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JA 89

«Ne pensez pas que le ministre peut régler tous les problèmes…»

Venu à Avallon soutenir la liste PS en lice pour les régionales, le ministre de l’Agriculture, Stéphane le Foll, était attendu de pied ferme par une délégation de jeunes agriculteurs qui l’ont interpellé sur leurs difficultés
Par Dominique Bernerd
«Ne pensez pas que le ministre peut régler tous les problèmes…»
Le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, face au président des Jeunes Agriculteurs de l’Yonne, Julien Caillard, avec à ses côtés le député maire de la ville, Jean-Yves Caullet
«La régulation des prix dans un marché de libre échange, vous l’avez tentée, mais ça marchera jamais ! Comment pouvez-vous nous aider à être concurrentiels, c’est ça la vraie question…» La vingtaine de jeunes agriculteurs présents au pied du marché couvert à Avallon est bien décidée à ne pas s’en laisser conter. Le dialogue reste courtois avec le ministre venu à leur rencontre, mais les questions fusent, directes et franches, pour reprendre un terme utilisé dans les milieux diplomatiques. Pour le président de JA 89, Julien Caillard, l’urgence absolue, c’est bien l’installation : «l’Yonne est un département où l’on installe très peu. Il va falloir mettre des moyens de plus en plus conséquents car une profession qui n’installe pas est déjà morte et c’est la voie qu’on prend…» Une installation qui passe souvent par la construction ou l’agrandissement de bâtiments d’élevage, autre pierre angulaire des difficultés rencontrées par les éleveurs du secteur, comme cela a été rappelé au ministre, avec l’exemple de Vézelay, site classé au patrimoine de l’Unesco, interdisant de fait toute nouvelle construction de bâtiment, ou de ce jeune confronté à la vindicte de tout un village et dans l’impossibilité d’agrandir son bâtiment. Sans oublier les difficultés parfois à obtenir des prêts pour en financer la construction : «j’ai une vingtaine d’hectares, 15 mères Limousine. Aujourd’hui, j’ai un agriculteur sur la commune de Saint-Père qui arrête, prêt à me laisser sa surface de 115 ha ainsi que ses 40 charolaises, mais les banques refusent de me suivre…» Avec le risque d’en voir le paysage un jour transformé : «si on retire les éleveurs sur le vézelien, les prés seront retournés pour faire des céréales, les haies arrachées et là où on ne pourra rien planter, ça deviendra des friches…»
 
Le steak «assassin»
Stéphane Le Foll le reconnaît : «j’ai bien compris qu’aujourd’hui, la tension, il faut la faire baisser. On ne va pas continuer à imposer, je l’ai parfaitement compris. Vous ne pouvez pas toujours être montrés du doigt et dans la suspicion. Il faut qu’on allège…» Avouant aussi ses limites, face à la nécessite de ramener du revenu sur l’exploitation : «le ministre, ce n’est pas lui qui est à la tête de l’abattoir ! Ne pensez pas que le ministre, peut régler tous les problèmes. Si c’était le cas, il y a longtemps que le problème serait réglé et je ne serai pas là à essayer de trouver des solutions… Il faudrait déjà qu’on ait des gens qui, au lieu de penser d’abord à leurs intérêts industriels, même si je peux le comprendre, aient une démarche qui pense à l’intérêt global de la filière. Alors qu’aujourd’hui, on n’arrive pas à trouver les voies et les moyens de construire ensemble des stratégies, d’avoir des objectifs communs, en particulier sur la viande…»

Suite à un rapport de l’OMS, le sujet sur la «nocivité» à consommer de la viande rouge a fait polémique et entretenu les débats au début de la semaine. Un sujet que le ministre de l’Agriculture a bien sûr évoqué, ne laissant place à aucune interprétation : «si vous en mangez trop ou ne consommez que de la charcuterie, c’est sûr qu’à un moment, ça ne va pas aller ! Mais d’aller donner des infos biaisées comme ça et jeter une panique qui n’a pas lieu d’être… Surtout qu’en France, la consommation journalière de viande est grosso modo, dans la moyenne recommandée par l’OMS… Il y a des choses qui se racontent et qui sont fausses… On a besoin de l’élevage !»
En espérant que les éleveurs aient la possibilité de pouvoir vivre de leur passion et de leur travail…