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Conférence agriculture biologique

Pleins feux sur le maraîchage et les LPC

La traditionnelle conférence sur l’agriculture biologique s’est ouverte sur un bilan contrasté. Alors qu’en 2014 les conversions ont marqué le pas, 2015 annonce un vague de conversions sans précédent. La Pac et le projet agro-écologique soutiennent le mouvement, tout en s’ouvrant à de nouvelles démarches innovantes.
Par Anne-Marie Klein
Pleins feux sur le maraîchage et les LPC
La conférence a laissé une large place aux témoignages et aux échanges entre la salle et les différents acteurs de la bio en Bourgogne et dans l’Yonne.
Comme chaque année la Chambre d’agriculture de l’Yonne a ouvert ses portes à la Conférence bio. Mais cette année cette conférence revêt un caractère particulier, d’une part parce que l’année 2014 a été une année de transition dans l’attente de la mise en oeuvre de la nouvelle Pac et d’autre part, parce l’agrobiologie et son plan Ambition Bio 2017 s’intègrent tout naturellement dans les objectifs de la dynamique de «l’agroécologie en marche en Bourgogne». Comme thème central, cette conférence s’est plus particulièrement intéressée au maraîchage et à la production de légumes de plein champ.

Une vague de conversions sans précédent
La bio dans l’Yonne ce n’est pas nouveau, comme le rappelle Claude Boursier, vice-président de la Chambre d’agriculture, en évoquant la première embauche d’un conseiller bio à la Chambre en 1978. Le développement s’est ensuite poursuivi au rythme des réformes (CTE, CAD...) jusqu’à cette nouvelle Pac à la mise en place retardée et compliquée qui a donné un sérieux coup de frein aux conversions en 2014. En 2015, l’horizon quelque peu éclairci suscite une vague de conversions « sans précédent » : plus de 8000 ha déjà concernés, 104 conversions, pour la majorité en élevage et polyculture élevage (54) et grandes cultures (28). La viticulture marque le pas, après deux années difficiles sur le plan climatique.
Le rythme des conversions pourrait rester soutenu jusqu’en 2016, ce qui n’est pas sans poser quelques questions quant aux effets induits sur les prix des marchés dans les prochaines années. L’agriculture biologique progresse donc et Claude Boursier insiste tout particulièrement sur la volonté de la Chambre d’agriculture « de bâtir des ponts entre le bio et le conventionnel ».

Maraîchage et LPC : privilégier la vente directe
Cette année la conférence bio s’est plus spécifiquement intéressée aux maraîchage et aux légumes de plein champ. Si le maraîchage diversifié reste emblématique parmi toutes les productions bio, l’activité est peu connue car peu développée dans l’Yonne, par rapport à des régions beaucoup plus favorisées sur le plan du climat ou des sols. Les légumes de plein champ (LPC), sans débouchés industriels de proximité pour la transformation et la commercialisation, sont peut-être encore moins bien connus. Mais les témoignages ont montré qu’une vraie dynamique de développement existait dans le département, grâce aux compétences techniques des agriculteurs bio engagés dans ces démarches et à leurs qualités d’entrepreneurs. Des entrepreneurs du vivant certes, mais des entrepreneurs qui ont su aussi intégrer leur activité dans de vrais projets de territoire, où les dimensions économiques, sociales, environnementales sont directement liées à l’acte de production, aux outils et aux moyens.
30 à 40 espèces de légumes sont cultivées dans l’Yonne, sur des exploitations de 2 à 3 ha en moyenne, en plein champ ou sous tunnel, avec engrais verts et rotations longues. Les débouchés se situent principalement en vente directe. Pour les légumes de plein champ, on trouve des légumiers céréaliers qui ont choisi de se diversifier pour des raisons économiques et/ou agronomiques (casser le cycle des ravageurs). La production icaunaise de légumes repose sur 28 maraîchers diversifiés, 11 légumiers de plein champ et 18 Amap.  L’accompagnement et l’appui technique sont assurés par le Sedarb.

