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Aurochs

se méfier des imitations

Il est à l’origine de toutes les races actuelles. Sans lui, l’homme n’aurait pu évoluer aussi rapidement. Disparu en 1627, depuis 90 ans des croisements tentent de le faire renaître, en apparence, dans les zoos et parcs.
Par Éric Charon, L’Agriculteur Normand
se méfier des imitations
L’aurochs est de retour, y compris en dehors des grandes fresques des grottes. Mais attention, il y a aurochs et aurochs !
Pologne, 1627, forêt de Jaktorów, un bovin agonise dans un coin de forêt. C’est une femelle. Victime du progrès, autrement dit du manque de terres sauvages ; avec elle s’éteint la souche de toutes les races bovines domestiques actuelles. L’aurochs était d’ailleurs en sursis depuis le Moyen-Âge. Chassé sans relâche depuis la préhistoire, succombant aux maladies, il a réussi à survivre dans les massifs forestiers au nord de l’Allemagne et en Russie, croisant au passage un de ses congénères, le Bison d’Europe. Sa domestication, elle, serait intervenue voici des milliers d’années auprès de trois sous-espèces. L’aurochs du Moyen-Orient a donné naissance au bétail sans bosse, autrement dit à toutes nos races actuelles. L’Asie et l’Afrique ont bénéficié des deux autres rameaux.
Les chercheurs de l’Institut Jacques Monod expliquaient récemment : «nous avons montré pour la première fois au niveau de l’ADN «fossile» que la diversité génétique des populations d’aurochs était plus importante que celle des bœufs actuels et qu’ils ont été domestiqués il y a dix mille ans plusieurs fois dans le bassin du Haut-Euphrate au Proche-Orient. La présence d’haplotypes (petites parties du chromosome) proche-orientaux au Néolithique, sur le territoire français, a démontré qu’ils ont été importés domestiqués en Europe quelque deux mille ans plus tard au cours des migrations néolithiques à travers la Méditerranée et le long du Danube». Voilà pour le côté scientifique.

Forte ressemblance sans plus
Physiquement, comment était notre aurochs, apprécié notamment des Romains ou des Crétois pour sa force ? La taille au garrot atteignait 1,80 m pour les mâles, 1,50 pour les femelles. Côté poids les animaux passaient largement la tonne. Pas question de ration toute prête à la carte. De l’herbe, des glands et des branchages. Pour la reproduction, un combat, afin de conquérir une femelle à l’automne, était de mise ; les veaux naissaient en mai-juin.

L’aurochs une fois disparu, il a bien fallu faire une croix dessus jusqu’au XXe siècle où les frères Heck, allemands mais aussi nazis, se sont mis en tête de «reconstituer» un petit troupeau dans les années 1930. La méthode consistait à croiser des races domestiques dites rustiques de manière à se rapprocher le plus possible de l’aspect physique original. Pas un succès complet. Si l’animal final avait une forte ressemblance avec l’aurochs, il était plus petit avec un pelage plus clair sans compter des cornes atrophiées. Reste que le zoo de Berlin était tout fier d’exposer l’animal, donnant au passage de sombres idées à un certain Adolf sur la sélection humaine. Chez les Heck, on ne s’embarrassait pas de scrupule, n’hésitant pas à voler de précieux chevaux de Przewalski (équidé découvert en 1879) lors de la seconde guerre mondiale en Russie.

Nouveaux travaux
Cet aurochs de Heck sert toujours de base à de nouveaux travaux visant à recréer une réplique de l’authentique animal. Concrètement, les chercheurs croisent et recroisent des bovins sélectionnés tout en allant de plus en plus vers le phénotype (ensemble des caractères observables) de l’aurochs pur. Ont-ils réussi à se rapprocher du but ? Il semble que oui en partie. En 2015, un séquençage d’ADN d’aurochs, vieux de 7 500 ans, trouvé aux Royaume-Uni, a permis de montrer une concordance génétique qualifiée d’assez forte. Reste que pour le moment aucun aurochs moderne n’est vraiment identique à la dernière femelle tuée en Pologne. Pourtant depuis Jurassic Park et la brebis Dolly, défier les lois de la nature démange de plus en plus de monde. Le jeu n’en vaut plus la chandelle. La seule leçon que nous laisse l’aurochs ? Un animal difficilement domesticable, à un tel point que sa descendance a failli ne jamais voir le jour ; il est désormais prouvé que seuls 80 bovins environ ont pu être encadrés par l’homme au Moyen-Orient voici 10 000 ans. Sans l’obstination des premiers éleveurs, les Prim’Holstein, Normande et autres Charolaises ou Salers, etc. n’existeraient pas. Quelle viande mangerions-nous  ? De la chèvre tout simplement ou du mouton et bien sûr de la volaille.


NOTE : Sources : (Molecular biology and evolution ; dictionnaire de la Préhistoire ; History of the aurochs Poland ; Institut Jacques Monod ; publications diverses)

Et pendant cet été...

Le parc naturel régional de la forêt d’Orient, dans l’Aube, permet de voir des animaux d’hier et d’aujourd’hui dont des aurochs.

Dans le n° 7 de la revue Les Cahiers de la belle vallée du Lot, on découvre plusieurs articles sur le département et la rivière Lot avec un éclairage particulier sur la grotte de Pech-Merle, véritable sanctuaire préhistorique, avec ses 800 motifs peints, gravés ou dessinés, représentant soixante huits animaux dont des mammouths, bisons ou aurochs.

À Plougastel-Daoulas, une nouvelle campagne de fouilles archéologiques vient de s’achever sur le site du rocher de l’Impératrice. L’équipe d’archéologues a mis au jour quarante cinq éléments gravés : des aurochs ou chevaux.

On peut également voir des aurochs de Heck en forêt de Rambouillet.
Différentes fermes auberges, à travers la France, proposent des activités autour de l’aurochs (ferme en Charente appartenant au réseau Bienvenue àla ferme,dans le Jura ou encore dans l’Hérault.)