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Environnement

Vente de phytos : une hausse qui interroge

La hausse des ventes de pesticides en 2018 a représenté 21% en volume, a indiqué le 7 janvier le gouvernement, quand l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) l’a chiffrée à 8%. Une évolution à contre-courant par rapport à l’objectif réaffirmé de -50% en 2025 via le plan Ecophyto. Mais il est aussi important de nuancer entre quantités vendues et quantités utilisées.
Par Agrapresse
Vente de phytos : une hausse qui interroge
Certes les objectifs gouvernementaux de baisse du recours aux produits phytos sont maintenus, mais des facteurs externes peuvent influer sur le niveau des ventes.
Selon un communiqué émanant des quatre ministères de l’Agriculture, de la Santé, de la Recherche et de la Transition écologique «après une légère baisse en 2017 (-3%), le comité du plan Ecophyto 2 + a constaté une augmentation globale forte (+21%) des quantités vendues de produits phytopharmaceutiques en 2018».  La quantité de substances actives atteint 85 876 tonnes, avec en tête le soufre (16%) et le glyphosate (11%). Ce bilan d’Ecophyto, plan de réduction des pesticides, est tiré des chiffres de ventes des distributeurs, alors que l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) s’appuie sur celles des industriels. 68 000 tonnes de produits phytosanitaires (+8% sur un an) ont été commercialisées auprès des coopératives et négociants en 2018, d’après un communiqué de l’organisation professionnelle.

Impact de la Redevance pour pollution diffuse
Des deux côtés, l’anticipation du relèvement de la Redevance pour pollution diffuse (RPD) au 1er janvier 2019 semble déterminante : ce même phénomène d’anticipation des volumes a été observé en 2008 et 2015, selon l’UIPP. «Avec un «déstockage» de produits qui a pu être supérieur chez les coopératives et négociants par rapport à leurs fournisseurs», avance Eugénia Pommaret, la directrice générale de l’UIPP. L’union pointe aussi une hausse des ventes de soufre et de cuivre, matières actives très pondéreuses dont des quantité relativement importantes seraient issues d’entreprises non adhérentes. Pour analyser l’évolution des volumes de phytos, reste la montée en puissance du bio.
41 600 exploitations (+13% sur un an) étaient engagées en agriculture biologique à fin 2018, d’après le gouvernement, soit près de 9,5 % des fermes françaises. Celles-ci peuvent avoir recours au cuivre et au soufre pour protéger leurs cultures, soit des quantités de matières actives «en kg/ha au lieu de g/ha» par comparaison avec les autres traitements en conventionnel, indique-t-on à l’UIPP. L’évolution du Nombre de doses unités (Nodu) agricole est de +24% entre 2017 et 2018. Cet indicateur permet d’apprécier l’intensité d’utilisation des produits phytos, rapportant la quantité vendue de chaque substance active à une «dose unité» qui lui est propre. Là encore, toute évolution d’une année sur l’autre est «à considérer avec précaution», souligne la note de suivi Ecophyto : il s’agit de données de vente et non d’utilisation.

Objectif réaffirmé pour 2025
La hausse de 2018 est notamment liée à des changements d’assolement et à l’interdiction des néonicotinoïdes au 1er septembre qui augmentent les Indicateurs de fréquence de traitements (IFT), rapporte l’UIPP. Exemple: l’IFT est chiffré à 5,1 pour le blé tendre, 16,5 pour la pomme de terre. L’interdiction des néonicotinoïdes fait que «l’IFT de 1 avec des semences traitées passe à 4 ou 5 avec des traitements en plein champ», affirme Eugénia Pommaret. Dans un tweet, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a réaffirmé l’objectif de «baisse de 50% de l’utilisation de pesticides en 2025». Un point de satisfaction réside dans «le nombre et les quantités de substances les plus préoccupantes (qui) diminuent d’année en année», d’après le communiqué. Elles affichent -15% pour les Cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR 1)) et - 9% pour les CMR 2 entre 2009-11 et 2016-18. Quant aux produits de biocontrôle à risque faible, ils sont à +20% entre 2017 et 2018. Leurs ventes ont presque doublé (+ 85%) en moyenne triennale, entre 2009-11 et 2016-18. L’UIPP note «une augmentation constante de la part des produits de biocontrôle en volume», passée de 13,4 % en 2010 à 23,7% en 2017, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture.

Ecophyto : pour une remise à plat

«La politique menée depuis 10 ans ne produit pas les résultats attendus», a observé, dans un tweet, la ministre de la Transition écologique et solidaire Elisabeth Borne, à l’occasion du comité de suivi du plan Ecophyto le 7 janvier. «Il nous faut lui donner un nouveau souffle car nous n’avons pas d’autre choix que d’aller vers une société moins dépendante des produits phytosanitaires», a-t-elle ajouté. «Nous, on n’y comprend plus rien», a commenté Eric Thirouin, secrétaire général adjoint de la FNSEA et président de l’Association général des producteurs de blé (AGPB), auprès de l’AFP, à propos de la différence entre les chiffres donnés par les industriels et ceux du gouvernement : des ventes 2018 de phytos à +8%, d’un côté, +21 %, de l’autre. «On constate que les pratiques agricoles ont évolué» et que les progrès «sont bien réels». Il demande donc que les indicateurs soient «remis à plat».