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Disparition de Xavier Beulin

Un seul mot : le choc !

La disparition brutale à l’âge de 58 ans de Xavier Beulin a été vécue pour beaucoup comme un choc, comme en témoignent les hommages qui ont suivi l’annonce de son décès
Par propos recueillis par Dominique Bernerd
Un seul mot : le choc !
Le 19 septembre dernier, Xavier Beulin était venu échanger avec les agriculteurs du département sur les terres de Philippe Vanneste, en Puisaye
Image d’une agriculture entreprenante, Xavier Beulin était aussi patron du groupe agroalimentaire Avril. Une double casquette à la fois syndicaliste et industrielle qui lui a valu parfois de nombreuses crtitiques. Mais depuis sa disparition, l’hommage est unanime, quel  que soit le courant politique ou syndical, pour saluer la mémoire d’un homme engagé depuis toujours dans la défense du monde agricole, un autodidacte de conviction qui s’était forgé à la force du poignet et savait se faire entendre tant à Paris qu’à Bruxelles. Administrateur au bureau national de la FNSEA depuis plusieurs années, le président de la FDSEA de l’Yonne, Francis Letellier témoigne :

- Que représentait-il à vos yeux pour l’agriculture française ?
F. letellier : «C’est quelqu’un qui a su remettre l’économie au centre des discussions et qui voulait absolument que l’on cesse de faire croire que l’agriculture se limite aux petits oiseaux et aux petites fleurs… Il était très axé filières et au travers d’un groupe comme Avril Sofiproteol ne souhaitait qu’une seule chose : que le paysan récupère la marge qui lui revient grace à un outil qui lui appartient. Et c’est peut-être là qu’il a été mal compris, faute d’explications suffisantes, par le grand public comme par certains agriculteurs… Son cheval de bataille, c’était une juste répartition de la valeur ajoutée, pour qu’en premier lieu, le paysan s’y retrouve. Une ligne de conduite qu’il s’apprêtait à poursuivre durant un 3ème mandat, mais on continuera le combat et on restera sur cet axe là»

- En quoi va-t-il manquer demain ?
«Il avait un carnet d’adresses important et pour la FNSEA, syndicat majoritaire, cela permettait d’être dans la discussion permanente, dans la recherche de solutions, sans être tout le temps dans l’affrontement et dire non à tout… Xavier avait la capacité d’écouter tout le monde et en tirer une synthèse qui convienne à peu près à chacun. Pas toujours facile quand on est à la tête d’un syndicat regroupant toutes les formes de productions, d’avoir une vue globale satisfaisant le plus grand nombre. C’était son challenge et il le réussissait plutôt bien. Il savait aussi ne pas ignorer le contexte mondial et avait une vision très large de l’agriculture, qu’elle soit nationale, européenne ou mondiale… Sachant que la France ne redressait pas la barre rapidement pour regagner sa place légitime, on se ferait manger la laine sur le dos à l’international…»

- Un souvenir ou une anecdote à garder de lui ?
«C’était à l’un de mes premiers conseils d’administration. Je sors pour répondre au téléphone, je reviens, repose la question, il ne répond pas…. Il ne répétait jamais deux fois la même chose, tu avais intérêt à être attentif ! (rires) Je me souviens aussi de cette fois où il m’a ramené de Montargis à Paris dans sa voiture, l’occasion de raconter le temps du trajet, ses débuts, quand à 17 ans, à la mort de son père il a du reprendre la ferme familiale sans avoir pu passer de diplômes. Autodidacte, il avait la capacité à s’enrichir de l’autre, mais savait aussi que pour cela, il devait bosser deux fois plus. Un parcours de vie qui me rappelle le mien… Le choc est immense. Je l’aimais bien…»

Témoignages

Arnaud Rondeau (Céréalier)
«Sur un plan personnel, c’est quelqu’un qui depuis mes débuts d’engagement aux JA, a toujours été là. J’ai toujours été proche du dossier biocarburants et ne compte plus les rencontres et réunions passées à ses côtés… Une maîtrise parfaite des dossiers, mais aussi la faculté de mettre aussi en avant les personnes qui l’accompagnaient, comme j’ai pu le constater parfois, lors de rencontres avec un ministre. Quelqu’un de bienveillant aussi et à chacun de ses discours, je prenais une leçon, à son contact, tu apprenais en direct. Il savait être présent aussi sur le terrain quand il le fallait comme à Tonnerre, il y a trois ans, après les inondations… On se voyait beaucoup depuis un certain temps et d’un coup, plus personne.. C’est un choc !»

