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Zones intermédiaires

Terres, cultures et productions totalement oubliées

Un agriculteur côte d’orien évoque les moissons et les difficultés récurrentes de son secteur.
Par Aurélien Genest
Terres, cultures et productions totalement oubliées
Clément Gamin, vice-président des JA 21, s’interroge sur le devenir des grandes cultures dans le département.
Les moissons ont normalement débuté lundi chez Clément Gamin, avec plusieurs hectares de pois d’hiver où rien ne devrait être récolté et des parcelles d’orges qui s’annonçaient elles-aussi bien maigres en rendements. Rencontré la semaine dernière à quelques heures de sortir la moissonneuse, cet agriculteur âgé de 30 ans résidant à Poncey-sur-l’Ignon près de Saint-Seine-l’Abbaye est revenu sur la non-défense des zones intermédiaires, une «énorme» incompréhension qui anime son quotidien et sa fonction de vice-président des Jeunes agriculteurs en charge des grandes cultures. «Au cas où le Gouvernement ne le saurait pas encore, la Côte d’Or fait partie de cette zone intermédiaire, secteur défavorisé d’un point de vue agricole» rappelle fermement le JA, «nous avons une altitude relativement importante, nous sommes limités par le climat et nos terres ont de faibles potentiels. Nous sommes loin de tout et notamment des ports : avec les coûts du transport, nous exportons nos céréales à des prix moindres que d’autres exploitants plus proches des côtes».

Des soutiens en baisse
«Malgré toutes ces lacunes, nous touchons les aides les plus faibles de France et, pire, celles-ci diminuent d’années en années, la nouvelle Pac nous l’a une fois encore démontré. Nous nous faisons ponctionner sans cesse» déplore Clément Gamin, s’étonnant de voir certains pays de l’Europe de l’Est «toucher» davantage que les producteurs Côte d’oriens avec cette Politique agricole commune. «D’autres régions de France ont des rendements très largement supérieurs aux nôtres et sont également mieux soutenues, alors que les charges sont les mêmes partout» poursuit-il, «ici, nous faisons en moyenne 60q/ha en blé, 30q/ha en colza, 65 q/ha en orges d’hiver et 50 q/ha en orges de printemps, ça ne va pas chercher loin par rapport à certains. Cela fait plusieurs années que nous n’arrivons plus à vivre avec les productions végétales. Il y a des difficultés dans toutes les filières, mais dans les médias, on entend parler de la crise du lait, de la viande, des fruits et légumes mais rien sur le monde céréalier... Dans la tête des gens, on ne peut pas avoir de difficultés dans les productions végétales. Le Gouvernement, lui, n’arrive pas à l’enregistrer... Notre territoire est totalement oublié, nous sommes les oubliés de la Pac, le monde céréalier n’est pas considéré».

Des orientations «incompréhensibles»
Malgré le travail de la profession et du syndicalisme, rien ne bouge, au plus grand désespoir des agriculteurs. «Nous faisons remonter nos difficultés récurrentes au plus haut rang mais nous n’avons pas la moindre réponse, pas la moindre considération» soupire le jeune agriculteur. Ce dernier salue l’implication de l’AGPB, de la FDSEA et de la Chambre d’agriculture pour faire reconnaître les zones intermédiaires : «cela a débouché sur une mesure agro-environnementale spécifique. Mais le Gouvernement nous en a pondu une MAE totalement irréalisable, avec une trop forte réduction d’IFT herbicides. Pour moi, c’est une aide fictive, elle n’est atteignable par aucun agriculteur au vu des valeurs de références. En Côte d’Or, des fermes Dephy sont déjà dans de tels systèmes et elles n’y arrivent pas, même avec huit ou neuf cultures dans la rotation ! La question ne se pose donc même pas chez nous, sur les plateaux, où il est impossible de faire des cultures de printemps comme du maïs, du tournesol et encore moins du soja. Ici, nous ne pouvons guère faire mieux que la traditionnelle rotation colza, blé, orge». Clément Gamin a beau cultiver un peu de luzerne et de pois d’hiver, la récolte de ces derniers montre une nouvelle fois les limites des zones intermédiaires : «la fauche de la luzerne est correcte cette année avec une première coupe à elle seule supérieure à toute la récolte de 2015. En revanche, le pois ne devrait pas dépasser les 5 ou 6 q/ha. Une attaque de bactériose a été fatale, la culture ne ressemble à rien du tout».

Encore une année rouge
La moisson 2016, jugée prometteuse il y a encore quelques mois, aurait pu redonner un peu de baume au cœur aux producteurs si le printemps n’avait pas été aussi pluvieux. «Une année humide est la plupart du temps salvatrice sur les plateaux, mais ce ne sera pas le cas cette fois-ci» dénote Clément Gamin, «l’excès d’eau a engendré beaucoup de dégâts et de maladies. Les températures ont été particulièrement basses au printemps, l’ensoleillement s’est fait rare. Les traitements n’ont pas réussi à contenir les maladies. L’orge est jolie de loin mais il n’y a rien dedans. C’est très clair quand on rentre dans les champs, nous voyons les rangs de semis, il y a eu beaucoup de fusariose sur épis. Les premières impressions de la plaine n’annoncent rien de bon. Le blé est lui aussi fusarié. Pour ne rien arranger, le colza a subi une grosse attaque de cylindrosporiose, maladie qui ne s’était pas montrée ici depuis 15 ou 20 ans... Les cultures ne sont pas reparties au printemps, elles faisaient seulement 15 à 20 centimètres de haut et étaient pâles et chétives... Elles se sont mises en fleur à seulement 50 cm de hauteur. En colza, je ne devrais pas dépasser les 20q/ha....» Clément Gamin annonce d’ores et déjà une année rouge pour le plateau et même pour l’ensemble de la Côte d’Or. «Nous n’avions pas le droit de faire une mauvaise année, ça fait trois ans que les trésoreries sont au plus bas» rappelle le JA installé en 2009. «Le moral est dans les chaussettes et la tournure des évènements ne tend pas à nous rassurer. Le cours des céréales sont très bas et loin d’être rémunérateurs. Notre métier est le seul dans lequel la production se vend à perte.... Avec les aides qui baissent, on ne peut pas y arriver. En soutiens, il nous manque clairement 100 euros de l’hectare. Autre point : il y a de plus en plus d’écologistes au Gouvernement alors qu’ils représentent moins de 5% de la population. Ce sont pourtant eux qui prennent les décisions en agriculture. J’espère que la Région va enfin penser à nous. Il n’y a pas que les producteurs laitiers du Jura en Bourgogne-Franche-Comté».