Que faire en présence d’ergot ?
Des « grains noirs » dans les récoltes de céréales ? Ce sont peut-être des sclérotes d’ergot qu’il va falloir gérer.

L’ergot est un champignon produisant des alcaloïdes particulièrement toxiques et représente une préoccupation absolue pour tous les acteurs de la filière céréalière. Rappels des leviers mobilisables et de la conduite à tenir en cas de présence avérée.
Et maintenant, ne pas ergoter…
À la récolte :
• Si des sclérotes d’ergot sont détectés dans les bennes à la moisson : prévenir le collecteur de céréales qui évaluera le lot d’autant que les normes sanitaires ont été renforcées récemment.
• Au silo, procéder à l’échantillonnage de chaque benne livrée, multiplier les points de prélèvements pour réduire l’incertitude associée à la mesure et le risque de prendre une mauvaise décision. L’échantillon analysé doit être d’environ 1 kg pour réduire l’erreur d’échantillonnage.
• Si présence avérée : plusieurs techniques existent pour nettoyer les lots. Un nettoyeur-séparateur bien réglé aura une efficacité partielle et permettra de réduire la teneur en sclérotes de l’ordre de 40 %, tandis que l’utilisation de trieur optique ou de table densimétrique permettra d’éliminer totalement les sclérotes d’un lot de céréales (>95%).
• Pour les lots très contaminés, si l’utilisation de trieur optique ou de table densimétrique n’est pas possible, la méthanisation est un moyen efficace pour valoriser les lots de céréales contaminés par l’ergot sans risque d’infester les parcelles après épandage des digestats.
Au champ après la récolte :
• Réaliser si possible un labour de la parcelle où l’ergot a été identifié cette année pour permettre d’enfouir les sclérotes à plus de 10 cm de profondeur.
• Diversifier sa rotation. C’est un bon moyen de lutte, surtout lorsque le sol n’est pas travaillé (éviter pendant au moins 2 ans d’implanter des céréales à paille sur la parcelle et opter pour des cultures non-hôtes type oléoprotéagineux, luzerne, maïs…).
• Ensuite, travailler avec des semences saines, pour ne pas amener d’autres sclérotes dans le sol de sa parcelle y compris avec les semences de CIVE (avoine, seigle, raygrass…). Pour éviter tout risque de contamination de nouvelles parcelles, ne pas utiliser un lot contaminé par l’ergot pour faire sa semence de ferme.
• Enfin, il est capital de limiter la présence de graminées adventices dans les parcelles et de mobiliser tous les leviers dès cet été pour les limiter (travail du sol, date de semis, désherbage efficace, gestion des bords de champ…).
Pourquoi de l’ergot en 2025 ?
On constate cette année beaucoup d’ergot. En particulier, on observe une présence d’ergot dans de l’orge (ce qui est habituellement plus rare) ainsi qu’une présence d’ergot dans des blés précédent colza dont la gestion du désherbage était maîtrisée en 2024. Quels sont les premiers éléments explicatifs ?
1. Les situations climatiques qui altèrent la fécondation des épis sont favorables au développement de l’ergot : manque de rayonnement et/ou gel autour de méiose, pluie > 40 mm et/ou gel autour de floraison. Cette année, le climat a été globalement peu propice au développement de l’ergot, mais des accidents climatiques ont pu être observés localement. Par exemple, il y a eu des températures minimales inférieures à 4 °C et des pluies à floraison importantes (40-75 mm) dans les secteurs de Châtillon-sur-Seine et Til-Châtel (21).
Par ailleurs, cette année a été marquée par un stress hydrique important durant le printemps, qui a pu être exacerbé par du stress azoté. Les conséquences de ce climat sur la sensibilité à l’ergot de la plante ne sont pas encore clairement établies.
2. L’inoculum d’ergot dans le sol a probablement été important à cause des sclérotes tombés au sol à la moisson 2024, année à forte pression également.
