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Moissons

Une année en demi-teinte

Marquée par les aléas climatiques, la moisson 2017 est très hétérogène. Alors que l’agriculture attend désespérément une bonne année, les rendements aléatoires et la qualité moyenne viennent miner les résultats.
Par Hugo Albandea
Une année en demi-teinte
Des problèmes de qualité minent les rendements corrects de cette année.
Des résultats très hétérogènes : voilà le constat fort de la moisson 2017 sur les terres icaunaises. Les différences entre deux zones voire entre deux parcelles au sein d’une même exploitation sont très marquées. Les cultures ont pâti des gelées d’avril, mais aussi de la chaleur et de la sécheresse des mois de mai et juin. Le secteur des plateaux est celui qui a le plus souffert de ces épisodes climatiques. À l’inverse, certaines zones dans la vallée de l’Yonne, moins soumises aux déficits hydriques, affichent de bons résultats. Les contrastes sont donc très forts et les rendements vont du simple au double, voire plus.

Les blés varient entre 40 quintaux/ha et 90 quintaux/ha, les orges entre 30 quintaux/ha et 80 quintaux/ha et les colzas entre 20 quintaux/ha et 50 quintaux/ha. «C’est très impressionnant», remarque Étienne Henriot, président de la Chambre d’agriculture et président délégué de la coopérative Ynovae. «On espérait beaucoup de cette récolte, pour commencer à compenser les conséquences de 2016. Malheureusement, ce sera très moyen», ajoute-t-il. Même sentiment pour le président de 110 Bourgogne, Gérard Delagneau : «Je pense aux agriculteurs qui ont souffert des intempéries, il y a des zones où les rendements sont mauvais.» Les colzas sont néanmoins un sujet de satisfaction dans quelques secteurs, y compris sur les plateaux qui n’étaient pas habitués à de si bonnes récoltes. Les maïs et les tournesols ont également un bon potentiel, grâce à la fraîcheur et à l’humidité du début du mois d’août.

Pluie et germination
Après le sec de mai-juin, les épisodes pluvieux début juillet ont affecté la qualité du blé. Conséquence : un début de germination qui va obliger les agriculteurs à faire le tri. «Il va falloir retravailler la qualité des lots pour bien répondre aux exigences des clients. C’est du travail supplémentaire, mais nous avons appris à le faire ces dernières années…», concède Étienne Henriot. Une déconvenue moins grave qu’en 2014 toutefois, avec peu de déclassements en fourrager à prévoir. Le problème reste celui des prix, peu élevés sur le marché mondial. «Les coûts de production ne sont pas suivis par les prix, déplore Gérard Delagneau à 110 Bourgogne, on ne maîtrise pas les cours mondiaux et la concurrence est rude, surtout du côté de la mer Noire.»

Le taux de change euro-dollar peut également faire varier les ventes à raison de 20 euros/ha à 30 euros/ha.

Diversifier, une délicate alchimie
Depuis quelque temps, la diversification des cultures pointe sérieusement le bout de son nez, aussi bien chez Ynovae qu’à 110 Bourgogne. Mais la moutarde et le lin n’ont pas échappé à la grande hétérogénéité de cette année, avec des rendements de 2 quintaux/ha à 23 quintaux/ha pour l’une, de 7 quintaux/ha à 34 quintaux/ha pour l’autre. Pour les lentilles en revanche, les chiffres sont très bons : en moyenne 21 quintaux/ha. Les cultures plus tardives, comme les pois chiches, le sarrasin, la betterave ou le millet s’annoncent bien. De bonnes nouvelles qui ouvrent les perspectives, mais attention : tout dépend de la demande. «On a fait beaucoup d’avoine nue cette année, raconte Étienne Henriot, mais on ne va pas renouveler, ou très peu. En un an, on a cassé la filière. Le développement a été trop rapide, et on a beaucoup plus d’offre que de demande. Les marchés pour le pois chiche ou le sarrasin sont beaucoup plus ouverts, car la France en importe beaucoup.»

«Je reste optimiste pour l’agriculture»
Stagnation des prix, résultats moroses sur les quatre dernières années, problèmes de trésorerie… 2017 ne résoudra pas les inquiétudes des agriculteurs de l’Yonne. Les trois aléas majeurs que sont le climat, le sanitaire et les prix rendent impossibles les prévisions à moyen et long terme. Alors, quel avenir pour le métier ? Gérard Delagneau envisage des solutions : «Je reste optimiste pour l’agriculture. La population augmente, la consommation s’améliore dans beaucoup de pays. Les cours varieront toujours, il faut donc trouver un moyen de s’y adapter. Il faudrait garantir un revenu aux agriculteurs en dépit des aléas, par exemple dans un système assuranciel soutenu par l’État et l’UE.» Aujourd’hui, les céréaliers peuvent difficilement mettre l’argent de côté dans les bonnes années. Selon Étienne Henriot, il serait bon de «rendre la provision possible, car les bonnes années poussent parfois à des investissements inconsidérés dans le but d’éviter trop d’imposition». De quoi réfléchir d’ici la réforme de la PAC à l’horizon 2020…