Présidentielle 2022 : les propositions
Europe Écologie Les Verts Benoît Biteau, député européen, représentant de Yannick Jadot
Parmi les grandes lignes du programme d’EELV, on retrouve : la sortie des pesticides d’ici 2035, l’interdiction les élevages en cage d’ici 2030, plus d’élevages qui ne soit pas en plein air. « On peut parvenir à un modèle sans pesticides avec les mêmes rendements et sans augmenter les surfaces. Nous prônons un changement d’approche. Le programme d’EELV soutient le retour à l’agronomie et la mise en œuvre de pratiques agroécologiques qui agrègent des techniques porteuses de solutions. Sur la fin de l’élevage des poules en cage, j’estime qu’il ne faut pas oublier la finalité de la production agricole qui est de produire de la nourriture en phase avec les demandes sociétales. Il va falloir transformer nos modes de consommation. Je ne suis pas favorable à la suppression des activités d’élevage mais il faudra accepter qu’il y en ait moins. Il faut procéder à un redéploiement des politiques publiques en traitant les causes plutôt que les conséquences. Aujourd’hui, on a des produits alimentaires peu cher. C’est lié aux politiques publiques qui financent des solutions curatives face à des pratiques qui impactent les ressources vitales comme l’air ou l’eau. Engageons-nous dans des solutions de prévention qui rémunèrent les acteurs de la ruralité qui prennent soin de l’intérêt commun et des ressources vitales grâce aux paiements pour services écosystémiques. L’agriculture biologique ne doit pas rester un modèle de niche mais une agriculture de masse. Si on est suffisamment ambitieux concernant la rémunération des agriculteurs pour services écosystémiques, il n’y a pas de raison que les produits bios ne soient pas accessibles à tous ».
Les Républicains Pascal Coste, président du Conseil départemental de la Corrèze, représentant de Valérie Pécresse
« Pour Valérie Pécresse, l’agriculture est un projet de société où l’on replace la sécurité et l’autonomie alimentaire au cœur des problématiques des Français. Cette volonté d’indépendance passe par l’arrêt de la décroissance, qui est celle de l’agriculture française aujourd’hui. Un des éléments, qui peut contribuer à avoir du revenu, passe par la simplification administrative. Il nous faut un choc de simplification : c’est une méthode qui va passer en revue tout le stock de complexification administrative et toute la dérive normative. Il y aura 3 piles : tout ce qui est réglementaire sera traité dans les 100 premiers jours, ce qui est du ressort du législatif français passera par une loi en début 2023, et pour le droit européen (NBT…) nous aurons une négociation dans le cadre de l’Union européenne. Nous devons retrouver notre capacité à produire plus et continuer à produire mieux. Le Green Deal : c’est le ministre de l’Agriculture qui a demandé au Parlement européen de voter pour. Seuls les députés LR ne l’ont pas voté. Il se traduit par 12 % de baisse de production et 16 % de baisse de revenu, et de l’alimentation plus cher pour les consommateurs. Sur les NBT (New breeding technologies-nouvelles techniques de sélection végétale) : c’est être en capacité de défendre de principe d’innovation. L’Inrae doit s’orienter vers plus de recherche appliquée. Il faut un choc d’investissement aussi sur les filières, par exemple faire des zones franches pour installer des entreprises agroalimentaires. On ne croit pas trop à la loi Égalim : la méthode de Valérie Pécresse est de faire aussi confiance aux corps intermédiaires. Surtout garder l’élevage et investir sur des méthaniseurs. Ne pas arrêter le glyphosate. Le zéro phyto ce n’est pas réaliste à ce stade ».
