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Prospectives agricoles

Une nécessaire croissance de la production mondiale

Le Crédit Agricole de Champagne-Bourgogne a organisé le vendredi 9 septembre à Dijon une réunion d'information et d'échanges portant sur le thème de l'avenir de l'€™agriculture. Celle-ci a encore de bonnes raisons d'€™espérer et croire en l'€™avenir avec la croissance de la demande mondiale de biens alimentaires, le potentiel de développement de la production, le savoir-faire des productions domestiques (traçabilité), et la prise en compte grandissante des attentes sociétales (dont l'€™environnement).
Par AURELIEN GENEST
Une nécessaire croissance de la production mondiale
«Pour nourrir la planète, la production mondiale va devoir augmenter de 70% d'ici 2050» a rappellé Vincent Chatellier, économiste et ingénieur à l'Inra.
Vincent Chatellier, qui a réalisé une partie de ses études à Dijon, travaille aujourd'hui à l'Inra de Nantes. Cet économiste vient de présenter ses réflexions et travaux de recherche lors d'€™une réunion d'€™information organisée à l'€™initiative du Crédit Agricole Champagne-Bourgogne. Certains chiffres évoqués lors de son exposé permettent de mieux comprendre les enjeux de l'€™agriculture. [I]«Pour nourrir la planète, la production mondiale va devoir augmenter de 70% d'ici 2050»[i] rappelle Vincent Chatellier. Toutes les filières agricoles sont concernées par ce challenge, avec cependant des intensités variables. D'€™ici à 2020, les prévisions de la FAO et de l'€™OCDE anticipent une croissance de la consommation mondiale de blé et de viande bovine de l'€™ordre de 15% (20% pour certains produits laitiers et 25% pour la viande de volailles). [I]«La demande de biens alimentaires est en hausse car la population mondiale augmente au rythme de 200 000 habitants par jour, soit l'équivalent de l'agglomération dijonnaise ! Dans le même temps, les régimes alimentaires évoluent vers plus de produits carnés par habitant, surtout dans les pays en voie de développement»[i]. Pour lui, la France bénéficie d'€™un potentiel de développement incontestable dans plusieurs productions agricoles. Concernant la production de blé, la piste du Maghreb semble porteuse d'espoirs : [I]«il faudra adapter la qualité de nos produits à leur demande, puis contractualiser»[i] souligne Vincent Chatellier. Pour la production de viande bovine, la France aura un rôle important à jouer au sein de l'€™Union européenne. [I]«S'il y a un pays européen qui peut développer son cheptel allaitant, c'est bien le nôtre. Croire que les importations du Mercosur (surtout du Brésil ou de l'Argentine) sont susceptibles de remplacer de façon importante notre offre domestique est irréaliste. Non seulement les importations en provenance de ces pays ont baissé depuis trois ans, mais les prix intérieurs augmentent dans ces pays et le nombre de leurs clients croît rapidement. A moyen ou long terme, il ne faut pas exclure l'€™idée que nous chercherons, en France (pays déficitaire en viande bovine fraîche), à relancer la production de viande bovine. L'€™intensification laitière, qui pourrait s'€™accentuer suite à la suppression des quotas laitiers, devrait concourir à une baisse du cheptel de vaches laitières dans tous les à‰tats membres et, par-là, à une réduction de l'€™offre de viande bovine plus rapide que la décroissance de la consommation»[i]. Dans le secteur allaitant, la qualité des produits et la traçabilité sont deux remparts clés contre les importations extra-communautaires. Dans le secteur laitier, la fin des quotas laitiers devrait conduire à une concentration accentuée de la production dans les zones les plus compétitives, bien que les politiques environnementales «déjouent» ce phénomène. [I]«Compte-tenu de l'€™ampleur des surfaces fourragères et de la faible intensification des surfaces, la France est probablement l'€™un des pays où le potentiel de développement de la production est le plus élevé. La transmission des exploitations devient une des questions les plus difficiles dans un contexte marqué par une forte volatilité des prix (qui génère de l'€™insécurité) et par une faible rentabilité du capital»[i].

