Interview - Abdelmajid Tkoub, sous-préfet d’Avallon
«On peut même parler de pôle d’excellence...»
Installé dans ses fonctions depuis un peu plus d’un an, le sous-préfet d’Avallon, Abdelmajid Tkoub, livre dans une interview, quelques réflexions sur sa vision de l’agriculture départementale et différents sujets d’actualité.
Nommé par décret présidentiel en date du 6 décembre 2016, sous-préfet d’Avallon, Abdelmajid Tkoub n’avait encore jamais exercé dans l’Yonne ou en Bourgogne. Sa connaissance de la région se limitant à des amis installés en Côte d’Or. Haut fonctionnaire formé à la gestion des administrations publiques et à la direction d’hôpitaux, il s’est forgé depuis son arrivée une réputation d’homme affable, disponible et chaleureux, qui l’a conduit à multiplier les rencontres et les visites terrain, pour parfaire sa connaissance du territoire et de ses enjeux, notamment en matière agricole.
- Un peu plus d’un an après votre prise de fonction, quel regard portez-vous sur le département et plus particulièrement, sur l’arrondissement d’Avallon ?
Abdelmajid Tkoub : «Un territoire d’une manière générale, très contrasté, que ce soit par ses paysages, son patrimoine, ses industries… Sur un plan purement agricole, même s’il existe des connexions intéressantes entre le monde de l’agriculture et tout le reste, je constate deux territoires qui se distinguent assez clairement : le Tonnerrois et l’Avallonnais. Le premier, marqué par des productions grandes cultures, mais aujourd’hui en difficulté, le second, avec un pôle élevage clairement identifié et une activité de polycultures. L’agriculture est un sujet majeur pour l’arrondissement et ce n’est pas par hasard si Monsieur le préfet lui a consacré sa première visite sur le terrain quelques jours après son arrivée en août dernier, en se rendant sur une exploitation près de Noyers. Nous en suivons aussi les transformations, comme avec la problématique du bio, tout au long de l’année 2017, dont le modèle économique est en train d’évoluer… J’ai découvert des gens dynamiques, volontaires, qui franchissent le pas rapidement, contrairement à cette image que l’on a parfois de «l’esprit paysan», qui mettrait beaucoup de temps à évoluer. Chez les jeunes générations notamment, qui calculent, gèrent et sont capables de trancher et de se positionner très vite. Et ça, c’est une chose qui me frappe… On évoque le bio, mais il existe la même chose avec l’agriculture conventionnelle, qui elle aussi propose, se pose des questions et se transforme. Des gens motivés, avec pour certains, une agriculture à la frontière avec l’industrie, le renouvelable, pour amener de la diversification sur leur exploitation. C’est un nouveau profil de l’agriculture qui se dessine et a compris qu’il fallait se réinsérer dans un schéma économique global. Les gens se diversifient et savent aller chercher l’opportunité où elle se trouve et ça, c’est intéressant. Des entrepreneurs pas systématiquement en demande d’aides, même si parfois bien sûr, elles sont nécessaires…»
- Le secteur économique de l’arrondissement est marqué par une forte vocation agricole, notamment avec la filière de l’élevage
«On peut même parler de pôle d’excellence et il nous faut continuer à le soutenir. Je me suis déjà rendu chez Monsieur Mandron, chez Jean-Louis Riotte, pas encore sur le Gaec Cadoux, mais je n’oublie pas l’idée d’aller les voir car ils méritent qu’on salue leur travail. J’étais d’ailleurs présent à cet effet, lors du concours interdépartemental de la race charolaise en octobre dernier à Avallon. D’une manière générale, les éleveurs font un métier difficile mais passionnant, même s’ils ne mesurent pas forcément à quel point ils sont référence en la matière sur le territoire et notre travail est aussi de le dire et le faire savoir. Aider à faire connaître tout ce pan d’activité, en capacité à se projeter et à valoriser le savoir faire français. J’ai d’ores et déjà un programme de visites pour 2018, d’exploitations agricoles diverses, bio ou conventionnelles et compte bien m’y tenir…»
- Agriculture et site classé ne semblent pas faire bon ménage. Juste avant votre arrivée, élus et agriculteurs s’étaient insurgés contre les règles strictes liées à l’opération Grand Site du Vézelien, empêchant en certains cas l’exercice de l’agriculture ou de l’exploitation forestière…
