Quel bilan, après quatre années d'utilisation ?
Christophe Monot, agriculteur à Marsannay-le-Bois, nous accueille vers ses méthaniseurs, opérationnels depuis 2021.

En arrivant sur le site, nous pensons forcément à Fabrice Genin. Disparu fin 2024, l'ancien président de la FDSEA et de l'association des producteurs de graines de moutarde travaillait là. Il s'était beaucoup donné dans la réflexion et la mise en place de cette unité de méthanisation, d'une capacité d'injection de 135 Nm3/h, couvrant les besoins en gaz de plus de 5 000 habitations.
Des aléas
Alors cette métha ? Quel bilan depuis avril 2021, date de la mise en route de la structure ? La question a été posée à Christophe Monot, l'un des associés du Gaec MLGG, à qui nous avons demandé de nous donner « une note » en guise d'évaluation. L'homme de 54 ans réfléchit quelques instants avant de livrer un « 14 sur 20 » : « Il manque six points, oui, c'est à cause des aléas que nous avons connus. Le Covid est passé par là… Tout ce qui touche au poste d'entretien, avec la maintenance et les pièces détachées, a pris 25 % par rapport à ce que nous avions prévu dans notre business plan. La crise de l'électricité n'était pas prévue non plus, elle a des conséquences sur le fonctionnement et la rentabilité de notre structure… Durant les trois premières années, nos prix étaient bloqués, il n'y avait pas de problème, mais nous avons été obligés de renégocier le contrat… La note a été très salée avec une augmentation annuelle de 100 000 euros ! ». Des panneaux solaires ont été installés récemment sur le site : « il n'y avait pas d'intérêt à en poser jusqu'à présent, car nous achetions l’électricité à des prix de gros et nous étions en dessous des coûts de production du solaire. La donne a donc changé. Ces panneaux ne couvrent bien sûr pas tous nos besoins… Pour les nouvelles négociations du prix de l'électricité, j'ai bien peur que les nouvelles heures creuses soient transférées l'après-midi, quand l'éolien et le solaire tournent à plein régime. Forcément, ce ne serait pas le plus intéressant pour nous, il n'est donc pas dit que nous fassions des économies ».
Du boulot, mais c'était prévu
Concernant la main-d’œuvre, tout est à peu près dans les clous. Trente tonnes d'ensilage de Cive (principalement du seigle) sont incorporées chaque jour dans les méthaniseurs. « Quand tout se passe bien, deux heures quotidiennes suffisent, mais il faut y ajouter de la surveillance. Il doit toujours y avoir quelqu'un à moins de 15-20 minutes du site, pour pouvoir intervenir en cas d'urgence. Il y a aussi tout ce qui touche à l’administratif : une traçabilité est mise en place, ce qui entre et sort d'ici est noté quelque part », informe Christophe Monot. Le plus chronophage, dans l'affaire, est sans doute les travaux dans les champs, avec les ensilages et les épandages : « nous avons fait le choix d'être un maximum indépendants pour ces interventions. Cela nous prend donc beaucoup de temps mais c'est assumé. Nous ne faisons appel à aucune entreprise extérieure ou presque. Pour toutes ces raisons, il est difficile de chiffrer la main-d’œuvre nécessaire pour faire tourner cette unité. Avant la mise en route de celle-ci, nous avions tablé sur deux équivalents temps plein toute l'année : il ne faut pas moins que cela. Nous avons la chance d'être nombreux et bien organisés : ce type de projet, il ne faut pas le mener seul, c'est certain. Et cela va sans dire : c'est un tout autre métier pour chacun d'entre nous ! ».
Ça produit
L'une des plus grandes satisfactions du Gaec MLGG concerne la production. Oui, l'unité produit du gaz et ce, dans des proportions tout à fait conformes à ce qui était initialement prévu. « Il n'y a pas eu de mauvaises surprises de ce côté-là, c'est bien », confirme Christophe Monot, alors que plusieurs impasses techniques et/ou biologiques sont parfois rencontrées en méthanisation. « Cette production est rassurante en tous points, notamment vis-à-vis du banquier quand nous remboursons les prêts tous les mois. Nous avons tout de même eu une peur bleue au moment du covid avec un gros problème au niveau du raccordement, mais celui-ci n'a finalement pas eu de conséquences », ajoute Christophe Monot. Une autre satisfaction vient du digestat : « celui-ci est intégralement valorisé, il est utilisé sur environ un tiers de nos 1000 ha de grandes cultures. Cette méthanisation, c'est un peu notre élevage, nous qui sommes 100 % producteurs céréaliers à la base. Nous obtenons l'équilibre d'une ferme de polyculture-élevage, c'est ce que nous recherchions ». Les économies en engrais sont évaluées à 80 000 euros par an, comme cela était indiqué dans le business plan. Des études sont actuellement menées avec Arvalis et la Chambre d'agriculture pour évaluer les bénéfices agronomiques du digestat. « Il nous faudra un peu plus de recul pour sortir des résultats fiables mais pour l'instant, c'est très prometteur », commente l'exploitant.
Pas toujours simple
Christophe Monot souhaitait terminer cette rencontre sur une note positive, mais un petit oubli lui en a empêché : « dans votre article, nous faisons le bilan de quatre années d'utilisation. Cet état des lieux serait incomplet si nous ne faisions pas allusion à toutes les difficultés réglementaires que nous rencontrons, notamment avec l'État… Dès la mise en route, en 2021, les problèmes ont débuté. De nouvelles normes sont arrivées moins de deux mois après le démarrage… Nous sommes en train de lancer un audit pour être certains d'être dans les clous. L'aspect réglementaire n'est pas toujours simple à interpréter, chaque Dreal pouvant interpréter des règles nationales pas toujours très précises. Et c'est plus qu'une anecdote : la semaine où Fabrice est parti, nous avons eu un contrôle fiscal sur la méthanisation. Malgré ces circonstances plus qu'atténuantes, il n'avait pas été possible de décaler… ».