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Retour sur le colloque «Génération Blé 2013»

Exploitant céréalier dans le Sénonais, Jean-Luc Gennerat est également administrateur à l’Association Générale des Producteurs de Blé (AGPB).Il témoigne sur le colloque qui s’est tenu à la défense, pour les 90 ans du syndicat.
Par Propos Recueillis par Dominique Bernerd
Retour sur le colloque «Génération Blé 2013»
Administrateur à l’AGPB, Jean-Luc Gennerat est également président de la section végétale à la FDSEA de l’Yonne
Plus d’un millier d’acteurs ou observateurs de l’économie céréalière française a participé le 16 juin dernier à la Défense, au colloque [I]«Génération Blé 2013»[i] que l’Association Générale des Producteurs de Blé et autres céréales a organisé à l’occasion de son 90e anniversaire, parmi lesquels Jean-Luc Gennerat, exploitant céréalier installé à Piffonds, également administrateur au sein de l’AGPB

[G]- TdB : Deux tables rondes étaient au programme, dont l’une sur le thème «Le blé, un atout stratégique pour la France»
Jean-Luc Gennerat :[g] [I]«Parmi les invités présents, Youssef Ben Osmane, président de la Fédération Marocaine des Négociants en Céréales et Légumineuses, qui a rappelé combien la France avait d’atouts en ce domaine, notamment vis-à-vis de tous les pays de la zone Maghreb, que ce soit en terme de proximité géographique ou de logistique existante. Par contre, il a aussi évoqué les problèmes rencontrés avec nos blés, de moins en moins performants sur le plan du taux de protéines, les obligeant à ouvrir leur marché aux blés de la Mer Noire ou des Etats-Unis. Si la France est toujours leader aujourd’hui en terme d’exportation vis-à-vis de ces pays, elle le doit aussi à la confiance qui s’est instaurée, mais la crainte est de perdre ces marchés, compte tenu des réglementations françaises existantes… Tout le monde autour de la table était d’accord pour constater que l’Etat n’est pas assez partie prenante en la matière et n’intervient pas beaucoup, si ce n’est pour inventer à chaque fois de nouvelles normes, alors que le marché des céréales représente tout de même avec plus de 10 milliards €, près de la moitié de l’industrie aéronautique, trop souvent seule à être citée en exemple… !»[i]

[G]- D’autres atouts ont été évoqués?[g]
[I]«Oui, comme la variabilité de productivité, très faible en France par rapport à tous ses concurrents sur le marché mondial. Grace notamment au climat, notre pays connaît une variabilité de rendement de 26 %, là où des pays comme les Etats-Unis en sont à 41 %. Ailleurs, c’est encore pire, de l’ordre de 73 % pour l’Australie, voire 120 % pour l’Ukraine ou la Russie ! Stratégiquement, nous sommes bien placés également, avec des ports à la fois ouverts sur la Méditerranée et l’Atlantique. Une situation que nous envie notre voisin allemand. Aujourd’hui, le Bassin Méditerranéen et l’Afrique sub Saharienne représentent plus de 85 % de notre marché à l’export. L’Afrique, compte tenu de notre proximité sera le marché de demain, avec une classe moyenne qui doublera dans les vingt années à venir et il est indispensable qu’on ne se coupe pas de ce marché. Un marché d’ailleurs très convoité par les Etats-Unis ou l’Amérique du Sud…»[i]

