Coopérative 110 Bourgogne
Quelle place pour l’agriculture dans la nouvelle économie mondiale ?
C’est dans une salle comble d’Auxerrexpo que s’est déroulée l’assemblée générale de la coopérative 110 Bourgogne, avec pour invité cette année, l’économiste Philippe Dessertine, venu évoquer la place de l’agriculture dans la nouvelle économie mondiale.
Si la collecte 2014 se traduit par une augmentation des volumes de 8,5 %, elle restera surtout dans l’histoire de la coopérative comme celle de tous les dangers, marquée par une qualité fortement dégradée, avec près de 70 % des blés classés fourragers suite au phénomène de germination sur pied apparu début juillet : «un niveau jamais atteint dans l’Yonne», selon son directeur, Jean-Marc Krebs. Un chiffre résume à lui seul le phénomène : plus de 50 000 tonnes de céréales transférées, à destination notamment du silo Capserval de Gron, pour passage sur une table densimétrique, afin de tenter de sauvegarder la commercialisation de l’exercice, contre 2 500 tonnes en 2013. Un effort payant, avec à la clé, «30 € de la tonne, sauvés pour la valorisation».
Autres chiffres marquants de l’exercice 2014/2015 : l’activité approvisionnement, en recul de 3,9 %, ainsi qu’une production de semences en baisse de 11 % par rapport à la dernière campagne. Avec pour conséquence une diminution du chiffre d’affaires global de la coopérative, à un peu plus de 147 millions €. Le résultat net se maintient toutefois à 1,02 M€ et le résultat consolidé à 1,53 M€. La dégradation des trésoreries sur les exploitations se traduisant pour 110 Bourgogne, explique son président, Gérard Delagneau, «par une augmentation des comptes courants débiteurs de 2,6 M€ et une diminution des comptes créditeurs de 2,7 M€» insistant dans le même temps sur la solidité financière de la coopérative, «avec une capacité d’autofinancement s’élevant à plus de 5 millions € et une autonomie financière à 80 %».
Le dernier exercice aura vu également le développement des cultures de chanvre, en partenariat avec l’opérateur Eurochanvre, porte ouverte sur de nouveaux débouchés comme le marché automobile. Autre culture appelée à se développer sur le territoire de la coopérative : le lin, synonyme de bénéfice environnemental pour les agriculteurs et d’apport nutritionnel positif pour la santé des consommateurs, au travers de la filière «Bleu, Blanc Cœur». L’Assemblée générale aura également été l’occasion pour le président Delagneau, de rappeler la stratégie décidée par le Conseil d’administration de la coopérative : «construire des alliances fortes pour accroître nos capacités de négociations et améliorer la compétitivité de nos offres, en continuant de développer l’union SeineYonne, qui a la capacité et la volonté d’accueillir d’autres coopératives» Avec cet appel lancé à destination du président de Cerepy, Laurent Poncelet : «Laurent, tu sais que les portes te sont grandes ouvertes pour t’accueillir demain !» Nul doute que le sujet sera évoqué lors de l’AG de la coopérative de Saint-Julien-du-Sault, le 11 décembre prochain, avec en perspective, la possibilité d’un nouveau dessin du paysage céréalier icaunais.
Apple, première entreprise mondiale, avec 600 milliards $
Economiste de renom, professeur à la Sorbonne, Philippe Desserti était l’invité de cette assemblée générale, pour une conférence sur la nouvelle économie mondiale et la manière dont l’agriculture pouvait y tenir demain une place privilégiée. Usant dans son discours de métaphores météorologiques : «cela fait longtemps que l’on vous parle de mauvais temps économique et là, surprise ! Nous avons finalement une carte avec un beau temps relatif. Beau temps pour le week-end, ça fait plutôt plaisir» Deux raisons à cela, ou plutôt, «deux anticyclones extraordinaires» : la baisse des prix de l’énergie et l’action des banques centrales occidentales. Ce contrechoc pétrolier, en référence aux chocs énergétiques de 1973 et 1979, n’est pas sans conséquence, en particulier pour les pays producteurs de pétrole : «à moins de 50 $ le baril, on parle même dans les années qui viennent, à moins de 30 $, c’est une véritable catastrophe pour certains pays, comme la Russie, qui ne tient même pas à 80 $ le baril, ses prévisions les plus pessimistes ne descendant pas en-dessous des 85 $» Problème majeur également au Moyen Orient, où pour la première fois de son histoire l’Arabie Saoudite a découvert ce qu’était un déficit public : «même avec 600 milliards de réserve, 30 milliards de déficit public, ce n’est pas rien !» Avec à la clé des réactions géopolitiques et des risques de déstabilisation : «se pose aujourd’hui la question de savoir si, pour la tranquillité du monde, il ne sera pas nécessaire et peut-être assez vite, que nous perdions l’avantage de ces prix de l’énergie très bas».
