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Portrait

Vétérinaire rural «Une vocation, presque un sacerdoce»

Le métier de vétérinaire en milieu rural est une profession où se mêle technique, passion et investissement personnel. Encadrant à VetAgro Sup de Lyon, Gilles Le Sobre transmet son savoir-faire à des étudiants. Reportage.
Par Alison Pelotier
Vétérinaire rural «Une vocation, presque un sacerdoce»
( Crédit photo : Réussir )
8  heures du matin, l’École nationale vétérinaire de Lyon se réveille au son des meuglements de son troupeau pédagogique. Deux jeunes étudiantes grimpent aussitôt dans une Berlingo blanche. Au volant, Gilles Le Sobre, leur encadrant. La voiture prend la route en direction d’une ferme pour un suivi de troupeau.

La transmission du métier
Gilles Le Sobre, praticien hospitalier vétérinaire, enseigne depuis douze ans à l’école VetAgro Sup de Marcy-l’Étoile. Sa spécialité : la médecine vétérinaire rurale. Ce matin, il accompagne deux élèves de cinquième année dans une ferme du Rhône, pour un suivi de troupeau. «Je vous laisse tout faire et, si besoin, j’interviens», leur annonce-t-il. Pas une seconde à perdre, Christian Barberet, éleveur de 46 montbéliardes les attend de pied ferme dans son exploitation. Hélène, 25 ans, et Maud, 26 ans, enfilent rapidement bottes et casaques, échographe autour du cou. «  Les filles  » prennent tout de suite en main la situation sous le regard attentif du «professeur» qui ne peut s’empêcher de leur donner un dernier conseil avant qu’elles se mettent à l’œuvre. «Rappelez-vous, d’abord l’examen de loin, susurre-t-il, quand on regarde l’animal dans son ensemble, on voit déjà beaucoup de choses». Suit l’examen rapproché pendant lequel muqueuses, ganglions, cœur, poumons, rumen, abdomen et jugulaire sont passés au crible. Méticuleux, Gilles n’oublie pas d’observer les pattes de la vache ainsi que son poil «qui en dit beaucoup sur son alimentation».

Stéthoscope autour du cou, Maud crée instantanément une proximité rassurante avec les vaches laitières. «Ici, il semblerait qu’il y ait deux veaux. À ce stade, ils ne mesurent que quelques centimètres chacun mais le scanner permet de bien les distinguer», explique l’étudiante originaire des Hauts-de-France. Avant de procéder à la consultation, Hélène chatouille la queue de Jordanie qui n’a pas l’air d’avoir bien envie de se laisser approcher. Grande, fine, l’étudiante s’adapte aux mouvements brusques de la vache avec détermination et bienveillance. «Parfois c’est compliqué, si l’animal n’a pas envie d’être examiné, on ne peut pas travailler dans de bonnes conditions. Il faut être patient, lui laisser le temps et y revenir si possible un peu plus tard», explique la jeune vétérinaire avec calme et maturité.

«Parfois seul face à l’adversité»
Regard rassurant envers ses étudiantes, Gilles n’a de cesse de les questionner et de les pousser dans leurs retranchements pour les faire progresser. Cet homme de 56 ans a intégré l’une des premières classes de l’école vétérinaire de Nantes. Depuis la profession a bien évolué. «En déplacement, j’ai toujours mon ordinateur, en plus du stéthoscope, du thermomètre et de l’échographe. On s’adapte aux nouvelles technologies», explique-t-il. Derrière ses grands yeux bleus se cache un homme discret et déterminé, une personne droite désireuse de transmettre ses connaissances et sa passion aux futures générations. «J’essaie d’être le plus réaliste possible par rapport à la profession, je leur explique que c’est un métier difficile et ultra-technique. Il faut être prêt à vivre des moments très forts, qu’ils soient beaux ou tristes. On est parfois seul face à l’adversité, face à une torsion de matrice, quand un vêlage se passe mal par exemple. Vétérinaire rural, c’est une vocation avant tout. On ne compte pas nos heures. Que ce soit le jour, la nuit, la semaine, le week-end ou les jours fériés, on y va. C’est tellement passionnant, on apprend toute sa vie», ajoute Gilles. Et même si les maux physiques ne tardent pas à se manifester quand on débute dans la profession, la passion permet de garder le cap.

Le relationnel, un incontournable
Et pour preuve, en une journée, ce trio de choc aura non seulement ausculté une cinquantaine de vaches le matin mais aussi administré un antiparasitaire à un bouc nain de 7 mois blessé à l’oreille. Les vétérinaires se seront en plus déplacés pour réaliser deux rappels de FCO et examiner un broutard affaibli depuis quelques jours. «Ce qui me plaît le plus dans ce métier, c’est qu’on ne fait jamais les mêmes choses, d’une journée à l’autre», se réjouit Maud.  Petit  débriefing en  fin de journée. C’est à elles de dresser le bilan de l’état de santé de la ferme de la Grange Bodet. «Le taux cellulaire du troupeau a bien été récupéré ces derniers mois. Néanmoins, il y a encore quelques infectées chroniques et trop de vaches partent à la réforme trop tôt», concluent-elles. Leur encadrant acquiesce et apporte ses conseils. Hélène et Maud n’en perdent pas une miette. Elles s’en inspirent pour peut-être un jour dépasser leur maître. Et lui donner raison de s’être autant investi dans son devoir de transmission.