Grandes cultures
Ne pas mettre ses œufs dans le même panier
Didier Championnat et son épouse Céline, tous deux installés en grandes cultures à Tintury, se lancent dans un atelier volailles. Un projet doublement sécurisant : sans aides PAC et sans contraintes météo.
Maïs, orge, blé, colza… C’est l’assolement typique que l’EARL des Chaumes travaillent depuis plusieurs années.
De la viande aux cultures
Didier et Céline se sont connus adolescents, et, voisins de champs, déjà un point les rassemblait : ils n’ont pas une âme d’éleveurs de bovins. La ferme familiale reprise en 2009 est d’ailleurs déjà en cultures. Il faut dire qu’ici, sur les parcelles de Tintury, Verneuil, et Billy Chevannes les terrains s’y prêtent bien. «En polyculture-élevage», précise Didier, «on doit supporter un double investissement : l’élevage et les cultures».
Les dix première années, l’enthousiasme de la jeunesse et la conjoncture plutôt porteuse laissent de bons souvenirs au couple. Mais depuis quelques années, entre rendements décevants et baisse des cours, le moral n’y est pas.
Une année inédite
«On a fait le prévisionnel, cette année il va manquer gros, même si les cours augmentent ça ne compensera pas la baisse des rendements». L’exploitation, qui couvre environ 400 hectares, a fait en 2016 38 quintaux en blé, 55 en orge et 32 en colza, qui a été grêlé à 43%. En maïs non irrigué, les rendements sont en chute libre depuis deux ans : de 108 quintaux en 2014, on est passé à 53 en 2015 et cette année 38… «Et là en colza, nous n’avons pas de belles levées ; ça s’annonce pas euphorique» déplore Didier. Quant à l’avenir, difficile de se projeter quand «on n’a que des productions cotées au niveau mondial, et qu’on n’a pas les même règles et produits autorisés que nos voisins».
Quelles stratégies pour sécuriser son revenu ?
Une situation qui a poussé le couple à souscrire une assurance chiffre d’affaires pour le maïs. La production est assurée à hauteur de 1000 €/ha, avec un montant de cotisation de 57 €/ha. Et précisément, cette année, l’assurance va jouer, faisant même en partie double emploi avec l’assurance grêle. «Il faut dire que le système fiscal n’est pas adapté pour que nous producteurs, nous puissions lisser les effets de marché ou de faible rendement d’une année sur l’autre» constate Didier.
Un projet de poulailler
Pour sécuriser leur revenus, et plus encore pour «ne plus dépendre de la météo, et des aides Pac», Didier et Céline décident de monter un poulailler. L’idée leur trottait en tête depuis longtemps, mais c’est la fin de certaines échéances de remboursement qui permet au projet de voir le jour. Pour eux, une seule condition : «le poulailler s’auto-finance et dégage du revenu, ce ne sont pas les cultures qui paient pour le poulailler !» Le poulailler accueillera 29700 poulets à partir du printemps, sur une surface de 1440 m2.
Plusieurs réflexions guident leur démarche : les cultures sont déjà consommatrices de 250 tonnes de fientes par an (plus rapide à épandre et plus concentrées que le fumier), que le poulailler pourrait apporter ; ensuite le marché est porteur : la demande de viande de poulet standard est importante et la consommation en hausse. Enfin, l’intégration, avec Force Centre, les rassure : «nous nous occuperons du suivi, de l’alimentation, des soins aux animaux», l’intégrateur fournit les poussins, les rations puis vient chercher les poulets à la fin de la période d’élevage. Un projet en intégration, qui, paradoxalement, donne le sentiment de garder le contrôle, car il permet de «ne pas mettre ses œufs dans le même panier» et dont la production n’est pas impactée par les caprices de la météo ! Par ailleurs, le projet permet aussi de pérenniser l’emploi de Frédéric Delage, salarié de l’exploitation.
