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Économie

Une convention de coopération entre l’Yonne et Paris pour développer l’économie locale

Début février, le conseil municipal de la Ville de Paris adopte à l’unanimité une convention de coopération entre elle est les PETR (Pôles d’équilibre territorial et rural) du Grand Auxerre et du Nord de l’Yonne. Une convention qui a vocation à développer la filière d’approvisionnement alimentaire, la transition énergétique et le tourisme. Dans un entretien, Nicolas Soret, président de la Communauté de communes du Jovinien et à l’origine du projet, nous explique comment est née cette convention et ce qu’elle prévoit.
Par Propos recueillis par Christopher Levé
Une convention de coopération entre l’Yonne et Paris pour développer l’économie locale
Nicolas Soret, président de la Communauté de communes du Jovinien, est à l’origine de cette convention de coopération entre l’Yonne et Paris.
- Une convention entre l’Yonne et Paris se construit. Quels en sont les axes principaux ?
Nicolas Soret : «Il y a trois principaux axes de coopérations. Le premier est l’alimentation. “Faire de l’exigence de protection des ressources en eaux une opportunité pour la conservation agro-écologique et développer les produits alimentaires à haute qualité environnementale” (comme il est écrit dans la convention). Ce ne sont pas les produits alimentaires bios mais à haute qualité environnementale, car alimenter les 30 millions de repas uniquement en bio ne serait pas possible. Deuxième axe : la transition énergétique, notamment avec les matériaux d’écoconstruction. La Ville de Paris s’engage à rénover 74 000 logements par an entre 2021 et 2025. Or, pour cela, ils ont besoin de matériaux d’écoconstruction, que possède l’Yonne. Le troisième axe concerne le tourisme. Anne Hidalgo va nous mettre à disposition les moyens de communication de la Ville de Paris pour inscrire dans la tête des parisiens que l’Yonne, à une heure de Paris, est une terre de court séjour, de tourisme vert, une destination fraîcheur. Le projet prévoit également la présence de producteurs icaunais sur les plus grands marchés parisiens. Avec l’ADTY (Agence départementale de tourisme de l’Yonne), nous allons créer une marque “Yonne” avec l’objectif de rassembler les producteurs icaunais sous une même bannière sur les marchés. Sur la base du volontariat bien évidemment».

- Vous êtes à l’origine de ce projet, comment est-il né ?
NS : «La genèse est multiple. Lorsque j’ai lancé un plan climat air et énergie territorial, j’ai rencontré le monde agricole de la Communauté de communes du Jovinien (dont il est le président NDLR). J’ai pu entendre leurs difficultés. Je lis également la presse locale et nationale. Je me rends bien compte de l’état du moral des troupes. J’ai cette intime conviction que les agriculteurs ne souhaitent qu’une chose : vivre dignement de leur travail. Malgré tout ce qu’ils font pour la France et l’Europe, ils se retrouvent qualifiés d’empoisonneurs publics. C’est difficile à vivre, ce que je comprends. L’agriculture est d’abord un métier de vocation. Est-ce qu’il y a plus noble métier que de nourrir l’humanité ? En partant de là, je me suis dit qu’il fallait aider nos agriculteurs à vendre leurs productions. Et surtout à leur donner la valeur ajoutée de leurs productions».

- Pourquoi une convention de coopération avec Paris ?
NS : «Par curiosité, j’ai lu tous les documents d’urbanisme émis par la Ville de Paris. J’ai pris conscience de l’ambition de Paris, notamment sur deux sujets : l’alimentation à haute qualité environnementale et les matériaux d’écoconstruction. J’ai toujours eu la conviction qu’un territoire comme le nôtre, à une heure de Paris, devait se raccrocher à Paris pour faire vivre le “ruissellement”. Aussi, l’idée n’était pas d’aller voir Paris pour leur dire “voilà ce que ce que nous aimerions que vous nous apportiez” mais d’y aller avec la perspective exactement inverse en disant “voilà ce que nous nous pouvons vous apporter”. Les élus parisiens se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient plus aller chercher à des milliers de kilomètres ce qui existe à quelques dizaines voire centaines de kilomètres. Je précise que dans la loi Égalim, la notion de circuits courts, c’est 200 km. Aux yeux de la loi, en approvisionnant Paris, on est en circuits courts».