3. L’inoculum dans le sol était d’autant plus important dans les situations en non-travail du sol. En effet, en situation d’infestation d’ergot il est conseillé d’enfouir le sclérote à plus de 10 cm dans le sol la première année puis de faire un travail superficiel la deuxième année pour ne pas le remonter à la surface. Le sclérote a en effet une viabilité moyenne de deux ans dans le sol (source Arvalis 2010-2013).
4. Les contaminations peuvent également venir des semences (de ferme ou certifiées) si le tri n’a pas été 100 % efficace.
5. Bien que le désherbage fût globalement bien maîtrisé cette année, la présence de vulpins et de ray-grass qui sont des graminées adventices sensibles à l’ergot est une source de relais et de propagation de l’ergot dans les parcelles de céréales. Ces contaminations par les graminées sauvages sont d’autant plus importantes en bords de champs / bois.
6. De manière plus anecdotique :
a. La présence de cécidomyies favorise également le développement de l’ergot. En effet, en se déplaçant de fleur en fleur, la cécidomyie va propager les spores d’ergot.
b. Une phytotoxicité peut entrainer une dégradation de la fertilité des épis, porte d’entrée pour l’ergot.
c. Les passages de roues peuvent créer un « couloir de vent » qui favorise la propagation des spores.
Un champignon dangereux…
L’ergot est un champignon dangereux par les toxines qu’il produit et soumis à réglementation.
Si l’ergot ne porte pas préjudice aux rendements, ce champignon est extrêmement néfaste vis-à-vis de la qualité des lots parce qu’il produit des alcaloïdes toxiques (toxines), dangereux pour les consommateurs à partir d’une certaine quantité et impactant également le bétail.
Des réglementations européennes encadrent la présence de sclérotes et les teneurs en alcaloïdes. À la récolte, la présence d’ergot se matérialise par la présence de grains noirs (sclérotes) mélangés aux grains récoltés qui peuvent provenir de la culture ou des graminées adventices présentes dans les parcelles. Ces sclérotes sont de tailles variables : les plus gros peuvent atteindre 5 cm aux plus petits « micro-sclérotes » qui ont pu passer inaperçus au champ.
Compte tenu de la toxicité des molécules produites par ce champignon, la teneur en ergot est réglementée dans les céréales.
Pour l’alimentation humaine : la limite maximale réglementaire est fixée, pour les sclérotes d’ergot, à 0,2 g/kg pour les céréales brutes (excepté pour le maïs et le riz), y compris pour le seigle (nouveauté depuis le 1er juillet). Cela représente environ 2 à 3 sclérotes par kilogramme de céréale.
Pour l’alimentation animale : la présence de sclérotes dans les lots de céréales ne doit pas dépasser 1 g/kg (Directive européenne 2002/32).
Pour les semences : la réglementation tolère un maximum de 3 sclérotes ou fragments de sclérotes pour 500 g de semences certifiées et 1 sclérote ou fragment de sclérote dans les semences de base (Directive européenne 66/402).
Sur produits transformés, ce règlement prévoit en plus, des teneurs maximales réglementaires pour les alcaloïdes de l’ergot sur les produits céréaliers.
Vidéo // Comment gérer l’ergot
Article rédigé par les partenaires de « Objectif Cultures Propres »
(OCP) Bourgogne Franche - Comté : Diane Chavassieux et Léa Bounhoure (Arvalis), Emmanuel Bonnin (Soufflet Agriculture), Benjamin Foltier (Axereal), Alexandre Lachmann (Bourgogne du Sud), Stéphane Joud (CA39), Emeric Courbet (CA70), Arnaud Pillier (CA21), Damien Derelle (SeineYonne), Romain Flamand (SAS Bresson), Michael Geloen (Terres Inovia), Léa Humbert (Terre Comtoise), Yohann Roblin (Interval), Équipe grandes cultures Chambre d’agriculture de l’Yonne (CA89), Mickael Mimeau (Alliance BFC), Antoine Villard (CA71) et Cédric Zambotto (CA58).