Accès au contenu
Prédation

Un regard pour mille maux

Durant la visite organisée le 10 juillet par la Fédération nationale ovine (FNO) afin de présenter les conséquences de la prédation dans les élevages nivernais à la presse nationale, les exploitants ont pu s'exprimer. 

Par Chloé Monget
Un regard pour mille maux
La presse nationale fut conviée à Saint-Parize-le-Châtel par la FNO pour découvrir les conséquences de la prédation pour les éleveurs.

Le 10 juillet, à Saint-Parize-le-Châtel, au Domaine Ragon, une visite un peu particulière avait lieu. Orchestré par la Fédération nationale ovine (FNO), le rendez-vous était à destination de la presse nationale et spécialisée pour faire le point sur la réglementation en vigueur et les évolutions possibles concernant le Plan national Loup ainsi que pour mettre en lumière les conséquences de la prédation dans les élevages. Ainsi, outre la présence de Claude Font, secrétaire général à la FNO, en charge du dossier « prédation », ou de Jean-Paul Célet, préfet, référent du Plan national d'action sur le loup, en visioconférence pour ce dernier, les éleveurs nivernais participaient pour témoigner puisqu'ils subissent lourdement les conséquences de la prédation depuis l'an dernier. Parmi eux, Charlène et Mathieu Moreau (Domaine Ragon), qui accueillaient l'événement, ont pris la parole. Pour rappel, ils élèvent 300 brebis, et leur troupe a subi deux attaques en 2024 ayant entraîné la mort de 32 animaux.

Sous le choc

« Il est important de dépeindre ce que l'on vit quotidiennement lorsque le loup est dans les parages, car nous avons bien conscience du gouffre entre urbains et ruraux en la matière ; notre voix doit être prise en compte ! ». Un point de vue d'ailleurs acquiescé par André Garcia, maire de Saint-Parize-le-Châtel : « Pour soutenir les éleveurs prédatés dans notre commune, nous leur avons offert un espace d'expression dans notre magazine communal. Suite à cette communication, j'ai été très surpris de voir que la présence du loup dans le département et les dégâts qu'il peut occasionner dans les élevages étaient assez méconnus des concitoyens ». Avec la présence de la presse nationale le 10 juillet, Charlène et Mathieu Moreau sont donc revenus sur les deux attaques : « Retrouver ses animaux morts est toujours un choc, d'autant plus lorsque l'on découvre une brebis de 90 kg au sol alors qu'elle était en pleine santé la veille. Après la découverte, nous sommes dans un état d'impuissance face à cette problématique incontrôlable (au diapason des aléas climatiques), ensuite c'est la peur qui nous colle à la peau avec toutes les questions qui se bousculent dans notre tête : Que faire pour les protéger efficacement ? Est-ce que cela va recommencer, et si oui quand ?.. Autant d'interrogations auxquelles nous n'avons pas spécialement de réponse ».


Largement problématique

En parallèle, pour eux, la prédation est un problème bien plus large que la perte d'un animal : « Notre but est d'aller vers une gestion où le pâturage reste la clé de notre système, car c'est cela qui nous permet d'être performant économiquement, techniquement et écologiquement. Mais, aujourd'hui cela est remis en cause avec la prédation puisque depuis l'an dernier nous avons ajusté nos pratiques. Actuellement, à cause d'une rotation dans les pâturages revue à la baisse, le parasitisme se développe et donc des frais supplémentaires s'ajoutant aux charges de l'exploitation. Nous n'avons pas choisi la vie d'éleveurs pour voir nos animaux enfermés. C'est pour cela que nous avons du mal à accepter la présence du loup dans notre bocage car elle remet toute notre gestion et notre vision de l'élevage en question. Alors oui, certains moyens de protection existent mais d'une part, il y a un travail supplémentaire pour les mettre en place – se rajoutant à celui du quotidien déjà très lourd - et d'autre part des enjeux inévitables avec la physionomie de notre département dont la présence de promeneurs, ce qui peut nous empêcher de mettre des chiens dans les lots par sécurité pour les gens ». Ils concluent leur intervention : « La prédation ne se résume pas à être pour ou contre. Mais, il faut entendre les conséquences qu'elle engendre pour nos structures et pour nos vies au sens large ». Jean-Marc Bertrand, président de la commission ovine à la Chambre d'agriculture de la Nièvre ajoute : « pour l’instant, mis à part nous proposer des solutions qui ne sont pas transposables dans nos systèmes d’élevages nivernais, nous n’avons aucune autre réponse viable malgré l’ampleur des dégâts et l’urgence de trouver des solutions concrètes ».