Ce projet permet au couple de se projeter dans l’avenir, en tous cas dans celui de Clément, 13 ans, qui annonce comme une évidence que plus tard il veut être «paysan», et à qui la scolarité pèse car «il aime être dehors».
Les TCS (techniques culturales simplifiées)
Les TCS elles aussi participent depuis quelques temps maintenant, à réduire le temps de travail, améliorer les conditions de production, et à faire des économies de fuel. «Certaines molécules n’étant plus autorisées à la vente, on réfléchit aux solutions, on essaie d’allonger les rotations». Didier ne laboure plus, «je fais un travail en profondeur, principalement entre août et septembre, octobre parfois, on déchaume superficiellement, on fait de faux semis. Sauf cette année, quand c’est sec, les faux semis ne marchent pas». Résultats : les structures du sol se comportent mieux, la portance est augmentée, les problèmes d’humidité réduits, les différences entre les sols sont partiellement gommées, les terrains sont moins motteux, et les cailloux remontent moins en surface qu’avec la charrue. «Et surtout je gagne du temps !» se félicite Didier. Pour découvrir ces technique de travail du sol et faire des essais, les échanges et les tours de plaines au sein du GDA du Centre Nivernais ont été précieux pour Didier.
Appro, stockage et vente : garder la main
«On fait nos propres semences en orge et en blé, c’est du boulot, mais ça permet de baisser les charges» explique Didier. Par ailleurs, le couple fait le choix d’un GIE (groupement d’intérêt économique) pour l’achat de produits phyto. Pour la vente, l’exploitation est en lien avec des négociants privés, «on voulait se garder des marges de manœuvre sur la partie commerciale, garder la main sur la vente» précise Didier. Les capacités de stockage donnent une certaine souplesse pour la moisson. «Ensuite, on essaie de valoriser au mieux» avec, par exemple, des contrats avant moisson avec échéance de livraison décalée.
Diversifier sa production, assurer partiellement son chiffre d’affaire, simplifier ses techniques culturales, garder la main sur les approvisionnements, le stockage et la vente : autant d’outils qui permettent à Didier et Céline de sécuriser l’avenir économique de leur exploitation et de garder le plaisir au travail.
De la viande aux cultures
Didier et Céline se sont connus adolescents, et, voisins de champs, déjà un point les rassemblait : ils n’ont pas une âme d’éleveurs de bovins. La ferme familiale reprise en 2009 est d’ailleurs déjà en cultures. Il faut dire qu’ici, sur les parcelles de Tintury, Verneuil, et Billy Chevannes les terrains s’y prêtent bien. «En polyculture-élevage», précise Didier, «on doit supporter un double investissement : l’élevage et les cultures».
Les dix première années, l’enthousiasme de la jeunesse et la conjoncture plutôt porteuse laissent de bons souvenirs au couple. Mais depuis quelques années, entre rendements décevants et baisse des cours, le moral n’y est pas.
Une année inédite
«On a fait le prévisionnel, cette année il va manquer gros, même si les cours augmentent ça ne compensera pas la baisse des rendements». L’exploitation, qui couvre environ 400 hectares, a fait en 2016 38 quintaux en blé, 55 en orge et 32 en colza, qui a été grêlé à 43%. En maïs non irrigué, les rendements sont en chute libre depuis deux ans : de 108 quintaux en 2014, on est passé à 53 en 2015 et cette année 38… «Et là en colza, nous n’avons pas de belles levées ; ça s’annonce pas euphorique» déplore Didier. Quant à l’avenir, difficile de se projeter quand «on n’a que des productions cotées au niveau mondial, et qu’on n’a pas les même règles et produits autorisés que nos voisins».
Quelles stratégies pour sécuriser son revenu ?
