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Premières récoltes pour un jeune actif

Un bon début avec 50 ares de plantes médicinales

Benjamin Bailly est un double actif. Fils d’un céréalier d’Alligny-Cosne, le jeune homme de 22 ans est salarié agricole à 30 minutes de là. Cette année, il vient de réaliser aussi la première moisson de 60 ha de cultures et la première récolte de ses 50 ares de plantes médicinales. Avec l’objectif d’arriver à en vivre.
Par Emmanuel Coulombeix
Un bon début avec 50 ares de plantes médicinales
Benjamin Bailly a investi 5 000 euros pour acheter le matériel (d’occasion) nécessaire et couler la chape de béton dans le hangar qui lui sert de séchoir.
Benjamin est tombé dans l’agriculture quand il était petit. Fils du céréalier Franck Bailly, à Alligny-Cosne, il a logiquement fait des études agricoles, d’abord à Cosne-sur-Loire puis à Auxerre. Un Bac agricole et un BTS agronomie en poche, il a d’abord cherché à travailler et est devenu salarié d’une exploitation à 30 minutes de chez ses parents, à Champlemy. Puis, cette année, il a acquis 60 ha de terres en nom propre, où il vient de faire ses premières «bonnes moissons» avec l’aide de son père, ainsi que 50 ares de plantes médicinales: mauve et pavot, ortie et menthe poivrée. C’est un voisin de Saint-Loup des Bois, Sébastien Perry, lui-même adhérent à la Coopérative des Plantes de pays, en Auvergne, qui l’a initié à cette culture et lui a donné le virus. Pour ce jeune double actif, rien ne presse et Benjamin veut se donner le temps de «faire les choses bien», tant qu’il reste salarié  «avec un revenu régulier», mais il ambitionne secrètement de finir par devenir son propre patron et de vivre à 100% de sa propre exploitation. «60 ha de cultures, c’est trop peu pour dégager un revenu suffisant mais les plantes médicinales, qui se conduisent comme du maraîchage, avec assez peu d’investissement, peu de surfaces et beaucoup de travail manuel» lui laissent l’espoir de trouver rapidement son autonomie. A horizon de quelques années... «Il n’y a que très peu de références techniques et il faut beaucoup expérimenter avant de devenir performant en plantes médicinales» avance humblement le jeune agriculteur.

Manque de fournisseurs
Sur les conseils de son voisin, Benjamin a donc contacté la Coopérative, située près de Clermont-Ferrand et issue d’une fusion avec une ancienne coopérative spécialisée qui avait existé dans le Morvan. «Là, je propose de la vente en sacs de 8 kg de chacune de mes quatre plantes, cultivées sur des jachères à mon père : c’est du dépôt-vente. La coop n’achète pas la matière mais trouve les débouchés commerciaux, ce qui m’arrange bien puisque je ne me sens pas très à l’aise dans la partie commerciale. Je n’ai pas le feeling dans le contact avec les gens» insiste-t-il. A 22 ans, on ne peut pas savoir tout faire   ! Grâce à la coopérative, l’agriculteur se plaît à tenter «cette diversification sur un marché de niche plus que prometteur. Les gens ont tendance à revenir à des médecines traditionnelles». En réalité, les clients de la coopérative, qui ne compte que 16 adhérents, sont plutôt des industriels de la cosmétique, du secteur pharmaceutique et de l’agro-alimentaire... On est bien loin des faïences remplies sur les rayonnages en bois des herboristes d’antan ! Et la coopérative qui veut se développer et ne dispose pour l’instant qu’un nombre très réduit de salariés, à côté des agriculteurs qui font le plus gros, semble manquer de fournisseurs, notamment dans la menthe dont le marché se révèle souvent déficitaire. «La menthe, notamment, n’est pas suffisamment cultivée pour répondre à toute la demande. Nous sommes en concurrence avec les Pays de l’Est et la Chine mais nous recherchons de nouveaux adhérents». Les sacs de plantes (8 kg) sont tous expédiés par camions et la coopérative fait une tournée pour récupérer la marchandise auprès de tous ses adhérents.

La mauve : 6 euros du kg
«Les plantes sont rendues broyées en matière sèche (en frais ce seraient les clients qui s’occuperaient du transport) : il y a une traçabilité du début jusqu’à l’acheteur, ce que n’assure pas aussi bien la concurrence étrangère» vante Benjamin Bailly. D’ailleurs, il conduit son système de façon très cadrée, ses plantes sont bio, ce qui suppose «zéro chimique et 100% mécanique». Les plantes dépendent des sols et de la météo, comme toutes les cultures, et le jeune homme, pour sa première récolte, se dit satisfait «même si le volume est variable et que nous avons souffert de la sécheresse». Il a investi pour 5 000 euros de matériel et a coulé une chappe dans un ancien hangar qui abrite dorénavant son séchoir. Ses mauves, pavots, menthe et orties sont récupérées à la floraison, début juillet, avant les moissons de ses grandes cultures, et il espère une deuxième fauche en septembre. Les prix sont fixés d’une année sur l’autre et ne sont pas volatiles. Pour la mauve, par exemple, il peut espérer en tirer un revenu moyen de 6 euros par kg. De quoi entrevoir l’avenir avec une certaine sérénité, lorsqu’il aura étendu ses surfaces et fait les choix de variétés les plus adaptés. Sur 10 ares, à terme, Benjamin, peut espérer jusqu’à 200 kg de fleurs. «Autour de 5 ha, on peut dégager un Smic» entrevoit-il. Si les mauves et pavots sont des plantes pluriannuelles, la menthe et l’orie sont des racines. Le tout est implanté fin-mars et en avril. Mauve et pavot sont semés avec un petit semoir de jardin «à 30 euros» mais il a acheté une planteuse d’occasion pour les secondes, ainsi qu’une bineuse pour les inter-rangs, une broyeuse qui lui permet de récupérer la partie haute des tiges, «des brins de 7 ou 8 cm de longueur qui sont plus faciles à sécher et à commercialiser que la plante entière». Pour l’aider, Benjamin fait parfois appel à certains de ses amis, particulièrement au moment du semis, gourmand en main d’oeuvre. Mais il lui faut aussi 1 heure par rang pour désherber ses plantes, une semaine avant les récoltes, «pour que les lots soient bien propres». Jeune, Benjamin n’a pas de problème de dos et il escompte doubler ses surfaces d’ici un an... Histoire d’arriver à soigner, par les plantes, son propre compte en banque...