La situation de l’économie mondiale, rappelle Philippe Desserti, «est singulière et incroyablement artificielle, avec des Banques Centrales jouant le rôle de canadairs et passant tous les mois pour déverser 60 milliards de liquidités sur l’économie européenne» Une situation qui conduit à des taux d’emprunt négatifs pour certains pays : «on vous paie pour emprunter ! Il faut que ça s’arrête, même si la fin de cet «anticyclone» occasionnera quelques orages rigoureux» Un regain d’optimisme toutefois, avec l’émergence d’un nouveau monde : «Quelle est aujourd’hui la plus grande entreprise du monde ? Apple, née en 1978, qui pèse 600 milliards $, avec plus de 200 milliards $ de cash de trésorerie ! Là où en France, Air France vaut 1,5 milliard $, Dassault, 14 milliards $ et Airbus, 45 milliards $ !» Avec à la base du développement de ce nouveau modèle économique, «la question du progrès technologique et l’accélération de la science, présente aujourd’hui partout, qu’il nous faut convertir au plus vite en entreprises pour y concentrer l’épargne et l’investissement».
Redonner le goût du risque
Biotechnologie, numérique, énergie…Il manque un 4e secteur selon le conférencier, à la conférence COP 21 : «un secteur clé, qui est celui de l’agriculture et de l’exploitation des océans : le vert et le bleu, quatrième grand moteur de révolution du nouveau modèle». Se refusant à voir l’agriculture française dépassée désormais par l’Allemagne, devenue première agriculture européenne : «notre agriculture se meurt avant tout parce qu’elle n’est pas projetée par son environnement et par la collectivité française, à l’intérieur du nouveau modèle. L’agriculture mondiale sera logiquement la destination première de l’investissement privé de demain, avec ce problème pour l’agriculture européenne, d’une remise en cause d’un système de fonctionnement basé sur de l’argent public». Réclamant dans le même temps que «la question de la Pac ne soit plus taboue dans la réflexion que peuvent avoir les agriculteurs aujourd’hui» et appelant les plus jeunes d’entre eux à se mobiliser : «il faut leur redonner le goût du risque, qui est l’ADN de la jeunesse, après avoir été pendant des siècles, celui de la France. On peut se féliciter d’une bonne démographie, mais elle ne sert à rien si nos jeunes sont vieux !» Mais rien ne se fera sans un allégement de la réglementation : «savez-vous qu’en France, les règlementations appliquées à partir des directives européennes, vont utiliser dans l’élaboration des fichiers Word correspondants, neuf fois plus de caractères que dans le reste de l’Europe !» Pas de pétrole en France, mais assurément encore beaucoup de papier en stock!
Autres chiffres marquants de l’exercice 2014/2015 : l’activité approvisionnement, en recul de 3,9 %, ainsi qu’une production de semences en baisse de 11 % par rapport à la dernière campagne. Avec pour conséquence une diminution du chiffre d’affaires global de la coopérative, à un peu plus de 147 millions €. Le résultat net se maintient toutefois à 1,02 M€ et le résultat consolidé à 1,53 M€. La dégradation des trésoreries sur les exploitations se traduisant pour 110 Bourgogne, explique son président, Gérard Delagneau, «par une augmentation des comptes courants débiteurs de 2,6 M€ et une diminution des comptes créditeurs de 2,7 M€» insistant dans le même temps sur la solidité financière de la coopérative, «avec une capacité d’autofinancement s’élevant à plus de 5 millions € et une autonomie financière à 80 %».
Le dernier exercice aura vu également le développement des cultures de chanvre, en partenariat avec l’opérateur Eurochanvre, porte ouverte sur de nouveaux débouchés comme le marché automobile. Autre culture appelée à se développer sur le territoire de la coopérative : le lin, synonyme de bénéfice environnemental pour les agriculteurs et d’apport nutritionnel positif pour la santé des consommateurs, au travers de la filière «Bleu, Blanc Cœur». L’Assemblée générale aura également été l’occasion pour le président Delagneau, de rappeler la stratégie décidée par le Conseil d’administration de la coopérative : «construire des alliances fortes pour accroître nos capacités de négociations et améliorer la compétitivité de nos offres, en continuant de développer l’union SeineYonne, qui a la capacité et la volonté d’accueillir d’autres coopératives» Avec cet appel lancé à destination du président de Cerepy, Laurent Poncelet : «Laurent, tu sais que les portes te sont grandes ouvertes pour t’accueillir demain !» Nul doute que le sujet sera évoqué lors de l’AG de la coopérative de Saint-Julien-du-Sault, le 11 décembre prochain, avec en perspective, la possibilité d’un nouveau dessin du paysage céréalier icaunais.