Agro-écologie : ouvrir le champ des possibles
Cette conférence s’intégrant dans le cycle de réunions organisées autour de l’agro-écologie, Jean-Marie Baillard, directeur de l’EPL Terres de l’Yonne, en a rappelé les grands principes, comme celui de faire coïncider développement agricole, compétitivité des exploitations et adaptation au changement climatique. Si l’agro biologie s’intègre parfaitement dans les ambitions du projet agro-écologique, elle ne constitue pas une réponse unique. Le projet d’ensemble s’avère beaucoup plus ouvert. Militant de la première heure de l’agro-écologie, Vincent Lefevre, agriculteur bio a souligné la dimension systémique d’une démarche qui considère l’exploitation dans son ensemble, l’objectif étant bien de maintenir ou d’améliorer les résultats techniques et économiques tout en progressant sur le plan environnemental. « Il ne s’agit pas de définir un système de production idéal », mais plutôt d’ouvrir de nouvelles perspectives avec «des systèmes qui offrent de nouvelles combinaisons de pratiques». Une boîte à outils enrichie par les expériences accumulées, mise à disposition des agriculteurs qui pourront ainsi faire évoluer leurs propres pratiques pour mieux s’adapter à un contexte en perpétuelle évolution.

Les Jardins de Frémaux : répondre à la demande des clients

A l’initiative de la création de la première Amap en Bourgogne, les Jardins de Frémaux, animés par Joël Lalès et Marc Delacroix s’étendent sur 20 hectares, cultivent 45 à 50 légumes, produisent 3,5ha de légumes de plein champ et 5 ha de céréales. Les Jardins comptent trois associés et un salarié. Les productions maraîchères ont évolué en fonction des demandes des clients, elles alimentent trois Amap (Gâtinais, Joigny, Auxerre) produisent 180 à 200 paniers par semaine, sans interruption. La boutique à la ferme propose en permanence entre 15 et 20 légumes à la vente. Les Jardins de Frémaux fournissent aussi la restauration hors domicile (scolaires et restaurant). «La production évolue et se diversifie en réponse aux demandes de la clientèle» témoigne Jean Lalès, l’un des associés. Du coup, «La vente directe est en forte expansion» et l’exploitation continue de se développer, ce qui devrait se traduire par une augmentation du nombre de tunnels.

Légumes de plein champ : la bio comme projet d’installation
Jean-Christophe Faucheux a totalement converti en quelques années l’exploitation céréalière familiale. La conversion en bio a déterminé l’engagement dans la vente directe et l’ouverture d’un point de vente collectif à Toucy «Déjeuner sur l’herbe». Le tournant de la production légumière a été pris en 2005 et confirmé en 2006. Il s’agissait là aussi «de répondre à la demande des clients, tout en développant de nouveaux débouchés». Après la création du Déjeuner sur l’herbe, suivent la Graineterie à Clamecy (58) et l’association RC Bio 89 en 2014. Les légumes bio s’intègrent dans la rotation (2 ans trèfle-blé-pois/haricots-épeautre/sigle-lentilles/LPC-blé printemps). Une réflexion est en cours sur l’introduction d’une culture de légume de plein champ en fin de rotation afin de mieux maîtriser le salissement. Les investissements sont contenus à moindre coût et l’objectif social reste bien le maintien des emplois fixes plutôt qu’une forte mécanisation.
Grâce à l’ouverture de marchés avec la restauration collective (cuisine centrale d’Auxerre) la diversification en LPC a apporté une nouvelle dimension à l’exploitation céréalière. Ils représentent 30% du chiffre d’affaires global et la part de la vente directe 60 à 70%. Les LPC se sont aussi diversifiés, aux pommes de terre se sont ajoutés les oignons, les échalotes, les carottes, les topinambours, les courges et les légumes secs (haricots, lentilles) complétés par l’achat d’un moulin à farine. Depuis 2014, 30 hectares ont été plantés dans le cadre du développement d’un projet d’agro-foresterie. Jean-Christophe Faucheux conseille «de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier tout en s’assurant des débouchés avant de produire, il faut aussi être attentif au mode opératoire des grossistes et se méfier des certains contrats, qui peuvent réserver de mauvaises surprises...» au final, le bilan s’avère satisfaisant pour «une production globalement rentable en dépit des années difficiles». Et, au-delà des contingences économiques ce qui compte surtout c’est «la satisfaction de faire vivre deux familles au village et de donner un sens à son travail et au développement de l’entreprise».