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Jeunes agriculteurs

Nourrir ou construire, il faut choisir

Les JA21 se sont penchés sur la problématique du foncier lors de leur assemblée générale jeudi 12 février.
Par Aurélien Genest
Nourrir ou construire, il faut choisir
Tracteurs et chargeurs n’ont pas la même vocation : ils se disputent pourtant les mêmes terres.
Plus de 220 hectares de terres agricoles disparaissent chaque jour en France. L’Hexagone a vu sa surface diminuer de 20% en 50 ans. «La Côte d’Or n’est malheureusement pas épargnée et ce phénomène emporte nos filières» déplore le président des JA François-Xavier Lévêque. L’assemblée générale du syndicat, qui s’est tenue la semaine dernière à Salives dans le canton de Grancey-le-Château, s’est justement intéressée à cette problématique. «L’agriculture doit arrêter de subir sans rien avoir en retour» clame le président, qui ouvre aussitôt les débats autour d’une table ronde intitulée «Nourrir ou construire, il faut choisir».

Le Scot en a conscience
Pierre Pribetich, vice-président du Grand Dijon, en charge de l’urbanisme, évoque d’emblée une «réelle problématique» : «Le nombre de personnes par logement est passé de 3 à 1,8 depuis 1960 et cela a engendré une extension des villes. Aujourd’hui, 130 hectares de terres sont concernés chaque année autour de Dijon, et 78% sont issus de l’agriculture. Dans le même temps, sachez qu’une ville se doit de maintenir son nombre d’habitants pour ne pas rentrer dans un cycle destructeur...» Pour Pierre Pribetich, la question «ne se pose pas entre nourrir et construire»: «pour vivre, il faut avant tout se nourrir, nous le savons bien évidemment... Dans le cadre du schéma de cohérence territoriale (Scot), nous partons du principe que nous ne pouvons plus nous étendre. Pour y arriver, il faut imposer, dans les villes, la notion de densité à l’hectare. Mais ça, les Dijonnais ne veulent pas en entendre parler». Pour l’adjoint du maire de la cité des Ducs, la préservation des terres agricoles passe inévitablement par le «réinvestissement des centre habités et la fin du modèle tant rêvé de la grande maison individuelle». Jean Cavaillès, chercheur à l’Inra, modifie quelque peu le thème de cette table ronde: «La problématique serait plutôt -nourrir ou créer des emplois ?- Je m’explique : aujourd’hui, il faut 720 m2 pour créer un emploi et 320 m2 pour loger une personne. Depuis 1982, le nombre d’emplois a augmenté de 36% et celui du nombre d’habitants de 18%... L’essentiel des terres qui quittent l’agriculture se destine essentiellement à la création d’entreprises. Dès lors que nous aurons une reprise économique, où voudra t-on créer des emplois? C’est ma principale interrogation».

Offre de services de la Chambre
Vincent Lavier, au nom de la Chambre d’agriculture, souhaite engager un travail en amont avec les communes : «Nous proposons une offre de services qui leur explique les enjeux du monde agricole. L’objectif est d’appréhender au mieux les projets urbains et satisfaire le plus grand nombre. De plus en plus de communes nous contactent, c’est encourageant». Le président aborde la notion de compensation financière souhaitée par François-Xavier Lévêque: «la perte de terres diminue la capacité à générer de la richesse économique. Trouver une compensation en portant des projets agricoles collectifs serait un juste retour des choses. Quelques départements ont déjà validé ce principe avec une compensation comprise entre 0,5€ et 1€ du m2 consommé. Cela peut représenter des sommes importantes. A ce titre, la loi d’Avenir vient de valider cette notion de compensation. Elle devrait se décliner au cours de l’année 2016, la Chambre d’agriculture travaillera fort logiquement sur le sujet». François-Xavier Lévêque cite en aparté un exemple déjà réalisé en Côte d’Or : «ce qui a été fait dans la zone d’activité économique de Boulouze, dans le canton de Genlis, doit être réédité. Un bassin de rétention a été créé par la communauté de communes de la Plaine dijonnaise et l’Asa du Champaison, qui réunit huit exploitations, en est le gestionnaire. Cela va dans le bon sens».

Il faut faire vite
Pour Pierre Guez, président de Vitagora, il y a urgence  : «Il n’y aura plus d’agriculture dans la Plaine de Dijon dans 20 ans si l’urbanisation garde son rythme actuel. Les deux tiers de la population sont aujourd’hui concentrés sur un tiers du département: y a t-il la volonté et la possibilité de faire le contraire de ces 25 dernières années? Pour moi, c’est la question à se poser». Pierre Guez souhaite une réelle politique de développement du territoire, dans laquelle l’agriculture jouerait un rôle moteur : «la réussite des exploitations passe par la valeur ajoutée et non par l’agrandissement. La recherche et développement est d’ailleurs fondamentale et le monde agricole doit s’y investir. Il faudrait se constituer un fond financier en prélevant, par exemple, un euro sur la tonne de blé. Il y aurait de beaux projets à réaliser».

Un rapport moral «piquant»

François-Xavier Lévêque n’y est pas allé de main-morte dans son discours. Les Politiques ont été sa principale cible : «Nous avons besoin d’un soutien total de votre part, et pas seulement lors de vos campagnes électorales. Nous ne vous jugeons pas sur vos promesses mais sur vos actes. Vous ne devez pas avoir peur de défendre l’un des piliers économiques du département. Voir descendre du Ministère des textes de la Pac incompréhensibles pour nous agriculteurs et même pour la DDT, est tout simplement inacceptable. Veillez à ce qu’il n’y ait aucun contrôle sur ces changements de réglementation. Nous serons fermes sur ce point».
Le parc national des forêts de Champagne Bourgogne a bien entendu été abordé: «nos revendications sont claires : nous ne voulons aucun hectare agricole dans le cœur de parc» insiste le président, appuyé par l’ensemble des participants à cette assemblée avec notamment Marc Frot, président de la commission agricole du Conseil général et le parlementaire Alain Houpert. Le secrétaire général JA Nicolas Bachelet a lui aussi été très ferme sur le sujet. Le rapport moral s’est terminé sur une note positive avec la présentation de la future fête départementale en juin à Dijon : «si la salle est pleine aujourd’hui à Salives, c’est que les jeunes croient encore en leur avenir. Nous JA, sommes acteurs du territoire, nous respectons l’environnement et la terre qui est notre outil de travail. Il faut du bon sens paysan dans toutes les réflexions d’actualité. C’est pour cela que communiquons avec le grand public. Un grand week-end se prépare à Dijon  et tous les partenaires seront les bienvenus».
Cet événement a été relayé en fin de réunion par Lucien Rocault, président de la Ferme de JAnne.