Dégâts de sangliers
Aussitôt semé, aussitôt récolté

AG
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L'EARL du Ruisselot, à Avot, vient de subir d'importants dégâts de sangliers dans sa parcelle de pois.

Aussitôt semé, aussitôt récolté

Cette histoire n’est bien sûr qu’un exemple parmi tant d’autres dans le département. Même au sein de la même exploitation, d’autres cultures sont également touchées à l’image du maïs, du blé et de plusieurs prairies. L’EARL du Ruisselot, à Avot près de Salives, ne récoltera aucun pois cette année et pour cause : ses 14 ha semés début mars ont aussitôt été ravagés par des sangliers. « Ils devaient être une quarantaine et sont venus trois nuits de suite, il ne reste plus rien », déplore Raphaël Grey, gérant de l’exploitation.

Mauvaise gestion

La problématique sangliers enfle dans le secteur : « les populations augmentent, la gestion de cet animal n’est pas bonne du tout », s’inquiète l’exploitant agricole, « une grosse société voisine ne chasse que trois heures par week-end, seulement trois fois dans le mois, ce n’est pas assez pour espérer réguler. En plus, ils ne tirent ni les gros, ni les mères et en mars, ça n’a pas chassé alors que les tirs étaient autorisés… Les petites sociétés vont se faire sanctionner car le prix des bracelets va augmenter avec cette zone noire. Si les actions augmentent d’un tiers, le nombre de chasseurs pourrait diminuer à l’avenir. Cette problématique fait boule de neige, je ne sais pas comment nous allons nous en sortir ». Pour ne rien arranger, Raphaël Grey n’a pas réussi à s’entendre avec les chasseurs pour la pose des clôtures : « la ferme est certifiée HVE3 et cela limite les possibilités d’entretien des clôtures, il faut tout faire à la main. Mais ce n’est pas une raison, c’est dommage d’en arriver là ».

Grosse ardoise

Devant l’ampleur de ses dégâts, Raphaël Grey a aussitôt contacté la Fédération départementale des chasseurs. Celle-ci l’a invité à engager des re-semis : « problème : la parcelle a été désherbée et il n’est plus possible de faire quoi que ce soit. Et même si cela avait été possible, avec la pénurie que l’on connaît, il aurait été impossible de trouver des semis de pois de printemps. C’est vraiment la galère. On me demande d’aller au bout, des comptages seront réalisés au fur et à mesure, mais une chose est sûre : la parcelle ne sera pas fauchée. En plus, le salissement sera plus qu’important, les mauvaises herbes vont se développer. Le manque à gagner est considérable : sur cette parcelle, on peut généralement espérer un rendement de 4,5 t/ha, avec un contrat à 400 euros/t ».

Témoignage « Éviter le point de non-retour »

Pascal Isselin, agriculteur à Lucey, membre des CTL et de la commission dégâts de gibier de la FDSEA, se montre très inquiet sur l’évolution des populations de sangliers : « Certaines sociétés font très bien leur travail mais il y a malheureusement de très mauvais élèves, je pense ici aux chasses commerciales qui nous font beaucoup de mal… Celles-ci n’ont même pas sorti les fusils en mars, par peur de manquer de sangliers l’année prochaine, c’est incroyable ! Ils ont peur aussi de perdre des actionnaires et d’avoir un manque à gagner. Oui, nous en sommes là, alors que les sangliers n’ont jamais été aussi nombreux. Cette situation est intenable, car avec ces nombreux dégâts dans les parcelles agricoles, finalement, ce sont les agriculteurs qui nourrissent les sangliers les trois quarts de l’année. Il n’est plus possible de continuer ainsi, alors que le gouvernement compte sur nous pour nourrir la population dans ce contexte économique très délicat. Pour ne rien arranger, ici, dans le cœur du parc national, l’agrainage est interdit et il n’est pas possible de limiter les va-et-vient des sangliers dans nos champs. En plus des prélèvements qui ne sont pas assez nombreux, la mise en place des bracelets et le seuil minimum de 30 ha d’un seul tenant pour disposer d’un plan de chasse ne sont pas une bonne chose pour réguler les populations. À un moment donné, nous allons arriver à un point de non-retour, je le crains fortement. Il faut impérativement que les chasseurs et les agriculteurs se serrent la main, travaillent ensemble et trouvent rapidement un compromis avant que la ligne rouge ne soit dépassée ».