Apple, première entreprise mondiale, avec 600 milliards $
Economiste de renom, professeur à la Sorbonne, Philippe Desserti était l’invité de cette assemblée générale, pour une conférence sur la nouvelle économie mondiale et la manière dont l’agriculture pouvait y tenir demain une place privilégiée. Usant dans son discours de métaphores météorologiques : «cela fait longtemps que l’on vous parle de mauvais temps économique et là, surprise ! Nous avons finalement une carte avec un beau temps relatif. Beau temps pour le week-end, ça fait plutôt plaisir» Deux raisons à cela, ou plutôt, «deux anticyclones extraordinaires» : la baisse des prix de l’énergie et l’action des banques centrales occidentales. Ce contrechoc pétrolier, en référence aux chocs énergétiques de 1973 et 1979, n’est pas sans conséquence, en particulier pour les pays producteurs de pétrole : «à moins de 50 $ le baril, on parle même dans les années qui viennent, à moins de 30 $, c’est une véritable catastrophe pour certains pays, comme la Russie, qui ne tient même pas à 80 $ le baril, ses prévisions les plus pessimistes ne descendant pas en-dessous des 85 $» Problème majeur également au Moyen Orient, où pour la première fois de son histoire l’Arabie Saoudite a découvert ce qu’était un déficit public : «même avec 600 milliards de réserve, 30 milliards de déficit public, ce n’est pas rien !» Avec à la clé des réactions géopolitiques et des risques de déstabilisation : «se pose aujourd’hui la question de savoir si, pour la tranquillité du monde, il ne sera pas nécessaire et peut-être assez vite, que nous perdions l’avantage de ces prix de l’énergie très bas».
La situation de l’économie mondiale, rappelle Philippe Desserti, «est singulière et incroyablement artificielle, avec des Banques Centrales jouant le rôle de canadairs et passant tous les mois pour déverser 60 milliards de liquidités sur l’économie européenne» Une situation qui conduit à des taux d’emprunt négatifs pour certains pays : «on vous paie pour emprunter ! Il faut que ça s’arrête, même si la fin de cet «anticyclone» occasionnera quelques orages rigoureux» Un regain d’optimisme toutefois, avec l’émergence d’un nouveau monde : «Quelle est aujourd’hui la plus grande entreprise du monde ? Apple, née en 1978, qui pèse 600 milliards $, avec plus de 200 milliards $ de cash de trésorerie ! Là où en France, Air France vaut 1,5 milliard $, Dassault, 14 milliards $ et Airbus, 45 milliards $ !» Avec à la base du développement de ce nouveau modèle économique, «la question du progrès technologique et l’accélération de la science, présente aujourd’hui partout, qu’il nous faut convertir au plus vite en entreprises pour y concentrer l’épargne et l’investissement».
Redonner le goût du risque
Biotechnologie, numérique, énergie…Il manque un 4e secteur selon le conférencier, à la conférence COP 21 : «un secteur clé, qui est celui de l’agriculture et de l’exploitation des océans : le vert et le bleu, quatrième grand moteur de révolution du nouveau modèle». Se refusant à voir l’agriculture française dépassée désormais par l’Allemagne, devenue première agriculture européenne : «notre agriculture se meurt avant tout parce qu’elle n’est pas projetée par son environnement et par la collectivité française, à l’intérieur du nouveau modèle. L’agriculture mondiale sera logiquement la destination première de l’investissement privé de demain, avec ce problème pour l’agriculture européenne, d’une remise en cause d’un système de fonctionnement basé sur de l’argent public». Réclamant dans le même temps que «la question de la Pac ne soit plus taboue dans la réflexion que peuvent avoir les agriculteurs aujourd’hui» et appelant les plus jeunes d’entre eux à se mobiliser : «il faut leur redonner le goût du risque, qui est l’ADN de la jeunesse, après avoir été pendant des siècles, celui de la France. On peut se féliciter d’une bonne démographie, mais elle ne sert à rien si nos jeunes sont vieux !» Mais rien ne se fera sans un allégement de la réglementation : «savez-vous qu’en France, les règlementations appliquées à partir des directives européennes, vont utiliser dans l’élaboration des fichiers Word correspondants, neuf fois plus de caractères que dans le reste de l’Europe !» Pas de pétrole en France, mais assurément encore beaucoup de papier en stock!