif de sécurisation et maximisation du rendement en légumineuse puisque cette dernière représente 62 %, en moyenne, du mélange récolté.

Dans les essais de ce réseau, les associations stratégie « protéines » et « légumineuse » sont celles qui ont gagné le plus de productivité totale par rapport aux cultures pures, en moyenne. L’association stratégie « équilibre » est celle qui a le moins gagné en productivité, en moyenne. Cependant ces résultats pour chaque stratégie n’ont pas été obtenus avec le même nombre d’associations, les mêmes espèces associées ni dans les mêmes contextes pédoclimatiques. Il est donc difficile de comparer les performances des différentes stratégies entre elles.

Toutes les stratégies d’associations ont permis, en moyenne, de gagner en productivité totale par rapport aux cultures pures, et en taux de protéines.

La stratégie d’association « protéines » a permis une augmentation de la productivité en céréale ainsi qu’une augmentation du taux de protéines des céréales. Il n’est pas systématique que la marge brute des associations soit supérieure à celle des cultures pures. C’est généralement le cas lorsqu’il y a augmentation de la productivité couplée avec une augmentation du taux de protéines des céréales.
La stratégie « équilibre » a permis aux associations un gain de productivité en légumineuse mais une légère perte de productivité en céréales, en moyenne. Néanmoins, la marge brute moyenne des associations est supérieure à celle des cultures pures de céréales grâce à la présence des légumineuses généralement mieux valorisées que les céréales (sauf blé dur pour l’alimentation humaine). En conditions favorables à la culture de légumineuses, une culture pure de légumineuse semble rapporter plus qu’une culture associée stratégie « équilibre ». Cependant, en conditions défavorables à la culture de légumineuses, l’association joue un rôle de sécurisation du revenu grâce notamment au revenu apporté par la céréale.
La stratégie « légumineuse » a permis un gain de productivité en légumineuses et en céréales. En moyenne, elle a une marge brute supérieure à celle de la culture pure de légumineuse qui est supérieure à celle de la culture pure de céréales. Cependant, en conditions particulièrement favorables pour la légumineuse, une culture pure de légumineuse semble rapporter plus qu’une culture pure en association stratégie « légumineuse ». À l’inverse, en conditions défavorables pour la légumineuse, l’association permet de limiter la perte de marge grâce notamment au revenu généré par la céréale.
D’autre part, on remarque une certaine cohérence entre la répartition des espèces dans le mélange semé et la répartition des espèces dans le mélange récolté. Il semblerait qu’on retrouve à peu près les mêmes proportions d’espèces au semis et à la récolte, sauf en cas de conditions particulièrement défavorables pour l’une des espèces, comme ça a été le cas dans l’essai de Marsangy en 2022, pour les associations stratégie « légumineuse » triticale / pois et triticale / pois fourrager. Néanmoins, la profondeur de semis suivant sa stratégie conditionne grandement la réussite du mélange et la répartition du mélange final, ci-dessous nos recommandations :

• Association stratégie protéines : viser une profondeur proche de la céréale (3-4 cm).
• Association stratégie équilibre : viser une profondeur 4-5 cm en équilibre.
• Association stratégie légumineuse : viser une profondeur plus proche de la légumineuse (5- 6 cm)
Les résultats de ces analyses ne prennent pas en compte la problématique du triage qui peut impliquer des pertes (grains cassés, impuretés, etc.). Enfin, il est difficile de comparer les stratégies d’association entre elles puisque les essais étudiés pour chaque stratégie ne sont pas les mêmes. En effet, beaucoup de facteurs propres à chaque essai peuvent influer sur les résultats (conditions pédoclimatiques, reliquats sortie d’hiver, combinaison d’espèces, variétés, dates de semis et de récolte etc.). D’après les résultats de l’étude, on peut en conclure que le choix de la stratégie d’association va dépendre des objectifs et des besoins de l’agriculteur. Avant de s’engager dans toute association visant à vendre des produits à son organisme stockeur, il est essentiel de vérifier que celui-ci prendra en charge la production, afin d’éviter toute mauvaise surprise. Dans cette synthèse, l’intérêt sur le rendement et la teneur en protéines des associations a été mesuré mais elles ont également d’autres bienfaits agronomiques comme la gestion des adventices, une meilleure gestion de la verse… qui n’ont pas été évalués dans ces essais.

Zoom sur XP’Bio 89

La plateforme d’expérimentation en agriculture biologique XP’Bio 89 a vu le jour en 2021 pour une mutualisation d’essais entre Chambres d’agricultures, instituts techniques et coopératives de la région Bourgogne Franche-Comté. Les partenaires fondateurs sont SeineYonne, la Chambre d’agriculture de l’Yonne, Terres Inovia et Arvalis. La Cocebi et la Chambre d’agriculture de la Nièvre ont ensuite rejoint le partenariat en 2023. L’objectif de cette plateforme est double : acquérir des références locales en agriculture biologique (AB) mais également accompagner les agriculteurs sur les itinéraires techniques de cultures en AB. Les thématiques travaillées sont le choix variétal, les associations de cultures, la fertilisation et les cultures de diversification.