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Numérique et ruralité : des prestataires pas toujours à la hauteur

Léa Rochon
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Tandis que les politiques ont pris à bras-le-corps la question de l’accès au réseau mobile pour tous les habitants du territoire français, le raccordement à la fibre (réseau fixe) par des sociétés sous-traitantes pose encore de nombreux problèmes dans les zones rurales.

Numérique et ruralité : des prestataires pas toujours à la hauteur
Patrick Chaize (Les Républicains), sénateur de l’Ain. (Crédit : Sénat / Cécilia Lerouge)

Accéder à une bonne couverture numérique depuis son habitation est devenu une priorité poli­tique. D’autant plus depuis l’annonce du plan France très haut débit en 2013 et la signature du New Deal mobile en 2018 ; date à laquelle l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a exigé des opérateurs de densifier leurs réseaux. Selon les données du « gendarme des télécommunications », les opérateurs de téléphonie mobile Free, Orange, SFR et Bouygues assuraient une bonne couverture en 2G et 3G à 99 % de la population au 31 décembre 2022. La situation dite de « bonne couverture » doit permettre de « téléphoner et d’échanger des SMS à l’extérieur des bâtiments dans la plupart des cas, et, dans certains cas, à l’intérieur des bâtiments ». Quant à l’ac­cès à la 4G, l’Arcep affirme que plus de 97 % des sites du programme Zones blanches centres-bourgs existants en 2018, étaient équipés en 4G au 31 mars dernier. En matière de réseau mobile, la dynamique semble donc enclen­chée.

Proposition de loi

Concernant la fibre optique, également appelée réseau fixe, le constat semble bien différent. Ancien maire de Vonnas, dans l’Ain, le sénateur Patrick Chaize (Les Républicains), a fait des télécommunications son cheval de bataille. En juillet 2022, le président de l’Association des villes et collectivi­tés pour les communications électro­niques et l’audiovisuel (Avicca) avait adressé une proposition de loi au Sénat. Son objectif ? « Assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ». La Chambre haute a adopté en première lecture cette proposition de loi le 2 mai dernier. Une satisfaction pour celui qui souhaite remettre le consom­mateur au cœur des préoccupations des opérateurs. « En termes de fibre optique, les territoires ruraux sont dynamiques, puisque les travaux et les déploiements y sont plus forts que dans les territoires urbains. » Selon cet élu, le problème serait en réalité lié à la sous-traitance des raccordements à la fibre optique. Près de 15 000 raccorde­ments seraient effectués chaque jour en France. « Les raccordeurs sont, la plupart du temps, payés à la tâche. Ils cherchent donc la rentabilité et l’optimisation de leur temps. » Les zones rurales, où les tra­jets entre chaque prestation sont plus longs, sont devenues les premières victimes de ce phénomène. Longueur d’attaches des câbles non respectée lors du raccordement, clés manquantes, boîtiers fibres ouverts à coups de pied-de-biche sans être refermés… Autant d’actes qui dégradent la qualité de la fibre optique dans ces territoires.

Labelliser les prestataires

« Je reçois des témoignages de ce genre de la France entière », affirme avec un certain dépit Patrick Chaize. Parmi les mesures phares contenues dans sa proposition de loi, figure notam­ment la certification ou la labellisation des prestataires de services. « Dans cer­tains secteurs, il est impossible de trou­ver quelqu’un pour venir faire le travail. Les sociétés se rabattent sur qui le veut bien, mais les problèmes de qualification dégradent la qualité du service et empirent le mécontentement et l’insatisfaction des consommateurs. J’ai donc proposé de donner à l’Arcep un moyen de contrôle, afin qu’elle soit en mesure de sanctionner un opérateur qui gère mal ses sous-trai­tants. » Le sénateur a également inscrit la possibilité, pour le consommateur, de suspendre et de ne plus payer son abon­nement en cas de dégradation continue du service. « Actuellement, même si une panne persiste, le consommateur continue à payer », argumente-t-il. Si la proposi­tion de loi du sénateur de l’Ain n’est pas encore inscrite à l’ordre du jour de l’As­semblée nationale, un second volet sera bientôt examiné au Sénat. Il concernera cette fois les diverses problématiques et dérives liées à l’utilisation du numérique. Selon un rapport de l’Agence nationale de la Cohésion des territoires (ANCT) sorti en 2022, le nombre de personnes éloignées du numérique ou touchées par « l’illectronisme » a augmenté au cours des cinq dernières années. Elles seraient désormais 16 millions.