[G]- Qu’avez-vous retenu de la seconde table ronde sur le thème de «l’innovation au coeur de la bioperformance» ?[g]
[G]«Plusieurs idées se sont dégagées du débat, notamment le fait que la recherche génétique va de plus en plus vite et que la question des OGM est bien souvent l’arbre qui cache la forêt. Beaucoup d’autres choses peuvent être menées en dehors de ces OGM toujours mis en exergue, au détriment de la recherche en général. A travers les témoignages des représentants d’Arvalis ou John Deere, il a été rappelé toutes les techniques innovantes mises en places ces dernières années, que ce soit par le biais du suivi des parcelles par satellite ou des outils d’aide à la décision.
L’idée générale étant que l’innovation n’allait pas permettre de gagner des rendements supplémentaires, mais plutôt d’essayer d’adapter encore plus les plantes à leur milieu, afin que globalement on ait une augmentation de la production. L’exemple de plantes résistantes à la sécheresse a été cité, une manière, même pour un pays comme la France, d’améliorer dans le futur ses potentiels, y compris dans certaines zones aujourd’hui défavorisées…
N’oublions pas qu’à l’horizon 2030, il y aura 8,5 milliards d’êtres humains à nourrir sur terre, d’autant que les deux tiers vivront en ville…»[g]

[G]- Justement, Philippe Pinta, le président de l’AGPB cite ces chiffres dans le plan « Ambitions Céréales 2030 » présenté lors de ce colloque, mais comment y parvenir ?[g]
[I]«Il a été rappelé par les participants à la table ronde qu’il n’y aurait pas une solution, mais un ensemble de solutions et la recherche en fait partie. Connaissance du génome, sélection assistée par des marqueurs, biotechnologie sont autant de clés pour gagner du rendement demain et les OGM ne sont que l’un des moyens pour y parvenir. Les Américains ont à ce propos une approche plus pragmatique que nous, là où nous on ouvre le parapluie ! Peut-être y a t-il un juste milieu à trouver entre les deux ? Par contre, ce qui nous tue, c’est qu’à force d’ouvrir le parapluie, on a fait peur aux gens et maintenant, on ne peut plus évoluer…»[i]

[G]- Les atouts de la méthanisation ont également été évoqués dans ce plan, une énergie renouvelable qui semble aujourd’hui prendre le pas sur le photovoltaïque…[g]
[I]«L’intérêt est économique car là où produisez 1 kW d’électricité avec 1 kW de solaire, le rapport est de 2,3 kW produits pour 1 kW d’éolien et de 7 kW d’électricité produite pour 1kW d’énergie carbone introduite en cas de système de méthanisation. Le problème est que les gens sont parfois incohérents : tout le monde veut de l’énergie propre, mais pas chez eux ! Dès qu’un projet voit le jour, on a tout de suite un collectif qui se met en place en face pour le dénoncer ! La méthanisation peut aussi être un atout demain, pour le monde de l’élevage, à condition toutefois qu’on puisse évoluer vers des systèmes où l’on pourra introduire des cultures dans, les méthaniseurs, car pour l’instant, c’est plus ou moins interdit. N’oublions pas que l’élevage, gros consommateur de céréales, particulièrement en filières avicole et porcine, représente pour nous céréaliers, près de 50 % de nos débouchés français et européens»[i]

[G]- Parmi les 12 défis présentés dans le plan «Ambitions Céréales 2013», celui de construire un système hiérarchisé d’assurances à la diversité des risques…[g]
[I]«L’ouverture des marchés a fait que la volatilité des prix est une chose avec laquelle il va falloir s’habituer à vivre et là aussi, on attend que les pouvoirs publics viennent en appui. On est en train d’essayer de créer des systèmes assurantiels, mais si l’Etat ne met pas son nez dedans, ça ne marchera jamais ! Le système mis en place aux Etats-Unis est un système assurantiel qui coute aussi cher que la Pac, à la différence que l’Etat, au lieu de verser des aides directes comme en Europe, intervient au coup par coup. L’année où ça va mal, le budget explose, quand ça va bien, il n’y a pas de budget. Et ça en Europe, on ne sait pas faire ! D’où l’importance à ce que nos pouvoirs publics lâchent du lest sur le système assurantiel et assouplissent les règles, afin que les agriculteurs puissent convertir les aides linéaires qu’ils touchent, en aides assurantielles indexées sur les mouvements des marchés… Il faut être capable de s’adapter très vite et cela fait parte des challenges de demain car le phénomène de volatilité, lui, ne fera que s’accentuer !»[i]