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Attaques de chevaux

« Tout devient suspect »

Dans l’Yonne comme partout en France, les agressions sur les chevaux de ces derniers mois inquiètent fortement les propriétaires. Entre incompréhension et colère, ces derniers tentent, comme ils le peuvent, de protéger leurs animaux en améliorant la sécurité de leurs exploitations, afin de dissuader les agresseurs d’intervenir.
Par Christopher Levé
« Tout devient suspect »
Les agressions sur les chevaux de ces derniers mois inquiètent fortement les propriétaires.
Inquiétude, incompréhension, colère : à l’heure actuelle, ce sont les mots qui caractérisent le plus les propriétaires de chevaux. Dans l’Yonne, comme sur l’ensemble du territoire français, des attaques sur équidés ont lieu depuis plusieurs mois.
Dans le département, tout le monde se souvient de l’agression subie par Nicolas Demajean, président de l’association Ranch de l’espoir, basée à Villefranche-Saint-Phal, dans la nuit du 24 au 25 août dernier (avant que les individus s’introduisent à nouveau sur l’exploitation de l’association le 6 septembre au matin, ndlr). Des faits qui font peur aux propriétaires de chevaux.
Dans le Chablisien, celle que l’on appellera Léa, pour préserver son anonymat, s’est confiée sur ses craintes. « On se demande ce que l’on doit faire si on se retrouve nez à nez avec l’un de ces individus. Quand on voit ce qu’il s’est passé avec la personne qui s’est interposée… » Elle s’interrompt. « On est très inquiets », confie-t-elle. « Pendant une période, sur les réseaux sociaux et dans les médias, on entendait beaucoup parler de ces attaques. L’inconvénient des réseaux sociaux, c’est que tout le monde prend la parole, sans filtre. Je pense que la moitié des informations qui circulaient n’étaient pas forcément vraies. Et cela renforçait notre inquiétude ».

Une sécurité renforcée
Depuis plusieurs semaines, Léa a repensé la sécurité sur son exploitation. « On a rentré le maximum de chevaux sous surveillance. On ne les met plus dans des prés éloignés mais dans ceux où l’on peut garder un œil sur eux », indique-t-elle. « Sur la commune, il y a énormément de chevaux. On a organisé des rondes de surveillance la nuit avec les autres propriétaires de chevaux. Mais on s’aperçoit que la nuit, on ne voit pas bien. Si quelqu’un veut se cacher derrière une haie, un arbre ou se coucher au sol, ce n’est pas évident de le repérer ».
Léa possédait déjà plusieurs caméras de chasse, qui servaient pour la surveillance de ses bâtiments. « Dorénavant, elles sont installées autour des pâtures », ajoute-t-elle. « On a également investi dans un système de caméras. Il y en a partout dans les écuries et tout est diffusé en direct sur les smartphones. Dès qu’il y a des mouvements, je reçois des notifications. S’il se passe quelque chose, il y aura au moins des preuves, même si cela ne peut pas forcément empêcher les agresseurs d’intervenir ».
Et comme beaucoup de propriétaires de chevaux, Léa s’est armée. « Avec ce que l’on peut, comme des bombes lacrymogènes ». Elle craint néanmoins que cela dérape et se retourne un jour contre l’un des propriétaires. « Le problème, c’est que si un propriétaire de chevaux venait à faire du mal à ces individus, c’est lui qui serait en tort. Oui, j’ai peur du dérapage. Mais quand on se retrouve face à des individus en train d’agresser nos chevaux, je peux comprendre que certaines personnes veulent les défendre. Cela me paraît légitime ».
Elle avoue que son comportement a changé. « Tout devient suspect. Je me suis vue agresser verbalement des randonneurs qui traversaient notre pré pour simplement se promener. En temps normal cela ne me pose pas de problème. Mais on devient méfiant voire agressif envers les gens. Maintenant, dès que quelqu’un approche, se promène ou se gare à proximité avec une voiture que l’on ne connaît pas, on s’interroge ».

« On se sent impuissant »
Face à ces attaques, Léa, comme d’autres, se sent « impuissante ». « On ne sait pas pourquoi ils attaquent, quels types de chevaux sont visés, quelles sont leurs procédures pour opérer… On ne sait rien », s’indigne-t-elle. « Ces derniers temps, des attaques ont été faites avec des cutters. Selon moi, ce sont des personnes qui se sont créé des challenges sur les réseaux sociaux en voyant les agresseurs agir. Je pense qu’il y a beaucoup d’actes de mimétisme dans le lot. Car entre les premières attaques où des oreilles de chevaux étaient découpées et les dernières où seuls des coups de couteau ou de cutter étaient faits aux chevaux, il y a une grande différence. Je n’arrive pas à comprendre ce qui peut motiver certaines personnes à se lancer ce genre de défi. Comme ceux qui « s’amusent » à jeter des chats contre des murs. C’est vraiment malheureux ».
Bon nombre de propriétaires d’équidés sont persuadés que les agresseurs ont l’habitude des chevaux. C’est le cas de Léa. « Je mets au défi quelqu’un qui n’a jamais approché un cheval de l’attraper, lui mettre un tord-nez ou un licol. Lorsque l’on doit faire des soins à des chevaux, parfois ils ne veulent pas se laisser faire. Alors je ne vois pas comment un novice pourrait approcher un cheval et l’immobiliser, avant de lui faire du mal », conclut Léa.
En France, les enquêtes sont toujours en cours pour tenter d’interpeller les agresseurs, qui continuent de sévir.