- L’Yonne et Paris n’en sont pas à leur première coopération.
NS : «Il y a deux ans, nous avons lancé les Eaux de Paris. Quatre parisiens sur dix boivent de l’eau prélevée sous nos pieds, dans le PETR du nord de l’Yonne. C’est un enjeu majeur pour Paris de protéger la qualité de son eau pour approvisionner les parisiens en eau potable. Donc, depuis ans, il y a une expérimentation entre Paris et Terres d’Othe, qui est une association de cultivateurs de la communauté de communes de la Vanne et du Pays d’Othe qui a fait un pacte avec les Eaux de Paris pour pouvoir cultiver en bio, sur les champs captant Paris, avec un deal : que ça alimente en lentilles, les cantines du 11e arrondissement de Paris. Au bout de deux ans, ça a été jugé comme une véritable réussite».

- Comment s’est fait le contact avec la Ville de Paris ?
NS : «En septembre dernier, j’ai demandé un rendez-vous avec Guillaume Cantillon, le conseiller de l’alimentation de la Mairie de Paris. Il m’a reçu un mardi pendant deux heures. Et je lui dis, ce qui a été fait avec les Eaux de Paris, je propose que nous le fassions beaucoup plus largement. Je propose de renouer des relations entre l’Yonne et Paris, en participant à alimenter les parisiens avec des produits certifiés haute valeur environnementale. J’ai un retour le vendredi me signifiant qu’Anne Hidalgo souhaite me voir. Je la rencontre donc à plusieurs reprises pour lui vendre cette idée. Suite à cela, j’ai réuni le monde agricole de l’Yonne : la Chambre d’agriculture, la FDSEA 89, Bio Bourgogne, Ynovae… Ainsi que les têtes de réseau de l’écoconstruction, en leur disant que l’idée pourrait être, sur la base du volontariat et j’insiste lourdement là-dessus, de proposer à nos agriculteurs locaux une diversification sur des productions précises avec un prix fixé sur six ans (le temps du mandat) qui aurait l’avantage de leur donner de la perspective. Et de leur permettre de réinvestir. Dans l’Yonne, si nous sommes une grande terre de production, nous avons perdu l’essentiel de nos outils de transformation. L’avantage de ce plan-là, c’est qu’en donnant de la visibilité aux agriculteurs, ils pourront réinvestir dans ces outils».

- Aujourd’hui, où en est le projet ?
NS : «Paris a délibéré de manière favorable, de même que le PETR du nord de l’Yonne. Le PETR du Grand Auxerrois devrait se réunir après les élections municipales pour délibérer, je l’imagine favorablement. Après, nous pourrons signer très concrètement cette convention entre les trois acteurs. À ce moment-là, les choses peuvent se déclencher. Concrètement, la Ville de Paris va nous donner la totalité de ses commandes, sur les deux dernières années. Et nous, nous allons faire le tri sur les productions que nous sommes capables de faire ici, localement, en essayant d’échelonner les quantités sur les six ans que prévoit ce plan. Avec cette convention, c’est 30 millions de repas publics par an (cantines, crèches, Ehpad…) qui sont concernés. Ce que j’ai essayé de faire, c’est ouvrir un chemin de négociation avec le plus grand acheteur français. Après, c’est au monde agricole de s’en saisir, y compris sur la négociation des quantités et des prix».

«D’ici un an, on devrait avoir des résultats»

Pour la Mairie de Paris et Célia Blauel, adjointe en charge de la transition écologique et de l’eau, la convention de coopération entre l’Yonne et Paris a émergé de façon «assez naturelle». «Dans notre projet de transition écologique, on a toujours pensé que la transition écologique n’était pas qu’un projet parisien mais aussi un projet de reconnexion entre les territoires. Dans la dimension de transition, il y a l’envie de décarboner mais aussi de relocaliser nos échanges, une partie de l’économie. C’était le besoin des parisiens d’avoir accès à des ressources naturelles. Il y avait aussi l’envie de porter des projets de transition énergétique». L’Yonne, avec qui un partenariat sur la protection de l’eau existait déjà, était le parfait acteur d’une coopération qui a tout pour fonctionner. «Cette politique de protection de l’eau a donné une politique de soutien de développement d’une autre économie à l’échelle locale et d’un autre modèle d’approvisionnement alimentaire des territoires. Nous avons eu l’envie d’aller plus loin et nous avons eu des interlocuteurs très rapidement qui avaient envie de travailler avec nous, qui sont venus nous chercher. C’est comme ça que cette convention est née avec l’idée d’aller plus loin sur la question agricole et la protection des aires d’alimentation de captage, de travailler sur les questions de transition énergétique parce qu’on sent bien que le potentiel de la transition énergétique est devant nous, et de travailler sur la notion d’écotourisme ». Sur la question de l’alimentation, l’adjointe à la Mairie de Paris assure « qu’il y a déjà des choses en cours. On aurait déjà dû se rencontrer lors du dernier jour du Salon de l’agriculture, s’il n’avait pas été annulé. Les partenaires sont identifiés, donc d’ici un an, on devrait déjà avoir des résultats».