[INTER]La volatilité des prix et ses facteurs explicatifs[inter]
Vincent Chatellier a ensuite traité de la volatilité des prix agricoles, en cherchant à mettre en évidence ses principaux facteurs explicatifs. [I]«Si la volatilité des prix s'€™est accentuée récemment, elle devrait se poursuivre dans les années à venir»[i]. Elle tient à un ensemble de facteurs. Il y a tout d'abord l'instabilité naturelle des marchés agricoles imputables aux aléas climatiques. Certains grands pays exportateurs de produits agricoles, dont l'Argentine, l'Australie et l'Ukraine, sont particulièrement sensibles à ces phénomènes. [I]«Une année, ils ont beaucoup de produits à vendre sur les marchés internationaux, une autre année, ils en ont peu ou pas...»[i] Un autre facteur interfère sur la volatilité : l'inélasticité de la demande par rapport au prix (peu de variation de la consommation en fonction des prix). Vient ensuite la non-coordination des politiques agricoles entre elles à l'€™échelle internationale. Vincent Chatellier indique aussi l'€™influence du prix du pétrole : [I]«une augmentation du prix du pétrole à deux effets : une hausse des coûts de production en agriculture, notamment pour les productions conduites de manière intensive, et une augmentation des achats de biens alimentaires en provenance des pays producteurs de pétrole»[i]. Le développement des agrocarburants contribue également à la volatilité des prix, mais selon une intensité assez discutée parmi les économistes, ceux-ci représentent environ 1% de la surface agricole mondiale, mais 35% de la surface de maÏs grain aux Etats-Unis.
[INTER]Quels outils pour contrer la volatilité?[inter]
Que peut-on faire face à cette volatilité des prix ? Vincent Chatellier insiste notamment sur les trois orientations suivantes : la diversification, le nécessaire changement de la politique fiscale et la mise en place d'outils de gestion des risques. Pour le premier point : «D[I]iversifier les productions agricoles dans une même exploitation est souvent une bonne piste quand le potentiel agronomique le permet. Regardez les laitiers qui produisent des céréales, ils s'en sortent mieux»[i]. Pour le second point, Vincent Chatellier considère que la politique fiscale incite trop souvent, du moins lorsque la conjoncture est bonne, les agriculteurs à procéder à des investissements pas toujours utiles au processus de création de valeur ajoutée. « La politique fiscale doit être adaptée pour passer, en quelque sorte, d'€™une gestion annuelle de la performance économique en agriculture à une gestion pluriannuelle. Elle doit encourager des investissements durables. Au lieu d'inciter à l'€™achat d'€™un tracteur qui sera sous-utilisé, il faut favoriser l'€™épargne de précaution » précise Vincent Chatellier. Pour contrer la volatilité, il importe aussi de mettre en place, dans le cadre de la future Pac, des instruments de gestion des risques : [I]«les marchés à termes et l'assurance-revenus sont des outils qui pourraient compter davantage demain. De même, les démarches contractuelles entre producteurs et industriels sont à encourager à la lumière de ce qui existe dans certaines filières (légumes, volailles). Elles n'€™empêcheront pas la volatilité internationale des prix, mais elles peuvent offrir aux agriculteurs un cadre économique plus sécurisant si les contrats sont de type "€œgagnant-gagnant"€»[i].

Quelles orientations pour la future Pac ?

Vincent Chatellier considère que la future Politique agricole commune doit être appliquée avec l'€™ambition qu'€™elle soit «plus juste, plus équitable et plus préventive». La redistribution et le ciblage des aides directes est une question «centrale». Il convient de mieux rémunérer les services non marchands de l'€™agriculture (environnement et territoire), d'€™intégrer avec plus de force les projets des agriculteurs et de réserver une partie des fonds pour faire face à la volatilité des prix. « Cette évolution du mode d'€™octroi des soutiens publics est d'€™autant plus justifiée que la volatilité des prix s'€™accentue et que les outils d'€™intervention sur les marchés agricoles auront assez peu d'€™influence sur le niveau des revenus » enchaîne l'€™économiste. Il importe aussi de maintenir des filets de sécurité, de mieux encadrer la spéculation sur les marchés agricoles, de défendre le droit à une protection douanière minimale pour certaines filières jugées indispensables aux équilibres territoriaux et de mieux clarifier la question des pouvoirs de marché tout au long des filières.