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Grandes cultures

Une crise sans précédent

Les terres céréalières du nord de l’Yonne n’ont pas échappé au scénario catastrophe qui se dessine chaque jour un peu plus dans tout le département. Reportage chez Arnaud Rondeau, à Compigny, aux portes de l’Aube et de la Seine et Marne
Par Propos recueillis par Dominique Bernerd
Une crise sans précédent
Arnaud Rondeau
C’est toute l’agriculture icaunaise qui doit faire face à une crise sans précédent. Les premières remontées chiffrées des moissons ne font qu’amplifier la situation de détresse dans laquelle sont plongés les exploitants, toutes filières confondues. Avec des rendements réduits de moitié et une qualité qui n’est pas au rendez-vous, la ferme Yonne est frappée de plein fouet, avec le risque que certains ne s’en relèvent pas… Exploitant céréalier sur deux sites, l’un à Compigny, dans le nord sénonais, le second dans le Loiret et président de l’Union des Productions Végétales de l’Yonne, Arnaud Rondeau est formel : «c’est du jamais vu !»

- La pire récolte depuis plusieurs années ?
Arnaud Rondeau : «Même si cela a pu parfois être la galère, mes parents aujourd’hui retraités, me disent ne jamais avoir rencontré une telle situation ! La sécheresse, la germination, l’excès d’eau… Tout le monde pensait se refaire cette année et une nouvelle fois, nous sommes pénalisés par les intempéries. On entend dire que les marchés n’ont pas encore pris la mesure de la chose, mais pour l’heure, ils n’ont pas du tout réagi. Et même si on peut espérer une petite reprise faisant remonter les cours, avec une demi-récolte, il faudrait que ça double et le tas de grain mondial ne s’annonce pas catastrophique… ici, sur le silo de Sergines, d’ordinaire, ce sont 25 camions qui tournent quasiment jour et nuit pendant les moissons et cette année, pas plus de huit par jour ! En bio, ce n’est pas mieux : j’ai vu un gars qui coupait à côté, sur une parcelle de 20 ha, une benne de 6 tonnes en bout de champ, et à la fin de la journée, elle n’avait pas bougé !  Les médias nationaux commencent à prendre conscience de l’impact économique que cela va avoir et pas seulement chez les agriculteurs. Ce sont près de 500 000 emplois tous secteurs confondus qui vont être impactés, deux milliards € de moins dans la balance commerciale…»

- On parle de 500 € de moins par ha, en résultat courant
«Je pense même plus, de l’ordre de 400 à 700 € selon les secteurs. Je retarde le moment de faire les calculs, mais je sais qu’au final, il me manquera sur l’année entre 60 et 80 000 €. Ce qui veut dire que derrière qu’il nous faudra absolument  faire une année miraculeuse, avec à la fois du rendement et des prix du double d’aujourd’hui… On peut rêver ! Et encore ! Une seule année ne suffira pas. Disons que ça nous remettra sur les rails… Je sais déjà qu’il va me falloir retourner à la banque car comme beaucoup, je ne vais pas avoir la trésorerie suffisante pour mettre en culture…»

- Quelques mesures salutaires à attendre du CAF national qui se tiendra le 1er septembre prochain ?
«Pour l’instant, on en est au stade de l’annonce. Un plan est en train de se mettre en place, j’attends de voir… Rappelons nous le plan de soutien à l’attention des éleveurs : tellement compliqué que tout le monde ne peut y accéder. Alors si c’est pour sortir la même chose… Il nous faut impérativement quelque chose de rapide, mais d’efficace aussi ! Sur un plan départemental et c’était un peu l’objet de la réunion organisée par l’UPVY la semaine dernière avec les organismes stockeurs, il est important que chacun autour de la table, fasse son boulot sérieusement et prenne sa part de travail. Que les agriculteurs parlent ! Qu’ils osent dire leur situation, se fassent aider, écoutent les conseils ! Que la banque fasse son métier ! Que les coopératives ou le négoce fassent leur boulot, pour qu’au bout du compte, chacun essaie d’optimiser sa petite part d’intervention sans empiéter sur celle de l’autre ! Que tout le monde se coordonne et se concerte, pour être capable d’être au service de tous, car c’est l’ensemble aujourd’hui qui est en danger…»