Moutarde
« Nous sommes dans le dur »
Fabrice Genin, président de l’Association des producteurs de graines de moutarde de Bourgogne (APGMB), fait part lui aussi de nombreuses difficultés

« Les cultures de moutarde font face à une pression d’insectes encore plus importante que les années passées. Les altises sont aujourd’hui un peu partout, notamment dans la plaine. Elles ont circulé durant tout l’hiver et ont fragilisé les plantes dans bon nombre de parcelles. La moitié de nos 4 900 ha de cultures sont concernées. Comme si cela ne suffisait pas, l’épisode de gel qui s’est manifesté fin mars les a plombées. Environ 20 % des moutardes ont gelé, 15 % des parcelles, soit près de 750 ha au total, ont été retournées ou vont l’être prochainement pour recevoir du tournesol, du soja, du sorgho ou un peu de lentilles. Le potentiel de production de la moutarde est déjà impacté, mais nous ne savons pas encore dans quelles proportions, il est bien trop tôt pour se prononcer ». Fabrice Genin s’inquiète de la suite des évènements : « en théorie, le Boravi, seul produit qui fonctionne encore aujourd’hui contre les insectes, verra sa production cesser cet été. Quand celui-ci ne sera plus disponible, il ne faudra pas s’étonner qu’il n’y ait plus de moutarde chez nous. Sans la chimie, il est possible de faire certaines choses, mais pas tout. Depuis le temps que nous alertons tout le monde sur le sujet… Aujourd’hui, nous sommes vraiment dans le dur. On nous dit qu’on ne nous laissera pas sans solution, mais la feuille de route est déjà écrite selon moi : moins de chimie, c’est encore plus de problèmes dans le futur. Les industriels vont faire de la moutarde avec de la graine canadienne et point barre. Un travail de 25 ans peut être mis en péril, nous en sommes là aujourd’hui ». Le président de l’APGMB regrette que les messages d’alerte de la filière ne soient pas entendus : « ils sont perçus comme de la résistance bête et méchante. L’État nous impose de sortir de la chimie, ferme les portes de la recherche génétique, signe des accords de libre-échange avec le Canada, et vante le mérite des filières locales. Il serait temps d’élaborer une stratégie agricole cohérente, sous peine de voir disparaître de nombreuses productions et de se réveiller un matin en s’apercevant que la France a perdu son autonomie alimentaire ».