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Moissons

Une hétérogénéité qui n’aura jamais aussi bien porté son nom

La fin des moissons approche dans le département. Et pour l’heure, la déception est présente chez bon nombre d’agriculteurs avec des rendements qui ne répondent pas aux prévisions annoncées. Une récolte marquée, encore plus que d’habitude, par une grande hétérogénéité.
Par Christopher Levé
Une hétérogénéité qui n’aura jamais  aussi bien porté son nom
Plus que jamais, la moisson 2020 est marquée par une forte hétérogénéité.
« Les orges d’hiver sont terminées. Et ce n’est pas bon du tout », débute Georges Lemineur responsable commercial de la région Bourgogne, à Soufflet agriculture. « C’est la culture la plus décevante pour le moment. C’est décevant où que l’on soit dans le département, au regard de la moyenne quinquennale, et par rapport à l’année dernière. Nous sommes sur une année avec des rendements moyens de 50 à 55 q/ha, avec des écarts très importants ».
Car le maître-mot de la récolte est une nouvelle fois l’hétérogénéité. « Au sein d’une même parcelle, nous pouvons aller de 15 à 80 q/ha sur certains secteurs », ajoute Emmanuel Bonnin, technicien filières du service agronomie, conseils et innovation, à Soufflet agriculture.
Alors, comment expliquer cela ? « Cette année, nous voyons vraiment l’impact des types de sols, notamment de leur capacité à résister au sec ou pas, et l’impact agronomique. C’est-à-dire la date de semis et les mesures agronomiques que peuvent appliquer les agriculteurs tout au long de l’année. Quand nous additionnons ces deux phénomènes, nous arrivons sur un effet multiplicateur de trois qui est inhabituel », répond Georges Lemineur. « Aujourd’hui on parle de la sécheresse, mais on oublie rapidement les qualités d’implantation qui parfois étaient moyennes sur les semis de fin octobre ou après, par rapport à l’excès d’eau qu’il y a eu à l’automne et l’hiver », continue Emmanuel Bonnin.

La déception des pois d’hiver
Quant à la qualité des orges d’hiver ? « Globalement, on est bien », indique Georges Lemineur. « Sur l’Yonne, on est sur un calibrage moyen de 87 % et un taux de protéine de 10,5 %. Mais derrière cette moyenne, se cachent des extrémités qui ne sont pas bonnes du tout en protéines. Toutes les orges ne pourront pas passer sur le label brasserie. Celles qui sont trop hautes ou trop basses seront déclassées ».
Mais la grosse déception des moissons concerne les pois d’hiver. « Ce n’est pas bon du tout », assure Georges Lemineur. « L’effet multiplicateur est même carrément de 5. C’est-à-dire qu’au nord de l’Yonne, il y a des parcelles qui ont fait 60 q/ha, mais ce sont des exceptions. Tandis que d’autres, ailleurs, n’ont fait que 10 q/ha. D’ailleurs, la majorité des parcelles sont à moins de 25 q/ha », développe-t-il. « C’est une mauvaise récolte à tel point que certains agriculteurs parlent en kilos et non en quintaux. Je n’ai jamais vu ça », reprend Emmanuel Bonnin. « Les causes ? Nous avons subi les pucerons et les insectes de manière générale, nous avons eu du sec au moment où il fallait que les nodosités s’installent, et lorsqu’il y a eu de la pluie, cela a valu quelques reverdissements qui ont complexifié la récolte », détaille-t-il.
Des résultats loin d’être ceux attendus par les agriculteurs. Et les pois de printemps ne devraient pas connaître de meilleurs rendements. « On ne fonde pas beaucoup d’espoir dessus », affirme Georges Lemineur. « Ce qui est décevant, c’est que beaucoup d’agriculteurs avaient misé sur les légumineuses dans l’intérêt de la rotation et en substitution du colza, et ils se prennent encore une claque », constate Emmanuel Bonnin.

De 35 à 100 q/ha pour les blés
Qu’en est-il des colzas ? « La récolte est un petit peu mieux que celle des dernières années », lance Georges Lemineur. « Il y a déjà eu plus de surface de récoltée. Et localement, dans le Gâtinais notamment, le colza est bon voire très bon, avec des rendements supérieurs à 40 q/ha parfois. Mais dans l’ensemble du département, il y a aussi des mauvaises parcelles avec des rendements à 15 q/ha. La moyenne se trouve entre 20 et 25 q/ha dans l’Yonne ».
Pour les blés, l’écart type est énorme. « Les rendements vont de 35 à 100 q/ha, parfois dans les mêmes secteurs », confie Emmanuel Bonnin. « Dès que nous arrivons sur des terres à cailloux, les blés décrochent avec des moyennes à moins de 50 q/ha largement et des descentes en parcelles à 35-40 q/ha. Quant aux PS ? C’est très bon partout, quelle que soit l’origine des parcelles. On a des PS à 84-86. Pour autant, on a de grosses disparités en taux de protéines. Ça va de 9,5 à 13,5-14 % ».
Des moissons qui pour le moment ne sont pas rassurantes. « Je suis inquiet pour un grand nombre d’exploitations dans les zones de terres séchantes, qui font à la fois des mauvais rendements en orges, en pois, en colza et bien souvent en blé. Pour certains, la moisson sera catastrophique pour toutes les cultures », conclut Georges Lemineur.