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Sarrasin bio

Une filière qui dure malgré la crise

Depuis 2016 et les premiers contacts entre transformateurs et producteurs, la filière sarrasin bio de Bourgogne a fait du chemin, pour devenir une valeur sûre.

Par Maxime Haran, BIO BFC
Une filière qui dure malgré la crise
L'association Sarrasin bio de Bourgogne fédère aujourd'hui 37 producteurs.

De quelques agriculteurs à ses débuts, la filière rassemble aujourd'hui 37 producteurs qui ont emblavé 650 ha de sarrasin gros grains bio (variété Zita, Panda, Kora, Lileja…) pour cette récolte 2025. Pascal Guérin, agriculteur de Côte-d'Or et président de l’association Sarrasin bio de Bourgogne, précise : « La filière a progressé de manière continue ces 8 dernières années, en ajustant le niveau de production aux besoins des transformateurs. La stabilité sur les prix et sur les volumes s’est avérée essentielle pour passer la crise de la bio, qui s’est aussi fait sentir sur le sarrasin. Nous sommes restés 3 ans entre 500 et 600 ha, avec un prix qui s’est maintenu, afin que la filière reste attractive. Cette année, nous avons pu augmenter à 650 ha et intégrer 6 nouveaux producteurs. La filière fonctionne car toutes les personnes engagées dans l’association le sont par conviction, pour pérenniser une filière bio côte-d’orienne qui a du sens. Toute la filière est investie au sein du conseil d’administration : la Déshy 21 en tant qu’organisme stockeur, qui sèche également le sarrasin, Moulin Marion pour les débouchés farine, et Atelier Sarrasin, pour les débouchés autour de la graine décortiquée, mais pas seulement ! Ils viennent de sortir une gamme autour des Flakes de Sarrasin. »

Expérience croissante

La filière progresse également sur les aspects qualité, avec des producteurs qui acquièrent de l’expérience chaque année, au sein d’un groupe stable. Pour Pascal Guérin, les années d’expérience et l’accompagnement technique permettent de progresser dans la maîtrise de la culture et de la qualité : « Tous les producteurs sont rassemblés au sein du GIEE « Graine d’Avenir », créé en 2021 pour nous permettre de bénéficier d’une animation technique réalisée par Bio Bourgogne-Franche-Comté. Tous les ans, nous réalisons des essais, des tours de plaine et un bilan de campagne spécifique au sarrasin. Notre filière a progressé sur la qualité : certains producteurs cultivaient le sarrasin pour la première fois et la progression se fait à chaque moisson. Nous surveillons particulièrement le Datura. Depuis 3 ans, nous faisons survoler une partie de notre parcellaire pour détecter la présence de cette plante toxique. » Pour 2025, la récolte s’annonce tout de même plus difficile et vraisemblablement en dessous des attentes en termes de rendement. Le président de la filière l’explique par les conditions particulières de l’année, qui ont conduit à une récolte plus tardive : « L’année climatique n’a pas été très propice au sarrasin, avec une alternance de belles floraisons et de coups de chaud qui n’ont pas permis une bonne fécondation des fleurs. Les pluies à partir de mi-août ont permis de relancer la culture, qui est résiliente. Pour cette dernière floraison, les graines ont l’air au rendez-vous, mais c’est tardif, donc la culture est encore verte. La plupart de nos adhérents commencent à récolter en ce moment. »

Articulation conventionnels-bio

Dans ce contexte un autre point inquiète l’agriculteur, avec de possibles contaminations au prosuflocarbe. Cet herbicide, très volatil, est de plus en plus utilisé par les producteurs conventionnels, lors des semis d’automne. L’année dernière, 3 producteurs de la filière ont été touchés pour un préjudice de 25 000 €. Pour eux aucune solution, car il est très difficile de prouver l’origine de la contamination pour faire marcher la responsabilité civile de celui qui a contaminé. Il n’existe pas d’indemnisation pour ces producteurs touchés. La filière cherche à sensibiliser les utilisateurs de ce produit et appelle à la retenue, surtout dans le contexte de 2025 : « Cette année, conclut Pascal Guérin, le prosulfocarbe est une épée de Damoclès pour nos producteurs et pour tous les producteurs de sarrasin, bios comme conventionnels, qui sont soumis à la même norme, qui s’avère très basse pour les céréales. On espère que la majorité des producteurs pourra récolter. Nous aimerions faire passer le message que cette année, la récolte du sarrasin est tardive, et qu’elle ne doit pas être gâchée par des contaminations au prosulfocarbe. Nous appelons donc les producteurs qui utilisent ces produits à la retenue et leur demandons d’intervenir en condition optimale, en absence de vent. Il faut savoir que la réglementation impose d’attendre la récolte des cultures non-cibles, dont le sarrasin, dans un rayon de 1 km. Mais nous savons que cet herbicide est encore plus volatil et peut atteindre des cultures situées à plusieurs km. On les remercie d’avance pour leur compréhension et pour les efforts qu’ils pourront faire pour que nos agricultures et nos filières cohabitent. »