La République en Marche Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, représentant d’Emmanuel Macron
« La vision politique c’est la souveraineté alimentaire. L’agroécologie, par exemple, n’est pas une vision politique, c’est un moyen nécessaire. Ce serait folie de déléguer à d’autres notre capacité à nous nourrir. Il faut consolider cette reconquête de la souveraineté et cela passe par cinq grands enjeux. Le premier, c’est celui de la rémunération : c’est la mère des batailles. Ensuite, c’est l’investissement pour mener des transitions. Le troisième, c’est le changement climatique : le prochain quinquennat devra mettre en œuvre l’assurance récolte. Le quatrième enjeu, c’est le renouvellement des générations. Le dernier élément de souveraineté, c’est l’Europe qui doit être une zone de protection et de développement. Mais sans aucune naïveté, par exemple la stratégie Farm to Fork doit être mise en œuvre de manière pragmatique, l’Europe doit avoir un rôle nourricier et en aucun cas réduire les productions. L’agriculteur veut être payé par les prix et non par les primes. Nous sommes ambitieux sur les deux piliers de la PAC : le premier sur l’aide au revenu et le deuxième sur l’aide à l’investissement. Sans revenu on ne peut pas investir. Être payé au juste prix, c’est la loi Égalim 2 : un objet politique qui vient mettre à mal une organisation de 15 années (avec la loi LME de 2008) qui, au nom du pouvoir d’achat des Français, a détruit le revenu des agriculteurs. C’était une folie. Il faut passer de la guerre des prix à la transparence des marges. Le deuxième point essentiel est l’investissement dans la compétitivité. Il faut aller plus loin dans certains allègements fiscaux, donner de la pérennité au TO-DE (Travailleurs occasionnel-Demandeur d’emploi), et lutter contre toute surtransposition. Le troisième élément est la question de la réciprocité dans les échanges, les clauses miroir. Non au Mercosur ! Je suis pour investir massivement dans la recherche : oui aux NBT, oui à la robotique, au numérique, au biocontrôle et à la sélection variétale. Il faut manger local. Je suis contre la viande cellulaire. Sur le glyphosate : pas d’interdiction sans solution ».
Debout la France Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne
Pour le candidat de Debout la France, protéger l’agriculture française passera forcément par une redéfinition des accords de libre-échange, voire une sortie de ces accords. « Le modèle actuel n’est pas tenable. La politique de l’Europe de Bruxelles n’est pas conciliable avec notre agriculture. La situation actuelle de l’agriculture française résulte en grande partie de la concurrence déloyale à laquelle elle doit faire face. Si tout n’est pas la faute de l’Europe, la soumission de la France à l’UE plonge l’agriculture dans une course à la mondialisation qui cause la misère de notre filière ». Le candidat pointe aussi du doigt l’importation de produits venant d’Amérique du Sud, ou du Canada. Son programme envisage un certain protectionnisme, avec des prix garantis et des quotas « sur certaines filières, pas sur toutes. L’idée est de revenir à une PAC protectrice, ou bien de s’en aller. Les autres pays le font, mais nous on n’a pas le droit de le faire », s’est-il insurgé. Prenant pour exemple le Général de Gaulle il envisage une politique de la chaise vide pour renégocier ces accords qu’il juge déloyaux. En cas d’échec, la France pourrait s’en sortir toute seule, « comme le font très bien la Suisse et le Canada ». Les principaux objectifs du candidat sont : Assurer des revenus dignes aux paysans. Stopper le glissement de la France vers la dépendance alimentaire. Inverser la courbe de la baisse du nombre d’exploitations. Défendre les producteurs contre la grande distribution. Ses solutions : Redéfinir ou sortir des accords de libre-échange. Exonérer les agriculteurs des charges sociales. Assurer une garantie d’emprunt aux jeunes agriculteurs. Instaurer des quotas sur certaines productions. Bloquer les prix de certains produits. Nicolas Dupont-Aignan considère qu’on mange mieux aujourd’hui qu’il y a 50 ans, qu’on ne doit pas arrêter l’élevage, qu’on doit réduire au maximum le glyphosate et les pesticides.
