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Chasse

Une boîte à outils sur les dégâts de sangliers

Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, effectue un tour de France avant l’assemblée générale début mars à Saint-Malo. Il était de passage en Côte-d’Or le 19 février.
Par Berty Robert
Une boîte à outils sur les dégâts de sangliers
Willy Schraen (troisième en partant de la gauche) ne nie pas la part que les chasseurs doivent assumer dans le paiement de dégâts dus notamment aux sangliers, mais d’autres acteurs, telles que les collectivités locales, l’État ou certains propriétaires pr
Prendre la température des régions avant le grand rassemblement, à l’occasion de l’assemblée générale de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), du 4 au 6 mars, à Saint-Malo : telle est la justification du «tour de France» que Willy Schraen, son président depuis 2016, effectue actuellement. Un périple qui l’a conduit en Côte-d’Or le 19 février, afin de rencontrer les pratiquants de la chasse de Bourgogne Franche-Comté. Dans les locaux de la Maison de la chasse et de la nature départementale, à Norges-la-Ville, au nord de Dijon, le président national est revenu sur les thèmes qui font l’actualité de la chasse et dont certains, telle la problématique des dégâts provoqués par le gibier dans les cultures, intéressent au premier chef les agriculteurs.

Pour le président de la FNC, il y a aujourd’hui un problème avec la facture des dégâts de gibier. «En France, dit-il, on reproche aux chasseurs d’avoir favorisé le développement des sangliers. Regardons du côté des États-Unis, où les chasseurs procèdent à des tueries massives de sanglier : résultat, là-bas, le montant des dégâts de sangliers sur les cultures c’est 1,5 milliard de dollars. On doit prendre en compte, là aussi, les conséquences du changement climatique. Tous les hivers, une sélection naturelle s’exerçait sur les populations de sangliers. Le froid impactait la reproduction de ces animaux à hauteur d’au moins 70 %. Aujourd’hui, avec les hivers doux que nous connaissons, si une laie a dix petits, elle les amène tous à maturité… Plus rien ne l’en empêche».

Effet de politiques agricoles
Pour Willy Schraen, le problème ne se situe pas au niveau des agriculteurs, mais des politiques agricoles qui sont menées. Le président de la FNC pointe les bouleversements de parcellaires, le fait d’avoir brisé l’emblavement : «Comment voulez-vous que l’on fasse à présent avec des champs de plusieurs dizaines d’hectares de maïs ? On ne sait pas déloger les animaux. Lorsqu’on les chasse en forêt ils se cachent dans la plaine. Le sanglier a une faculté d’adaptation exceptionnelle. Tout lui est bon pour la reproduction, et donc pour qu’il fasse des dégâts». Face à ce constat, Willy Schraen souligne que la FNC travaille actuellement avec l’État à la conception d’une boîte à outils de gestion du sanglier. On devrait y trouver des solutions du type chasse du 1er janvier au 31 décembre, avec des modes de chasse adaptés aux périodes où les promeneurs sont aussi nombreux dans la nature. «On doit donner aux chasseurs la possibilité d’agir lorsque c’est nécessaire, y compris avec de l’agrainage dissuasif (des petites quantités de grains qui permettent de couper l’élan d’un sanglier quand il va en plaine détruire des cultures). Ici, en Côte-d’Or, le préfet interdit l’agrainage, je pense que c’est une erreur qui découle d’une méconnaissance du fonctionnement de la nature. Les sangliers bougent énormément pour trouver leur nourriture et, sans agrainage, on ne parvient pas à les fixer, on a du mal à les trouver. Le décret sangliers, actuellement en consultation, fixe bien les choses : le nourrissage est interdit, nous sommes tous d’accord là-dessus et moi le premier, en revanche, l’agrainage dissuasif, c’est aux présidents de fédération, qui sont ceux qui connaissent le mieux leur territoire, de l’utiliser de manière optimale à travers leur schéma, comme ils le souhaitent. On va aussi demander aux chasseurs de payer les dégâts, c’est normal et c’est la loi, mais se priver d’agrainage dissuasif en période de chasse, c’est nous obliger à payer une facture qui serait décuplée et cela, nous ne l’acceptons plus». Le président de la FNC avance un montant annuel de 80 millions d’euros pour les dégâts de gibiers. Il reconnaît que les fédérations doivent en assumer une part, mais pas la totalité, notamment sur deux aspects : le volet administratif, autrefois géré par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et délégué, depuis la loi Voynet, à la fédération. «On nous a confié la mission, précise Willy Schraen, mais on a oublié de nous donner les fonds pour l’accomplir. Payer les dégâts, d’accord, mais assurer la gestion administrative de ces dossiers sans moyens, c’est une double peine que nous portons depuis les années 2000. Aujourd’hui, c’est terminé : je veux rediscuter de cette partie-là. Les agriculteurs doivent être indemnisés, jusqu’au dernier centime, mais nous ne voulons plus assumer le poids financier de la gestion administrative».
 
«Fiscaliser une partie des dégâts»
Autre aspect que les chasseurs acceptent de moins en moins : l’augmentation permanente, sur le plan national, des zones de non-chasse ou de pseudo-chasse. «Les gens sont libres de refuser que l’on chasse chez eux, nous respectons le droit de propriété, mais lorsque nous ne chassons plus sur des territoires qui abritent de grands animaux, et qu’ils vont provoquer des dégâts en périphérie de la zone concernée, c’est inacceptable. Les chasseurs payent alors qu’ils ne sont pas responsables en l’espèce. Ces zones, aujourd’hui, représentent un quart de la Surface agricole utile (SAU). Elles appartiennent à des propriétaires privés, mais aussi à l’État ou à des communes. Nous n’avons pas de problème avec le fait que ces propriétaires décident d’interdire la chasse dans certaines zones pour y favoriser la promenade, mais c’est là aussi que peut se développer une population de sangliers que l’on ne parviendra pas à maîtriser. Sur cette question, il va bien falloir accepter de fiscaliser tout cela en prévision du paiement des dégâts».