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Interview

Questions d’actualité avec le président de la FNSEA

Présent à l’Assemblée générale de la coopérative Cavap ce vendredi, le président de la FNSEA, Xavier Beulin, s’est exprimé à l’occasion d’un interview sur quelques points d’actualité touchant le monde agricole
Par propos recueillis par Dominique Bernerd
Questions d’actualité avec le président de la FNSEA
Le président de la FNSEA était l’invité de l’Assemblée générale de la coopérative Cavap, vendredi 27 novembre, à Pont sur Vanne.
- Alors que s’ouvre à Paris ce lundi la COP 21, un sondage fait apparaître que plus de 80% des Français considèrent la façon dont on cultive la terre, comme pouvant avoir un impact sur le changement climatique.
«On ne peut pas le nier. Maintenant, j’ai coutume de dire que si l’agriculture a ses responsabilités, elle est à la fois victime du réchauffement, tout en étant aussi l’une des solutions. L’enjeu bien sûr, c’est d’avoir les bonnes expertises et surtout, les capacités à faire évoluer les agricultures, ce qui est d’ailleurs le cas depuis un certain nombre d’années maintenant. Je crois quand même beaucoup aux nouvelles technologies, pour nous permettre de plus en plus d’optimiser ce rapport entre l’économie, l’environnement et la nécessité de continuer à produire, dans un pays comme le nôtre, avec de la qualité et de la diversité».

- De l’aveu même du ministre Le Foll : «l’agriculture et la forêt sont une des solutions climatiques».
«Oui et c’est plutôt bien. Cela dit, il ne faut pas nier que l’agriculture reste en même temps un puit de carbone avant tout. Le ministre a lancé une initiative appelée le «4 pour 1000 » (ndlr : selon les scientifiques, l’augmentation annuelle de 0,4 % de la séquestration du carbone dans les sols, permettrait à l’horizon 2030, la compensation totale des gaz à effets de serre). Il ne faut pas que cela reste un slogan, mais que derrière on soit très pragmatique… On ne mesure peut-être pas encore assez toute l’importance de l’arrivée de l’informatique embarquée, du robotique, du numérique, notamment au travers du projet de plateforme nationale «Big Data» agricole et alimentaire, pour justement, éviter qu’on ne se fasse «capter» nos propres données, mais au contraire les rendre utiles à la connaissance commune».

- Il semblerait que le gouvernement rencontre quelques difficultés dans la mise en œuvre du plan d’urgence, notamment en ce qui concerne «l’année blanche».
«Concernant «l’année blanche», Manuel Valls s’est engagé pour que l’état apporte sa contribution, tout en attendant des banques qu’elles apportent aussi la leur, d’où ce rappel à l’ordre le 23 novembre dernier. Ce qui a été acté quand même et ça devrait être circularisé auprès des préfets, peut-être même est-ce déjà fait au moment où on se parle, c’est une clarification sur les ayant droits. Car s’il existe bien un ratio d’éligibilité, on ne savait pas jusque là si c’était toute l’annuité qui pouvait être portée par le dispositif ou en partie seulement. Ce sera bien les deux et c’est important, c’est-à-dire que même un agriculteur ayant la possibilité de rembourser une partie mais pas le reste, sera accessible à l’année blanche. Reste qu’après, cela relève toujours d’une discussion en «be to be» avec son banquier pour savoir ce qui est préférable entre un report en fin de tableau, une refonte du tableau d’investissement ou éventuellement un nouveau prêt pour reconsolider l’ensemble».

- Autre sujet d’actualité, concernant directement un département viticole comme l’Yonne : l’adoption par les députés, de la distinction entre information et publicité, dans le cadre de la Loi évin.
«On prêchait depuis longtemps sur le sujet… Il est quand même assez paradoxal dans ce pays de voir vantés sans cesse nos exploits à l’exportation, nos produits qu’on souhaite voir sur toutes les tables du monde et en même temps, être les premiers à se tirer une balle dans le pied ! Ce n’était pas très sérieux… Reste le problème des paquets de cigarettes neutres. Pourquoi sommes nous concernés ? Parce que nous avons la crainte de passer demain, pourquoi pas, du paquet neutre à la bouteille neutre, sous la pression des producteurs de tabac. Ils sont vent debout contre la position française, considérant qu’une fois de plus, elle va plus loin que la réglementation européenne et par mesure de rétorsion et sont en train de se coaliser pour réclamer réparation. Laquelle réparation pourrait passer par l’exigence d’une bouteille à l’étiquette neutre».

- Comment jugez-vous la façon dont a été gérée la crise FCO ?
«Il est toujours facile de critiquer après coup. Il est clair qu’on n’avait pas forcément les vaccins disponibles. Par contre, ce qui a été plutôt bien géré, c’est la relation entre l’administration et la profession, avec une volonté réelle de cibler la disponibilité des vaccins là où il fallait vraiment taper fort, notamment au sein de ce grand massif d’élevage qui déborde d’ailleurs jusque dans l’Yonne, afin de pouvoir refaire de l’export dans des conditions à peu près acceptables. Il y a du retard sur les enlèvements, on ne peut le nier, mais en même temps, je trouve qu’il y a eu beaucoup de responsabilité de part et d’autre, dans un contexte difficile à gérer quand même».

- Appelé Tafta par les uns, TTIP par les autres, le projet d’accord commercial entre les états-Unis et l’Europe ne semble pas soulever les passions, notamment dans la sphère agricole.
«Pour ma part, j’en parle partout où je vais… Tout le monde est en train de se convaincre, notamment chez les dirigeants politiques, que ce n’est pas pour tout de suite, qu’il faudra du temps, etc, mais pendant ce temps ; l’accord trans-pacifique lui a avancé… Là où nous devons nous montrer vigilants, c’est sur le contenu de ces accords : nous y avons à la fois des intérêts offensifs, avec les produits laitiers, mais aussi défensifs, pour tout ce qui est viande bovine, AOP, IGP… Avec la difficulté, il ne faut pas le nier, d’avoir d’un côté les états-Unis qui s’expriment d’une seule voix, là où apparaissent des contreverses au sein de l’Europe entre pays du Sud et du Nord. Le débat n’est pas que commercial, mais porte aussi sur les normes, la question étant de savoir si on est prêt demain à se plier à certaines règles anglo-saxonnes ou américaines, qui à nos yeux ne sont pas la panacée, loin de là».