Vols de bois et saccages de forêts en hausse
Face à la recrudescence de vols de bois et de saccages de parcelles boisées à grande échelle, la Fédération des syndicats de forestiers privés de France (Fransylva) monte au créneau.

Le film présenté par les représentants des forestiers privés à l’occasion d’une rencontre avec la presse est édifiant. Une quinzaine d’hectares de forêt saccagée. « La coupe sauvage a littéralement arraché le peuplement laissant sur place des sols retournés et un enchevêtrement de branchages » déclare Didier Daclin, président de Fransylva Moselle, le département où s’est déroulée cette rapine. « Les coupes ont été faites en dépit du bon sens, poursuit-il, sans tenir compte des peuplements à venir, de la régénération. C’est une agression sur la biodiversité, tout l’écosystème est dévasté. » Depuis quelques années, en parallèle à la flambée du prix du chêne qui a pris 50 % en dix ans, les vols de bois sur pied se multiplient dans les forêts privées. En Moselle, depuis 2017 quarante propriétaires en ont été victimes, mais l’Aube, la Meuse et la Haute-Marne ont aussi été touchées de même que la région pyrénéenne. Curieusement l’ONF et les grandes surfaces de forêt privés ne sont pas concernées car suffisamment surveillées.
La cible des petits propriétaires
L’escroquerie cible les petits propriétaires, ces deux millions de personnes dont le patrimoine forestier n’excède pas un hectare. Même pris la main dans le sac, les voleurs pourront prétendre être en règle et les victimes, souvent des personnes âgées, n’oseront pas porter plainte. Didier Daclin explique la manière de procéder des « malfaisants » comme il les qualifie. Rencontrer un petit propriétaire et insister lourdement pour acheter son bois afin d'obtenir un droit d’exploitation, c’est-à-dire de procéder à des coupes sur sa parcelle. Une fois ce droit obtenu, les « malfaisants », qui agissent en bandes organisées, peuvent agir à leur guise, personne n’ira leur demander ce qu’ils font. Ils peuvent ainsi arracher les arbres sur les parcelles voisines, dépasser les limites et couper tout ce que bon leur semble. « Mais même si la forêt est massacrée il s’agit quand même de travail de « professionnels », qui mobilisent des bûcherons et des tracteurs » avance Didier Daclin. Le plan national de lutte préconisé par Fransylva demande aux chasseurs, aux agriculteurs, aux maires des communes, d’ouvrir les yeux et d’être plus vigilants devant les chantiers forestiers. Il demande qu’une autorisation soit nécessaire pour une coupe d’un hectare au lieu de quatre jusqu’à présent. Il conseille aux mairies d’être plus méfiants face à ceux qui veulent à tout prix connaître les propriétaires des parcelles forestières pour leur extirper une autorisation de coupes.
Numéro d'urgence
Les victimes sont souvent des personnes âgées, peu enclines à porter plainte, d’où l’absence de données précises sur ce phénomène. « Pour elles, le préjudice n’est pas seulement le vol d’argent mais la honte de n’avoir pas su préserver ce patrimoine. En volant ces arbres ce sont les racines d’une famille que l’on arrache », déplore Antoine d’Amécourt, le président de Fransylva qui entend, à travers ce plan, accompagner les propriétaires victimes, les aider à porter plainte et démanteler ces réseaux même si aujourd’hui rien n’indique qu’il s’agisse d’un trafic international. Un numéro d’urgence a été mis en place : 01 47 20 90 58. Le tribunal correctionnel de Thionville a condamné en janvier 2023 à deux ans de prison, dont un avec sursis, un ex-forestier pour la coupe et la revente de bois qui ne lui appartenait pas. Le préjudice pour les quarante propriétaires est estimé à cinq cent mille euros. Le prévenu identifiait les propriétaires qui étaient décédés ou habitaient loin de leur propriété. Le jugement doit passer en appel en ce mois de juin. Un hectare de chêne peut se négocier quinze à vingt mille euros et la filière pense que ces bois finissent souvent dans des containers en partance pour l’étranger.
Acheter et préserver de vieilles forêts en Bourgogne-Franche-Comté

Les Conservatoires d’espaces naturels (CEN) de Bourgogne-Franche-Comté (BFC) ont lancé un appel aux dons pour la sauvegarde des vieilles forêts dans le cadre du programme Sylvae. Les vieilles forêts sont des forêts anciennes, qui ont au moins 200 ans d’existence, et, matures : elles se distinguent par la présence de gros bois, de vieux arbres et d’une quantité importante de bois mort au sol et sur pied. Initié en Auvergne en 2018, le but de ce programme est d’identifier les plus vieux massifs forestiers français et d’y acquérir des îlots pour les placer en libre évolution, c’est-à-dire n’y effectuer aucune intervention sur la végétation. Les parcelles ciblées pour l’acquisition concernent les vieilles forêts, mais aussi les forêts dites « à haute valeur écologique » , présentant des enjeux particuliers pour la biodiversité. Les enjeux sont multiples : ce sont des forêts particulièrement riches en espèces, notamment grâce au bois mort qui accueille 40 % de la biodiversité forestière. Elles sont beaucoup plus résilientes face aux perturbations comme celles liées au dérèglement climatique. Ce sont d’importants pièges à carbone pour la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Elles représentent un patrimoine culturel et historique, certaines remontant à l’époque médiévale, voire au-delà. Les sommes collectées, réparties équitablement entre la Bourgogne et la Franche-Comté, serviront uniquement à l’achat de parcelles de vieilles forêts ou de forêts à haute valeur écologique, ainsi qu’au règlement des frais d’actes notariés, parfois en complément de fonds publics ou privés. En BFC, selon l’Institut national de l’information géographique et forestière, seulement 5 % de la surface forestière comporte des forêts anciennes et matures. À ce jour, plus de 12 000 euros ont été collectés. Si vous souhaitez faire un don, scannez le QR code qui accompagne ce texte.