Une situation qui a poussé le couple à souscrire une assurance chiffre d’affaires pour le maïs. La production est assurée à hauteur de 1000 €/ha, avec un montant de cotisation de 57 €/ha. Et précisément, cette année, l’assurance va jouer, faisant même en partie double emploi avec l’assurance grêle. «Il faut dire que le système fiscal n’est pas adapté pour que nous producteurs, nous puissions lisser les effets de marché ou de faible rendement d’une année sur l’autre» constate Didier.
Un projet de poulailler
Pour sécuriser leur revenus, et plus encore pour «ne plus dépendre de la météo, et des aides Pac», Didier et Céline décident de monter un poulailler. L’idée leur trottait en tête depuis longtemps, mais c’est la fin de certaines échéances de remboursement qui permet au projet de voir le jour. Pour eux, une seule condition : «le poulailler s’auto-finance et dégage du revenu, ce ne sont pas les cultures qui paient pour le poulailler !» Le poulailler accueillera 29700 poulets à partir du printemps, sur une surface de 1440 m2.
Plusieurs réflexions guident leur démarche : les cultures sont déjà consommatrices de 250 tonnes de fientes par an (plus rapide à épandre et plus concentrées que le fumier), que le poulailler pourrait apporter ; ensuite le marché est porteur : la demande de viande de poulet standard est importante et la consommation en hausse. Enfin, l’intégration, avec Force Centre, les rassure : «nous nous occuperons du suivi, de l’alimentation, des soins aux animaux», l’intégrateur fournit les poussins, les rations puis vient chercher les poulets à la fin de la période d’élevage. Un projet en intégration, qui, paradoxalement, donne le sentiment de garder le contrôle, car il permet de «ne pas mettre ses œufs dans le même panier» et dont la production n’est pas impactée par les caprices de la météo ! Par ailleurs, le projet permet aussi de pérenniser l’emploi de Frédéric Delage, salarié de l’exploitation.
Ce projet permet au couple de se projeter dans l’avenir, en tous cas dans celui de Clément, 13 ans, qui annonce comme une évidence que plus tard il veut être «paysan», et à qui la scolarité pèse car «il aime être dehors».
Les TCS (techniques culturales simplifiées)
Les TCS elles aussi participent depuis quelques temps maintenant, à réduire le temps de travail, améliorer les conditions de production, et à faire des économies de fuel. «Certaines molécules n’étant plus autorisées à la vente, on réfléchit aux solutions, on essaie d’allonger les rotations». Didier ne laboure plus, «je fais un travail en profondeur, principalement entre août et septembre, octobre parfois, on déchaume superficiellement, on fait de faux semis. Sauf cette année, quand c’est sec, les faux semis ne marchent pas». Résultats : les structures du sol se comportent mieux, la portance est augmentée, les problèmes d’humidité réduits, les différences entre les sols sont partiellement gommées, les terrains sont moins motteux, et les cailloux remontent moins en surface qu’avec la charrue. «Et surtout je gagne du temps !» se félicite Didier. Pour découvrir ces technique de travail du sol et faire des essais, les échanges et les tours de plaines au sein du GDA du Centre Nivernais ont été précieux pour Didier.
Appro, stockage et vente : garder la main
«On fait nos propres semences en orge et en blé, c’est du boulot, mais ça permet de baisser les charges» explique Didier. Par ailleurs, le couple fait le choix d’un GIE (groupement d’intérêt économique) pour l’achat de produits phyto. Pour la vente, l’exploitation est en lien avec des négociants privés, «on voulait se garder des marges de manœuvre sur la partie commerciale, garder la main sur la vente» précise Didier. Les capacités de stockage donnent une certaine souplesse pour la moisson. «Ensuite, on essaie de valoriser au mieux» avec, par exemple, des contrats avant moisson avec échéance de livraison décalée.
Diversifier sa production, assurer partiellement son chiffre d’affaire, simplifier ses techniques culturales, garder la main sur les approvisionnements, le stockage et la vente : autant d’outils qui permettent à Didier et Céline de sécuriser l’avenir économique de leur exploitation et de garder le plaisir au travail.