Un financement à l’effet « levier » bienvenu
Face aux prédations régulières des loups en Saône-et-Loire, l’État et la Chambre d’agriculture ont décidé d’unir leurs forces pour apporter une réponse aux attaques qui affectent les éleveurs. Le 16 juillet, Yves Séguy, préfet de Saône-et-Loire, et Luc Jeannin, président de la Chambre d’agriculture, ont signé une convention cadre de partenariat visant à renforcer la protection des troupeaux ovins et caprins confrontés à la prédation.

« C’est un dispositif que je pense unique en France », débutait le préfet Yves Séguy qui avait invité les médias le 16 juillet au Hub & Go du Creusot. Il faut dire qu’il y a urgence à trouver des solutions concrètes à une prédation des loups qui chaque année fait un peu plus de victimes. Sans se faire d’illusion qu’un jour les loups ne viendront plus en Saône-et-Loire, cette convention s’inscrit dans un contexte où sa présence — transitoire ou durable — provoque des attaques aux conséquences humaines, économiques et territoriales lourdes.
L’objectif de ce partenariat est clair : restaurer un climat de sérénité et de sécurité pour les éleveurs impactés. « Tout particulièrement dans les zones prédatées, on donne plus de capacité aux éleveurs de protéger leur outil de travail », redisait le préfet qui ne peut autoriser de tir de défense, en l’absence de protection. Président de la chambre d’Agriculture, Luc Jeannin insistait auprès des journalistes présents pour que cesse l’inversion des « rôles » : « le mot prédateur donne des sueurs froides. Ceux prédatés sont bouleversés, leurs familles n’en dorment plus, l’émotion est palpable dans les communes. Et certaines associations donnant des prénoms au loup, font le procès des victimes : le procès des moutons et des éleveurs. Il faut penser aux victimes plus qu’au prédateur », martelait-il, alors que les médias généralistes nationaux sont complaisants avec les ONG pro-loups.
« Effet levier » de l’avance de trésorerie
« Après, il faut du concret sur comment on gère le loup. La chambre est là pour donner un appui technique dans le cadre de la loi avec ses modestes moyens. C’est le rôle du syndicalisme et surtout des parlementaires de faire évoluer la loi », expliquait-il la réflexion qui a conduit à ce « dispositif expérimental ».
Le dispositif prévoit de faciliter l’accès aux aides publiques existantes. Lorsqu’un éleveur est prédaté par un « loup non exclu » dans le vocable administratif, il a droit à des aides pour protéger son troupeau. Problème, il doit faire l’avance de trésorerie pour acheter et installer les clôtures électrifiées, sans même parler des frais de garde ou d’entretien de chiens type patous. Car les aides (Feader) couvrant 80 % du montant total arrivent entre 8 mois et un an après la demande. Le technicien de la chambre d’Agriculture, Laurent Solas, qui aide les éleveurs prédatés à constituer leur dossier de demande, donnait un exemple. « Pour le pôle ovin de Charolles qui a 14 km de linéaire, il faut compter 1,5 à 2 € par mètre linéaire posé par l’éleveur », sans le temps de travail perdu donc. « Sachant que les aides sont plafonnées à 13 000 € en zonage C2 », précisait Alexandre Meige, responsable du service économique de la DDT71. « Comment faire pour lever ce frein d’avance de trésorerie ? » se sont questionnées la préfecture et la chambre d’Agriculture.
Le promoteur d’un champ photovoltaïque à Saint-Yan était obligé de consigner un fonds de compensation. Montant 134 575 € « à utiliser à bon escient ». Ainsi, le préfet a contacté le promoteur et levé l’argent auprès de la Caisse des dépôts et de consignation. La convention signée ce 16 juillet permettra de financer l’avance de trésorerie, remboursable au moment des versements effectifs Feader, des équipements de protection (aidés à 80 %). Les 20 % restant seront pris en charge par ce nouveau dispositif, constituant ici non plus une aide, mais une « subvention » non remboursable cette fois. Le préfet se félicitait de cet « effet levier : ces 20 % vont permettre de plus facilement, pour les éleveurs qui le souhaitent, avancer l’argent des 80 % » d’aides.
Des dossiers avec l'aide de la chambre
Pour accélérer l’instruction des dossiers, un accompagnement technique de proximité est également prévu. Si l’État a bien le rôle de vérifier le cadre réglementaire et l’élaboration des schémas de protection, les conseillers de la chambre d’Agriculture guideront les éleveurs dans la constitution des dossiers administratifs et la mise en œuvre concrète des dispositifs. Une douzaine de dossiers ont déjà été déposés pour des clôtures ou pour « financer des renforts humains » pour les poser, avec une prise en charge de la main-d’œuvre de remplacement. « Le dispositif est modulé selon la taille de l’élevage et la réalité topographique », précise la DDT71.
La convention s’adapte donc aussi aux réalités locales. Ainsi, après plusieurs attaques survenues au printemps à Morey, Saint-Bérain-sur-Dheune et Essertenne, un classement en cercle 1 avait été décidé pour six communes du secteur malgré l’opposition de la profession agricole. Toutefois, un arrêté préfectoral daté du 15 mai 2025 a reclassé temporairement ces communes en cercle 2, en raison de contraintes opérationnelles. Cette décision a permis d’assouplir les conditions d’accès aux tirs de défense, désormais possibles avec un seul moyen de protection en place. Des ONG pro-loups ont attaqué l’arrêté « suspensif » du préfet. Luc Jeannin remettait une couche sur les théoriciens de l’écologie : « Ici, il n’y a aucune idéologie. On propose un appui d’urgence à notre territoire prédaté ». « Ce n’est qu’une brique de plus qu’on essaye d’apporter », redisait aussi modestement le préfet qui néanmoins considère « aller dans le bon sens » pour protéger les éleveurs des loups.
Cette dynamique territoriale est d’ailleurs portée par le laboratoire des ruralités PARI (Pourvoyeur d’Actions Rurales Inventives) qui vise à expérimenter et trouver des solutions innovantes. Dans ce cadre, un hackathon rassemblant chercheurs, entreprises, agriculteurs et spécialistes de la faune sauvage sera organisé en novembre 2025 au même endroit, au Hub&Go du Creusot. L’objectif est de dissuader le loup d’attaquer, faciliter l’entretien et l’efficacité des moyens de protection.
Si les attaques perdurent, malgré les protections, tuer le loup est inévitable et sera assumé de tous.