Rassemblement National Gilles Lebreton, député européen Identité et démocratie, représentant de Marine Le Pen
« La priorité est de privilégier la souveraineté alimentaire dans tous les domaines agricoles. Nous devons assurer un prix décent aux agriculteurs et, pour ça, il nous faut un choc d’investissement. Ça veut dire investir massivement dans des innovations technologiques au service de l’agriculture. Nous devons lutter contre les traités de libre-échange parce qu’ils entraînent une perte d’exploitation de nos agriculteurs. Il nous faut garantir des prix aux agriculteurs. Nous souhaitons 80 % de produits locaux, français, dans les cantines. Ce serait une manière d’encourager les filières courtes et le localisme. Nous voulons un étiquetage obligatoire sur l’origine des produits afin que les consommateurs sachent ce qu’ils achètent. Sur la Pac, nous allons tenter de renégocier le Plan stratégique national. Même s’il n’y a pas que du mauvais, je pense à l’aide aux jeunes agriculteurs qui est une priorité pour nous, nous voulons corriger les passages qui ne nous plaisent pas. Le programme détaillé du RN pour l’agriculture est en cours d’écriture, j’y travaille. Il sera dévoilé lors du Salon international de l’agriculture. Il n’est pas possible de supprimer les produits phytosanitaires sans proposer au préalable des solutions. En matière de bien-être animal, il faut progresser prudemment. Au Parlement européen, nous allons voter le rapport Decerle parce qu’il entend ne pas brusquer les éleveurs et qu’il protège les élevages de canards et d’oies pour la production de foie gras. C’est bien aussi de ne pas remettre en question nos traditions. Nous sommes contre les OGM mais si les NBT ne sont pas considérées comme OGM, nous sommes prêts à les envisager, ça dépendra de la position de la commission européenne. L’idéal est de promouvoir le bio français. Nous sommes a priori favorables au développement du bio mais nous considérons que le Farm to fork est trop rapide. D’autant qu’il faut s’assurer qu’il y a bien des débouchés à cette production bio, sinon, ça fera le malheur de ces agriculteurs. »
La France Insoumise Loïc Prud’Homme, député de Gironde, représentant de Jean-Luc Mélenchon
Dans le programme de LFI, on retrouve : la cantine à 1 € pour tous, la relocalisation de la production agricole ou encore la fixation de prix plancher pour mieux rémunérer les agriculteurs. « On souhaite remettre en place un contrat social entre le pays et son agriculture », ambitionne le représentant de Jean-Luc Mélenchon. « On part des besoins alimentaires et on regarde quel projet décliner pour avoir une alimentation saine, produite localement et qui rémunère ceux qui la produisent. Il n’y a pas d’antinomie entre garantir un prix aux producteurs et faire en sorte que les consommateurs aient accès à l’alimentation à un prix accessible. Je reconnais néanmoins qu’on a fait croire trop longtemps aux gens que manger ne coûtait rien. Il va falloir qu’on redonne de la valeur à la production car on ne produit pas des aliments de qualité localement sans en payer le prix. Notre objectif est de jouer sur les marges intermédiaires au niveau de la transformation et de la distribution pour permettre de mieux rémunérer les producteurs. À l’autre bout de la chaîne, pour redonner de l’air à la consommation des ménages, on propose une augmentation du Smic. Il y a une cohérence ». Le programme de LFI prône également le renforcement du « contrôle de l’État pour protéger l’agriculture et la lutte contre le dumping environnemental et social ». Ce programme prévoit aussi de diviser par deux le budget du 1e pilier de la PAC et de multiplier par trois celui du second. LFI prévoit de « complètement réviser le PSN dès le mois d’avril et jusqu’à l’été 2022 pour le réécrire. La question est de savoir comment on réoriente les aides de la PAC et pour quels types de productions ».