Un espoir à garder

Si les éleveurs aujourd'hui actifs semblent résignés et désespérés face à la cohabitation presque obligatoire et forcée avec le loup, pour la future génération, l'avenir semble un peu différent. En effet, pour Éliot Moreau, 15 ans, qui souhaiterait reprendre la ferme familiale du Domaine Ragon, le futur permet l'espoir : « J'aide quand je peux mes parents à la ferme. Et actuellement on a un peu l'impression de travailler pour rien lorsque l'on retrouve les animaux déchiquetés. Je comprends leur sentiment et celui que les autres éleveurs ont face aux ravages que peut faire le loup. Mais, même s'il ne semble pas y avoir de solution pour le moment pour gérer la prédation, il faut apprendre à vivre avec car je suis sûr qu'il y aura des évolutions technologiques qui verront le jour pour nous aider pour cette problématique. Il faut croire en l'avenir sinon autant tout stopper maintenant ». En attendant de jours meilleurs, les regards des éleveurs nivernais semblent valoir plus que tous les mots du monde pour dépeindre ce qu'est la prédation. Maintenant, il ne reste plus qu'à souhaiter que leur émotion soit retransmise et comprise…

* pour les encadrés dédiés à chaque élevage, les déclarations concernent des ovins – sauf mention contraire.

Domaine Ragon à Saint-Parize-le-Châtel

 Domaine Ragon à Saint-Parize-le-Châtel
Mathieu Moreau (Domaine Ragon) regardant une de ses parcelles durant la visite de la presse nationale dans l'exploitation.

16.08.24 : 22 morts (LNE) ; 13.10.24 : 11 morts et neuf blessés (LNE). 

EARL de la Folie à Sainte-Colombe-des-Bois

EARL de la Folie à Sainte-Colombe-des-Bois
Jean-Marc Bertrand est polyculteur-éleveur à Sainte-Colombe-des-Bois (EARL de la Folie) et élu à la Chambre d'agriculture de la Nièvre, président de la commission ovine.

14.03.25 : deux morts et cinq blessés (LNE). 

Gaec du Passou à Saint-Péreuse

Gaec du Passou à Saint-Péreuse
Clément Blandin, associé du Gaec du Passou, est en charge du dossier prédation pour les JA 58.

11.12.24 : un mort (CMI) ; 6.02.25 : cinq morts et huit blessés (LNE) ; 04.03.25 : un blessé (LNE). 

EARL du Château à Achun

EARL du Château à Achun
Bertrand Larue (EARL du Château) a subi 10 attaques.

21.03.25 : 5 morts et 2 blessés (LNE) ; 30.04.25 : un blessé (LNE) ; 01.05.25 : un mort (LNE) ; 02.05.25 : un mort (LNE) ; 05.05.25 : un mort (CMI) ; 06.06.25 : une mort et deux blessés (LNE) ; 07.06.25 : deux blessés (LNE) ; 12.06.25 : un mort (LNE) ; 17.06.25 : un blessé (LNE) ; 06.07.25 : un mort (attente de détermination). 

Gaec des Joncquilles à Saint-Péreuse

Gaec des Joncquilles à Saint-Péreuse
Cédric Bernier, associé du Gaec des Jonquilles et élu à la Chambre d'agriculture de la Nièvre en charge du dossier « prédation ».

15.04.24 : une brebis morte (LNE) ; 07.02.25 : un bélier mort (LNE). 

 

Gaec Laporte à Maux

Gaec Laporte à Maux
Olivier Laporte, associé du Gaec Laporte ainsi que vice-président de la FDSEA de la Nièvre et référent « loup » pour le syndicat, au micro de la presse nationale.

20.05.25 : un mort (bovin) (CMI).