Jean-Baptiste Lemoyne (Sénateur de l’Yonne)
«C’est avec stupéfaction et émotion que j’ai appris le départ trop précoce de Xavier Beulin. Nous le rencontrions régulièrement au Sénat où il venait défendre avec ardeur et passion son ambition pour l’agriculture et les agriculteurs français. La France perd assurément un «Grand Homme»

Jacques Tribut (Polyculteur éleveur)
«Il était bien introduit dans le milieu politique et quand il souhaitait s’exprimer, ne l’envoyait pas dire et pour le monde agricole, c’était important…Une volonté de fer, désireux de faire plein de choses, mais toujours au bénéfice de l’agriculture. Qu’il ait été à la tête du groupe Avril ne m’a jamais choqué plus que cela, dans la mesure où, je le répète, c’était pour le bénéfice des paysans… Je pense que l’on perd gros…»

Guillaume Larrivé (Député de l’Yonne)
«La force de Xavier Beulin, c’était d’être à la fois enraciné et moderne. Au contact des réalités agricoles d’aujourd’hui, il savait débattre, négocier, construire, développer. C’était comme on dit une «grande pointure». Il manquera. Au moment où les agriculteurs français doivent affronter de grandes difficultés, la FNSEA doit désigner rapidement en son sein, un nouveau leader, capable de défendre le monde paysan. La France en a besoin…»

Kamel Ferrag (Éleveur laitier)
«C’était sans nul doute un meneur, mais aussi quelqu’un qui avançait vite par rapport à nous sur le terrain et on pouvait parfois s’en trouver un peu décalés. Il est vrai que la défense syndicale à ce niveau, face à l’ensemble des filières, des productions, toutes différentes, ça ne doit pas être facile… La mise en place d’outils comme il a su le faire aura été au final, une chose positive pour l’agriculture française. Et si toutes les productions avaient fait cela, on aurait à coup sur, un positionnement plus fort au niveau économique…»

André Villiers (Président du Conseil départemental)
«Les présidents de la FNSEA ont toujours été des partenaires à part entière de la déclinaison de la politique agricole et c’était un interlocuteur de la même veine que ses prédécesseurs en terme de compétences… Autre remarque plus personnelle, marquée par la dimension humaine : je suis admiratif en général, du parcours de ces patrons du syndicalisme agricole issus de la base, des autodidactes qui sont montés à la force de leurs bras… Xavier Beulin a été dans son parcours, confronté très vite aux difficultés de la vie et c’est sans doute un coté que je partage avec lui, ayant connu à titre personnel  la même chose, ce qui me rend très proche de gens comme lui qui ont su relever des défis très tôt…»

Étienne Henriot (Président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne)
«Un homme qui a marqué l’histoire de la profession agricole en sachant investir dans la filière oléoprotéagineuse pour assurer nos débouchés… Il aura par ailleurs pas mal réussi, à la tête de la FNSEA,  dans l’exercice difficile de faire la synthèse  entre tous, sachant éviter les écueils de l’affrontement et je pense qu’on peut lui être gréé d’avoir bien mené la maison…  Je regrette les critiques qu’il a subies ces derniers mois, y compris dans le monde professionnel, que pour ma part je trouve injustes… Il laissera un grand vide, c’est certain»  

Jean-Yves Caullet (Député-maire d’Avallon)
«Un homme d’engagement, un négociateur rude mais fiable.. Le fait d’être d’accord ou non avec quelqu’un est presque secondaire quand le débat est de qualité, face à un homme de conviction comme il l’était. On l’a critiqué pour le côté «agrobusiness, groupe Avril…», d’accord ! Mais comment voulez-vous dans la mondialisation d’aujourd’hui faire face à ces défis protéiques sans l’industriel ? Il y a tellement de gens qui débattent aujourd’hui sans faire, que rencontrer des gens qui font et qui s’engagent, mérite avant tout chez moi du respect…»  

Baudouin Delforge (Président du Syndicat Général de la Bourse de Commerce de Paris et ancien directeur du groupe Cavap-Vanagri)
«C’était un géant respectueux des hommes qui savait rassembler. Il avait un train d’avance et savait que si on ne montait pas dedans, la réalité économique nous l’imposerait… C’était un « Honnête Homme », au sens de Voltaire et du Siècle des Lumières, avec un grand «H»  Un souvenir me revient aujourd’hui, c’était au printemps dernier, je l’attendais pour diner à la terrasse d’un restaurant parisien. François Barouin passait par là s’est joint à nous le temps de l’apéro autour d’une bouteille de bordeaux et cela a été un moment intense d’échanges et de partages humains. C’est un ami que je pleure aujourd’hui…»