La Reconquête Jean-Frédéric Poisson, président de Via la voie du peuple, représentant d’Éric Zemmour
« La mission première de l’agriculture est de nourrir la population française. Sur la PAC, on ne veut pas sortir de l’Europe mais contrecarrer un certain nombre de dispositions. Nous prévoyons deux mesures : interdire les importations de produits que nous consommons mais qui sont produits dans des conditions sanitaires et sociales moindres que celles que nous garantissons, et ramener l’ensemble des normes qui régissent les productions agricoles au niveau des normes standards européennes. Nous entendons mettre fin au regroupement de la grande distribution […], casser les centrales d’achat et remettre à plat l’articulation entre les coopératives, les centrales d’achat et la grande distribution. Sur le travail saisonnier il y aura des dérogations à l’interdiction totale de l’immigration légale prônée par Éric Zemmour. Des dispositions seront prises en termes de réduction des charges des entreprises et de capacité à inciter davantage les gens à retourner travailler. L’idée d’Éric Zemmour de développer la robotique en agriculture pour réduire la dépendance à la main-d’œuvre étrangère est une solution qui peut être adaptée dans certaines exploitations. Sur le sujet de l’intrusion dans les élevages, je ne comprends pas cette décision absurde d’arrêter la cellule Demeter. Il faut rétablir l’équilibre des peines […] Le délinquant ce n’est pas l’agriculteur ! »
Parti Socialiste Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle, représentant d’Anne Hidalgo
« Face aux enjeux du siècle : 10 milliards de personnes à nourrir d’ici 2050, lutter contre le dérèglement climatique et protéger la biodiversité, nous proposons une série de ruptures réalistes basées sur des régulations majeures à mettre en œuvre : la régulation du marché foncier, du marché intérieur autour des prix et des volumes, et du marché extérieur avec les clauses miroirs. Le partage de la valeur au sein des filières et un juste partage des aides de la PAC. Sur le pouvoir d’achat, il y a 3 leviers importants : la performance des filières françaises qui suppose de la recherche, de l’organisation des producteurs, de la contractualisation pluriannuelle et tripartite permettant de consolider et partager la valeur. L’amélioration du pouvoir d’achat dans les milieux populaires […] qui ne passe pas seulement par une revalorisation du Smic mais par un meilleur partage de la valeur dans les entreprises. Et redonner de la valeur à l’alimentation car derrière il y a la santé des hommes et la santé des sols. Je suis favorable pour passer à 15, 16 ou à 17 % du budget des ménages, mais si le bio était financé par la PAC et les aides nationales à la hauteur des bénéfices agroenvironnementaux qu’il procure, nous aurions alors une disponibilité sur le marché plus accessible au milieu populaire. Sur les néonicotinoïdes et le glyphosate, nous demandons la mise en place d’une commission scientifique qui renseigne et documente la décision européenne. »
Parti Communiste Français Fabien Roussel, secrétaire national du PCF
« Nous devons rendre attractif ce beau métier : les agriculteurs n’arrivent pas à vivre de leur travail, ça rebute beaucoup de candidats. Des jeunes qui voudraient le faire ne sont pas accompagnés par les banques. Si on veut garantir à chacun des fruits et légumes, de la viande, et je précise de la vraie viande, il va falloir produire plus et mieux. Il faut aussi garantir des prix rémunérateurs aux agriculteurs. Pour ça, il faut interdire la vente à perte, en dessous des coûts de production. La valeur ajoutée doit être équitablement répartie sur toute la chaîne. Sinon, c’est à l’État d’intervenir et d’imposer d’acheter à un prix référence. Même si ça peut aller à l’encontre de la volonté de l’Union européenne, nous voulons avoir cette possibilité. Moi, je suis de gauche et il y a des différences, notamment par rapport à cette politique libérale contre laquelle nous sommes en rupture. Je suis député d’une zone frontalière, je vois bien que certaines normes sanitaires sont appliquées d’un côté et pas de l’autre. Il y a là de la concurrence déloyale, y compris au sein de l’Europe. Si ces produits ne sont pas bons pour les Français, on ne les importe pas. Je suis contre les traités de libre-échange et je suis sincère dans ma démarche, quand certains le disent puis ouvrent les frontières. Ceux-là sont des faux culs. Je revendique que tout le monde ait accès à de bons produits, ça a un coût et je ne veux pas baisser le prix d’un bon fromage ou d’une bonne viande. D’abord, il faut augmenter les salaires et les pensions de retraite. Comment voulez-vous qu’un retraité qui touche 950 euros puisse acheter de la viande ? Or, tous les Français ont droit à de bons produits. Parmi les réponses, il y a la création d’un fonds alimentaire de 10 milliards d’euros. Ça, c’est pour pouvoir proposer un repas à la cantine à un euro, partout et pour tous. Ces repas seront issus de produits locaux. Ça va permettre deux choses : éveiller nos enfants au bon et au local, et offrir un débouché aux agriculteurs. C’est aussi une réponse aux inquiétudes des maires que je peux rencontrer. Comment on fait pour investir dans une nouvelle cantine, une nouvelle cuisine, pour former les personnels à travailler ces produits locaux ? Avec ce fonds alimentaire, on subventionne, on forme… C’est le plus beau projet qu’on puisse faire. »