Qui l'eût cru ?
Les prix de la viande charolaise approchent désormais la barre des 7 euros/kg. Nous avons échangé avec le président du pôle élevage de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or.
Une voiture blanche qui débarque à l'improviste dans votre cour de ferme : non, ce n'est pas toujours un commercial qui essaye de vous vendre quelque chose ! Mardi 2 septembre, notre Clio venait plutôt annoncer une bonne nouvelle, en l'occurence une rentrée d'argent. Et c'est sur l'exploitation de Christophe Lechenault que nous nous sommes arrêtés. L'éleveur n'était pas encore au courant : pour la première fois de l'histoire, les cours des vaches et génisses charolaises venaient d'atteindre les 7 euros/kg. Très fluctuants, ces tarifs ne seront peut-être plus à ce niveau le jour de la sortie de ce journal, mais cet « événement » valait tout de même le détour, un petit article et un entretien avec le président de la commission élevage de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or.
La peur de la filière ?
« Je ne regarde pas les cours au jour le jour, vous me l'apprenez », répond Christophe Lechenault, avant de poursuivre : « bon, il faut retirer 10 à 15 centimes à ces 7 euros avec les entrées d'abattoir ou les marchés, mais c'est une très bonne chose tout de même... Sept euros : nous prenons ! ». Ce niveau de prix était absolument inimaginable il y a encore quelques temps, reconnaît notre interlocuteur : « il y a environ trois ans, certains de mes contacts me disaient que les prix allaient monter un jour à 6 euros/kg. Pour être honnête, je ne les avais pas pris au sérieux, pour parler poliment... Finalement, ils avaient bien raison et l'augmentation s'est même poursuivie depuis. Comment l'expliquer ? Ce n'est pas simple, nous ne maîtrisons pas grand chose. Il y a beaucoup moins de bovins et avec cette raréfaction de l'offre, à mon avis, la filière a peur de ne plus pouvoir faire tourner ses outils. Plus d'une centaine d'entreprises qui travaillent la viande auraient déjà mis la clé sous la porte en France, depuis le début d'année. En ce moment, il s'abat 55 000 bovins par semaine en France, dans toutes les catégories. Il y a cinq ou six ans, il y en avait 65 000... Nous avons donc perdu 10 000 animaux chaque semaine, c'est énorme. Les personnes et organismes concernés mettent donc le prix en face. Il est regrettable d'avoir attendu autant pour réagir et proposer quelque chose de correct aux producteurs. Car des éleveurs, nous en avons perdu beaucoup ! Rien que dans l'année écoulée, encore 2,5% du cheptel allaitant français a disparu, cela s'ajoute à toutes les pertes importantes de ces dernières campagnes. Dans les échos que j'ai eus, l'offre va continuer à baisser pendant au moins quatre à cinq ans à cause de la décapitalisation, mais aussi en raison des ravages de la FCO et des problèmes de transmission. En effet, il n'est pas si simple d'installer des jeunes. Éleveur est un métier technique et un métier de passion, qui demande beaucoup de disponibilités ».
Comment l'expliquer ?
Un point interroge « énormément » Christophe Lechenault : « les prix de vente aux consommateurs ont augmenté aussi, mais moins que chez nous, pas dans les mêmes proportions : c'est la preuve qu'il y avait moyen de mieux nous rémunérer, bien avant... Que s'est-il passé en interne ? Leurs marges ont-elles été réduites, ont-il trouvé des économies d'échelle ou certaines personnes ont-elles trop profité de nous à l'époque ? Encore une fois, pourquoi ne pas avoir agit avant ? ». L'élu de la Chambre d'agriculture a une pensée pour les exploitations de polyculture-élevage : « la viande va permettre de compenser, au moins en partie, la part des céréales qui ont aujourd'hui des prix inacceptables. Cela dit, dans tous les cas, même si nous atteignons les 7 euros/kg sur la durée, ce n'est pas une raison pour faire n'importe quoi sur nos fermes respectives. Nous gérons des entreprises et rien n'est acquis d'avance, il faut toujours opérer en bon gestionnaire et se remettre constamment en question. Cette montée des cours était de toute façon obligatoire avec l'envolée des charges que nous subissons. À ce titre, il ne faut pas qu'ils diminuent ».
Des problèmes persistent
Mêmes si ces prix « font plaisir et motivent », ils ne laissent place à aucune euphorie selon Christophe Lechenault, citant des problèmes en lien avec le sanitaire et la météo : « en élevage, les feux ne sont jamais tous au vert, la situation actuelle l'illustre une nouvelle fois. Là, nous sortons d'une sécheresse compliquée avec des affouragements coûteux en argent, en temps et en énergie. Aussi et surtout, il y a toutes ces maladies : FCO, MHE et maintenant dermatose. La FCO a fait beaucoup de mal et les éleveurs ont peur de retrouver des vaches vides. La dermatose nodulaire, elle plane dans la tête des éleveurs... Il n'y a rien de pire que d'abattre son cheptel chez soi. Oui, les animaux sont abattus dans les fermes pour éviter que les insectes responsables de la maladie circulent eux aussi. Au niveau psychologique, c'est tout simplement catastrophique, sachant qu'en Côte-d'Or, il y a déjà de tristes cas vécus avec la tuberculose. En plus, avec la dermatose, la viande n'est pas consommée. Allez expliquer ça à un éleveur.... ».