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Chrétiens dans le monde rural

Un métier de paysan à préserver

Le CMR de Côte d’Or appelle tous les citoyens à se mobiliser pour mettre en œuvre de profonds changements face à la crise agricole.
Par Aurélien Genest
Un métier de paysan à préserver
Des membres de l’AMR, réunis autour de leur président Henri Mutin, assis au centre.
Chrétiens en monde rural, mouvement reconnu d’éducation populaire, invite ses membres à réfléchir ensemble sur le sens que ces derniers veulent donner à leur vie, aussi bien sur le plan familial, religieux que professionnel. Le CMR national, fondé il y a 70 ans, se décline en plusieurs fédérations départementales. Celle de la Côte d’Or, présidée par Henri Mutin, agriculteur dans le Châtillonnais, compte une vingtaine d’équipes de 5 à 15 personnes. L’une d’elle, constituée d’exploitants agricoles, a souhaité partager un travail de réflexion mené sur la crise actuelle, qualifiée d’«inédite et sans la moindre perspective». A ce titre, une conférence de presse était organisée jeudi 7 avril à la Maison Diocésienne à Dijon. «Le fonctionnement de notre système agricole et économique actuel est fondé sur un principe de dérégulation qui engendre un appauvrissement du tissu rural et humain, et porte atteinte aux valeurs de la pensée sociale de l’Église qui nous réunissent» déplore Henri Mutin, pour qui «de profonds changements des rapports économiques et sociaux doivent être pensés pour stopper la destruction du métier de paysan et préserver les terres qui nous nourrissent».

Les Pouvoirs Publics visés...
Plusieurs membres du CMR ont successivement exposé leurs points de vue. Bénigne Louet a ciblé principalement les Pouvoirs Publics qui ont, selon lui, «plusieurs cordes à leurs arcs» pour répondre à cette grande détresse des agriculteurs : «La Pac doit être réorientée par nos gouvernants. Les biens alimentaires ne peuvent être l’objet d’une spéculation planétaire. Limitons l’import export physique aux besoins d’échanges liés au climat et aux populations. Il faut limiter la production afin de rester raisonnable en terme de stocks pour éviter de brader la surproduction». Bénigne Louet a ensuite évoqué la grande distribution : «le gouvernement français, depuis plusieurs années, cherche à lui imposer des lois pour que les producteurs puissent être rémunérés selon leur prix de revient. Il est impératif que les agriculteurs soient reconnus à part entière dans l’échelle des valeurs des produits. Tout doit être fait pour que nous ne puissions plus vendre à perte nos produits». Le Côte d’orien a également déploré un nombre trop important de normes: «des complications administratives entravent l’esprit d’initiatives. Il n’y a aucune liberté d’entreprendre, tout est codifié et doit rentrer dans des méandres réglementaires infinis. Nos responsables politiques doivent garder les pieds sur terre et ne pas légiférer à tout va. L’État doit aussi stimuler le système bancaire pour que les banques soient partenaires et conseilleurs plutôt que des organismes de sanction sans la moindre considération pour l’humain». Bernard Didier, autre membre du CMR, a fait part de plusieurs contractions au plus haut rang : «La première concerne les ressources fossiles et les ressources renouvelables. Chacun sait que l’agriculture et les territoires ruraux sont l’origine essentielle des ressources renouvelables. Les Pouvoirs Publics imposent des normes souhaitables mais qui ne sont pas compensées par des prix suffisants en ventes. Les Pouvoirs Publics sont responsables de la situation que nous connaissons. En ce qui concerne la consommation : il manque des moyens et une stratégie publique pour éduquer et informer les jeunes générations à donner priorité à l’essentiel nourricier du quotidien, en limitant les gaspillages de leur pouvoir d’achat vers des biens secondaires».

… Les consommateurs aussi
Jean-Claude Germon a fait appel aux consommateurs lors de cette conférence de presse : «Ils jouent un rôle essentiel, ils peuvent influencer, par leurs choix, une orientation vers une agriculture qui respecte le vivant, la nature, le bien être animal et qui rémunère correctement ses producteurs. Ils peuvent privilégier les productions locales et les produits de qualité. Il faut un contrat moral entre les producteurs qui s’engagent dans une agriculture respectueuse et les consommateurs qui en paient le juste prix». Le son de cloche est le même pour Dominique Portier qui invite à consommer des produits de saison : «En consommant local, la société civile soutient l’agriculture de sa région en assurant des revenus décents aux producteurs, à une juste valeur de leur travail. C’est aussi respecter l’environnement avec une limitation des transports des produits et aussi favoriser le dialogue entre consommateurs et agriculteurs».

Il y a urgence
Annick Gérard, vice-présidente de Solidarités Paysans, a rappelé à la fin de cette conférence que la précarité, l’isolement, le désespoir et la perte du sens du métier poussent certains agriculteurs au suicide : «Six cents d’entre eux passent à l’acte en France chaque année. Notre association apporte une aide morale et une aide à la prise de décision. Nous pouvons accompagner l’agriculteur auprès de tiers (banque, MSA, tribunal...) en fonction de la situation».