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FDSEA 58

Une réunion stratégique pour entrevoir des solutions

Confrontés à une «10ème année de crise en 10 ans», les éleveurs adhérents de la FDSEA 58 se sont retrouvés le 2 juin à Saint-Péreuse, dans le Morvan, pour faire le point sur leurs problèmes économiques. Pour entendre aussi les responsables syndicaux évoquer les pistes de travail qui les accaparent depuis ces derniers mois...
Par Emmanuel Coulombeix
Une réunion stratégique  pour entrevoir des solutions
Dominique Fayel, de la FNB, a évoqué la relance du cœur de gamme dans la distribution, comme l’un des outils pour redonner de la marge commerciale aux éleveurs.
La crise de l’élevage -mais peut-on encore parler de crise tellement elle semble ancrée dans le quotidien des éleveurs depuis 10 ans?- était au cœur de la réunion de travail, studieuse et participative, qui s’est déroulée la semaine dernière à la salle des fêtes de Saint-Péreuse et où plus de 100 éleveurs, adhérents ou non au syndicat majoritaire, ont témoigné de leurs angoisses. «Les cours sont au plus bas» a introduit Stéphane Aurousseau, le président de la FDSEA58, aussitôt appuyé par Martial Tardivon, le chef des ventes de la Sicafome, qui a retracé l’évolution des prix mensuelle depuis 2010 des deux catégories phares que sont les broutards U de 400 à 450 kg et les vaches U maigres de 5 à 10 ans. Des cours «chaotiques» allant de 2,39 euros du kg en 2010 à 2,61 euros en 2015 pour les premiers et de 1,67 à 2,04 euros pour les secondes. Avec des dents de scie, des charges qui ont augmenté, des aléas économiques, sanitaires ou climatiques qui ont impacté les revenus... Le constat est amer : la crise est multifactorielle. La FCO et la campagne de l’automne 2015 sur le rapport de l’OMS rangeant la viande dans les produits cancérigènes ont eu des effets dévastateurs, particulièrement en Italie, chez qui les professionnels nivernais placent la majeure partie de leurs broutards et qui n’ont cessé de faire jouer l’argument vers un moins-disant dans les négociations commerciales. L’embargo russe aussi a produit des conséquences indirectes néfastes «sur des marchés en bazar», selon le président de la FDSEA de l’Aveyron et Secrétaire général adjoint de la FNB, Dominique Fayel, qui a expliqué que les producteurs polonais, plus compétitifs, en avaient profité pour engorger, avec d’autres, le marché de la viande européen, faute de débouché en Russie. Une autre tendance, lourde, tire aussi les cours vers le bas : la fin des quotas laitiers qui a rendu les éleveurs français moins compétitifs et dont les vaches se retrouvent massivement dans les abattoirs et dans les rayons français...

Pour les éleveurs de races à viande, dont font partie les Nivernais, et qui sont une particularité française en Europe, la cote d’alerte est atteinte : «nous subissons le danger de l’émergence d’un marché de minerai basé sur une guerre des prix qui appauvrit tous les acteurs». Et le Nivernais Emmanuel Bernard, secrétaire général adjoint de la FNB également, a enfoncé le clou : «que reste-t-il entre les minerais et les labels, intéressants mais loin de pouvoir absorber toute la production» ? Les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent...

Stratégie d’action en trois axes
Première urgence, donc, trouver de nouveaux débouchés. «Si nous ne trouvons pas de nouveaux marchés très rapidement, vendre des broutards cet automne risque d’être très difficile» avait lancé Martial Tardivon un peu plus tôt. Alors que les broutards sont ceux dont les cours se sont les mieux tenus ces dernières semaines, les responsables craignent que les marchés s’effondrent à court terme. L’érosion des cours est palpable et rien ne dit que les JB pourront y résister. Surtout que dans le même temps, la consommation de viande serait en baisse, en France et en Europe. A raison de « -0,3 à – 0,4% par an depuis plusieurs années» selon Stéphane Lafranchise, le directeur de la FDSEA, mais jusqu’à -1,1% sur le marché du steak haché et – 1,87% sur les surgelés... Alors, les responsables syndicaux peuvent-ils en rester là et voir passer les trains sans réagir  ? La réaction se prépare et se dessine à plusieurs niveaux. La FDSEA 58 propose une stratégie d’action en trois axes : l’aspect conjoncturel, par exemple le PSE et le traitement de la sécheresse et de la FCO, «sur le court terme et qui ne règle rien au fond et qui est derrière nous», le structurel et le technico-économique. Sur ce dernier volet, qui se passe plutôt individuellement dans les exploitations, Stéphane Aurousseau a annoncé la tenue de neuf réunions de terrain, jusqu’au 22 juin, pour informer les éleveurs sur les diagnostics qui seront réalisés, par convention avec la Chambre d’agriculture, dans chaque cour de ferme d’élevage ou de polyculture-élevage, en vue de dégager des marges micro-économiques nouvelles. Ces diagnostics coûteront un peu moins de 400 euros, au lieu des 1000 euros facturés habituellement par la Chambre. L’idée est bien de rendre autant que possible les exploitants plus autonomes et moins dépendants des aléas économiques en travaillant sur leurs charges et leurs systèmes. Mais le gros volet de la stratégie repose évidemment sur l’aspect structurel. Dominique Fayel et Emmanuel Bernard, sous les très nombreuses questions des éleveurs présents, ont répondu sur deux priorités. La reconquête du cœur de gamme dans les supermarchés, pour le premier, la quête de nouveaux débouchés à l’export, pour le second. Dans un cas comme dans l’autre, «rééquilibrer les rapports de force», commerciaux ou politiques, ne va pas de soi. Pourtant des bonnes nouvelles arrivent aussi, comme la signature, la veille, d’une charte entre Serge Papin, le patron du Groupe U, et la FNB sur la mise en valeur du cœur de gamme et la revalorisation des prix payés aux producteurs. En espérant que cela puisse faire boule de neige dans la grande distribution, même si Bigard et sa segmentation marketing continue à distendre la relation commerciale entre les consommateurs et les éleveurs, «en cachant la viande sous des marques de renommée nationale et en captant la valeur ajoutée». L’ennemi, désormais, serait «la banalisation» de la viande issue des races allaitantes. Les éleveurs veulent peser sur leur aval. Quant à l’export, Emmanuel Bernard a expliqué que «les Italiens voulaient continuer à baisser leurs achats de broutards» mais que «l’important est de considérer d’autres destinations de développement». Il a cité l’Allemagne, «pays-cible», plutôt sur le haché et la charcuterie que sur le piécé mais qui apprécie la viande française, des pays demandeurs d’animaux non-castrés tels que la Turquie, malgré les difficultés politiques, mais aussi Israël et l’Égypte, gros importateurs de vif, et même l’Asie «dont les contacts arrivent».
Les responsables en appellent de toutes façons aux hommes politiques  : «nous avons besoin de désengorgement des marchés. Que les politiques assument de passer des accords de marché pour faire du business» !