«Là encore, il y a la façon de présenter les choses. Globalement, on peut dire que c’est un espace plus contraint, parce que plus de procédures, etc. Mais si l’on prend au cas par cas, par rapport à ce que j’ai vu depuis mon arrivée, on trouve plus ou moins des solutions et on arrive à avancer. Ce qu’il faut, quand les gens ont un projet, c’est qu’ils nous saisissent le plus tôt possible pour qu’on puisse les accompagner et trouver des solutions. Faire en sorte de ne pas mettre l’État devant le fait accompli, car il n’aime pas ça ! Je pense qu’il faut prendre la présence dans le vézelien comme un atout et pas juste comme une contrainte. Il ne s’agit en aucuns cas de dire, “on met Vézelay sous cloche et on ne fait plus rien”. Il faut juste que les gens nous saisissent le plus tôt possible pour pouvoir construire et adapter le projet avec eux. La clé, elle est là ! De sorte qu’on leur évite au maximum les contraintes administratives inutiles. D’autant que le plus souvent, chaque fois qu’il y a un nouveau projet sur le vézelien, la préfecture d’Avallon est guichet unique, pour se charger de la coordination de l’action des services et désamorcer cette crainte d’un espace sous cloche. Dans tous les cas, il ne s’agit pas du tout de le «muséifier», cela n’aurait aucun sens…»
- Concernant l’éolien, plusieurs syndicats de vignerons ont dénoncé une emprise qu’ils jugent trop importante, dénaturant les paysages au dessus des vignes…
«Nous sommes effectivement un arrondissement bien pourvu en éolien et d’autres projets sont en train d’émerger ou à l’étude, notamment du côté de Saint-Léger Vauban. Il existe par ailleurs, un gros projet sur les Hauts de l’Armançon, avec la particularité de se trouver sur des bois communaux et d’être sans doute le plus important de l’Yonne, fournissant à lui seul, le quart de la production du département. La position du préfet, elle est simple : on instruit dans le cadre réglementaire, on ne facilite ou on ne freine pas particulièrement, mais on tente de préserver certaines zones vraiment spécifiques, surtout sur des territoires déjà bien fournis, comme l’Avallonnais ou le Tonnerrois… Le tourisme est aussi marqué par une spécificité du paysage et si celui-ci est détérioré, cela réduit forcément l’attrait de nos zones. Il faut autant que possible, un développement raisonné et la saturation fait peur à tout le monde. Il est normal que l’on veuille l’éviter…»
- Autre problématique récurrente sur le territoire : les dégâts de gibier dans les parcelles agricoles
«En filigrane, se pose le problème des relations du monde agricole avec celui de la chasse, notamment au sujet de la fameuse dérogation autour de l’agrainage. C’est un débat et une situation extrêmement complexes. Je ne suis pas spécialiste, mais ce que j’ai voulu surtout, c’est que l’on maintienne le dialogue. Le cadrage par rapport à cette dérogation, ne changera pas, mais il faut aussi que l’on entende ce qu’ils ont à nous dire. On ne peut pas tout balayer d’une main, il y a un équilibre à trouver, assez complexe, entre d’un côté, la maîtrise de la population de sangliers, pour une réduction maximale des dégâts agricoles et de l’autre, toute une économie de la chasse qu’il nous faut préserver… Les territoires de l’Avallonnais et du Tonnerrois sont terres de contrastes et c’est pour cela que l’on fait de la dentelle, car on ne peut pas traiter les choses globalement…»
- Un peu plus d’un an après votre prise de fonction, quel regard portez-vous sur le département et plus particulièrement, sur l’arrondissement d’Avallon ?
Abdelmajid Tkoub : «Un territoire d’une manière générale, très contrasté, que ce soit par ses paysages, son patrimoine, ses industries… Sur un plan purement agricole, même s’il existe des connexions intéressantes entre le monde de l’agriculture et tout le reste, je constate deux territoires qui se distinguent assez clairement : le Tonnerrois et l’Avallonnais. Le premier, marqué par des productions grandes cultures, mais aujourd’hui en difficulté, le second, avec un pôle élevage clairement identifié et une activité de polycultures. L’agriculture est un sujet majeur pour l’arrondissement et ce n’est pas par hasard si Monsieur le préfet lui a consacré sa première visite sur le terrain quelques jours après son arrivée en août dernier, en se rendant sur une exploitation près de Noyers. Nous en suivons aussi les transformations, comme avec la problématique du bio, tout au long de l’année 2017, dont le modèle économique est en train d’évoluer… J’ai découvert des gens dynamiques, volontaires, qui franchissent le pas rapidement, contrairement à cette image que l’on a parfois de «l’esprit paysan», qui mettrait beaucoup de temps à évoluer. Chez les jeunes générations notamment, qui calculent, gèrent et sont capables de trancher et de se positionner très vite. Et ça, c’est une chose qui me frappe… On évoque le bio, mais il existe la même chose avec l’agriculture conventionnelle, qui elle aussi propose, se pose des questions et se transforme. Des gens motivés, avec pour certains, une agriculture à la frontière avec l’industrie, le renouvelable, pour amener de la diversification sur leur exploitation. C’est un nouveau profil de l’agriculture qui se dessine et a compris qu’il fallait se réinsérer dans un schéma économique global. Les gens se diversifient et savent aller chercher l’opportunité où elle se trouve et ça, c’est intéressant. Des entrepreneurs pas systématiquement en demande d’aides, même si parfois bien sûr, elles sont nécessaires…»
