On ne peut jamais savoir
Un producteur céréalier évoque ses ventes de l'année, dans un contexte de hausse des cours.

Un tien vaut mieux que deux tu l’auras : Mickaël Roze retiendra ce proverbe pour ne rien regretter cette année. Ses productions céréalières de 2021 ont été vendues à des prix couvrant ses coûts de production et c’est bien là l’essentiel. Mais quand même. Ce jeune agriculteur de 34 ans domicilié à Chazilly près de Pouilly-en-Auxois garde dans un coin de sa tête ce qu’il avait l’habitude de faire jusqu’à présent, c’est-à-dire stocker jusqu’à 90 % de sa production pour tenter de l’écouler aux meilleurs prix durant l’hiver : « D’ordinaire, je regarde l’évolution des cours chaque matin en me levant, en prenant en compte les différentes tendances baissières ou haussières. Je commence à déstocker parfois en octobre, et cela peut parfois durer jusqu’en avril. Je procède en plusieurs paliers. Cette année, je me suis moins préoccupé de cette tâche car j’avais vendu 40 % de mon blé en contrat avant la moisson et autant durant la récolte ».
S’il avait eu une « boule de cristal », Mickaël Roze aurait bien sûr attendu le dernier moment pour vendre ses céréales : « on ne peut malheureusement jamais savoir à l’avance et encore une fois, il ne faut rien regretter… Dans le contrat d’avant moissons, le blé était à 190 euros la tonne, ce prix était intéressant pour couvrir mes charges, c’est d’ailleurs la première fois que je m’engageais dans un tel dispositif depuis mon installation en 2013. Durant la moisson, j’ai vendu la même quantité de blé. Le meunier est parti entre 190 et 200 euros la tonne, c’était encore mieux. J’avais aussi pas mal de blé déclassé à cause des pluies, un tarif presque inattendu de 180 euros m’était alors proposé. Les 20 % de blé restants, du meunier, ont été vendus en novembre. Le prix n’avait plus rien à voir car il s’élevait entre 250 et 260 euros/tonne. C’était inédit pour moi. En attendant encore un peu plus, le blé aurait pu partir à 300 euros… ».
Mickaël Roze a vendu l’intégralité de son colza à la moisson au prix de 540 euros la tonne : « c’était là aussi intéressant alors qu’une année lambda, nous sommes aux alentours de 350 euros. Les prix sont finalement montés jusqu’à 700 euros, voire davantage par la suite ». En plus du blé, le jeune agriculteur s’était également engagé dans un contrat en orge. À l’issue de la moisson, 90 % de ses graines de mouture et de brasserie s’écoulaient à une moyenne de 180 euros/tonne : « seuls 10 % de la récolte avait été stockée à la ferme. Les cours ont suivi la même tendance haussière et j’ai pu vendre à 220 euros. Je n’en avais hélas pas beaucoup ! ».
Qu’en sera-t-il pour la prochaine moisson ? L’habitant de Chazilly stockera-t-il de nouveau une très grande partie de sa production ? « La réponse est non », confie l’intéressé, « cette flambée des cours est malheureusement accompagnée d’une flambée des charges et mon bilan au mois d’avril ne sera peut-être pas meilleur que celui des années précédentes. Pour ne citer que lui, le prix de l’engrais a doublé, j’achetais l’urée 400 euros/t l’an passé et là, il m’a fallu débourser le double, soit 800 euros… Avec de telles charges, il vaut mieux tenter d’assurer ses arrières, on ne sait pas ce que l’avenir est fait. Je me suis donc engagé dans un nouveau contrat blé, entre 220 et 235 euros la tonne. Cela pourrait représenter 45 % de ma récolte. J’ai aussi un contrat en orge, à 200 euros ».