- Le secteur économique de l’arrondissement est marqué par une forte vocation agricole, notamment avec la filière de l’élevage
«On peut même parler de pôle d’excellence et il nous faut continuer à le soutenir. Je me suis déjà rendu chez Monsieur Mandron, chez Jean-Louis Riotte, pas encore sur le Gaec Cadoux, mais je n’oublie pas l’idée d’aller les voir car ils méritent qu’on salue leur travail. J’étais d’ailleurs présent à cet effet, lors du concours interdépartemental de la race charolaise en octobre dernier à Avallon. D’une manière générale, les éleveurs font un métier difficile mais passionnant, même s’ils ne mesurent pas forcément à quel point ils sont référence en la matière sur le territoire et notre travail est aussi de le dire et le faire savoir. Aider à faire connaître tout ce pan d’activité, en capacité à se projeter et à valoriser le savoir faire français. J’ai d’ores et déjà un programme de visites pour 2018, d’exploitations agricoles diverses, bio ou conventionnelles et compte bien m’y tenir…»
- Agriculture et site classé ne semblent pas faire bon ménage. Juste avant votre arrivée, élus et agriculteurs s’étaient insurgés contre les règles strictes liées à l’opération Grand Site du Vézelien, empêchant en certains cas l’exercice de l’agriculture ou de l’exploitation forestière…
«Là encore, il y a la façon de présenter les choses. Globalement, on peut dire que c’est un espace plus contraint, parce que plus de procédures, etc. Mais si l’on prend au cas par cas, par rapport à ce que j’ai vu depuis mon arrivée, on trouve plus ou moins des solutions et on arrive à avancer. Ce qu’il faut, quand les gens ont un projet, c’est qu’ils nous saisissent le plus tôt possible pour qu’on puisse les accompagner et trouver des solutions. Faire en sorte de ne pas mettre l’État devant le fait accompli, car il n’aime pas ça ! Je pense qu’il faut prendre la présence dans le vézelien comme un atout et pas juste comme une contrainte. Il ne s’agit en aucuns cas de dire, “on met Vézelay sous cloche et on ne fait plus rien”. Il faut juste que les gens nous saisissent le plus tôt possible pour pouvoir construire et adapter le projet avec eux. La clé, elle est là ! De sorte qu’on leur évite au maximum les contraintes administratives inutiles. D’autant que le plus souvent, chaque fois qu’il y a un nouveau projet sur le vézelien, la préfecture d’Avallon est guichet unique, pour se charger de la coordination de l’action des services et désamorcer cette crainte d’un espace sous cloche. Dans tous les cas, il ne s’agit pas du tout de le «muséifier», cela n’aurait aucun sens…»
- Concernant l’éolien, plusieurs syndicats de vignerons ont dénoncé une emprise qu’ils jugent trop importante, dénaturant les paysages au dessus des vignes…
«Nous sommes effectivement un arrondissement bien pourvu en éolien et d’autres projets sont en train d’émerger ou à l’étude, notamment du côté de Saint-Léger Vauban. Il existe par ailleurs, un gros projet sur les Hauts de l’Armançon, avec la particularité de se trouver sur des bois communaux et d’être sans doute le plus important de l’Yonne, fournissant à lui seul, le quart de la production du département. La position du préfet, elle est simple : on instruit dans le cadre réglementaire, on ne facilite ou on ne freine pas particulièrement, mais on tente de préserver certaines zones vraiment spécifiques, surtout sur des territoires déjà bien fournis, comme l’Avallonnais ou le Tonnerrois… Le tourisme est aussi marqué par une spécificité du paysage et si celui-ci est détérioré, cela réduit forcément l’attrait de nos zones. Il faut autant que possible, un développement raisonné et la saturation fait peur à tout le monde. Il est normal que l’on veuille l’éviter…»
- Autre problématique récurrente sur le territoire : les dégâts de gibier dans les parcelles agricoles
«En filigrane, se pose le problème des relations du monde agricole avec celui de la chasse, notamment au sujet de la fameuse dérogation autour de l’agrainage. C’est un débat et une situation extrêmement complexes. Je ne suis pas spécialiste, mais ce que j’ai voulu surtout, c’est que l’on maintienne le dialogue. Le cadrage par rapport à cette dérogation, ne changera pas, mais il faut aussi que l’on entende ce qu’ils ont à nous dire. On ne peut pas tout balayer d’une main, il y a un équilibre à trouver, assez complexe, entre d’un côté, la maîtrise de la population de sangliers, pour une réduction maximale des dégâts agricoles et de l’autre, toute une économie de la chasse qu’il nous faut préserver… Les territoires de l’Avallonnais et du Tonnerrois sont terres de contrastes et c’est pour cela que l’on fait de la dentelle, car on ne peut pas traiter les choses globalement…»