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Matériel

Quoi de neuf en pulvé ?

La chambre d’agriculture de Saône-et-Loire organisait jeudi 17 juillet sur ses parcelles de Rully une journée de démonstration de matériel de pulvérisation. Choix du matériel, réglage, bonnes pratiques, etc., une cinquantaine de professionnels ont participé à ce rendez-vous riche d’enseignements.

Par David Bessenay
Quoi de neuf en pulvé ?

En baptisant leur journée technique « Pulv’fiction », Hugo Adellon et l’équipe de la chambre d’agriculture ont montré qu’ils ne manquaient ni de référence cinématographique ni d’esprit. Derrière ce jeu de mots réussi se cachait la volonté de mettre en lumière les innovations et bonnes pratiques permettant d’améliorer la qualité des traitements phytosanitaires. Avec une petite déception toutefois, le désistement des fabricants de drones, un matériel qui pourrait se révéler intéressant à l’avenir dans les grandes pentes ou dans le cas de parcelles inondées. « Mais il y a un flou juridique autour de son usage, c’est dommage. En Suisse, l’usage est autorisé et cela fonctionne bien dans le Valais et le canton de Vaud », fait remarquer le conseiller robotique & numérique en viticulture.

En attendant, les vignerons ont pu observer en situation d’autres matériels innovants. Car les enjeux ne sont pas anodins. « Cela fait deux ans que c’est compliqué niveau maladie, on a des véritables impasses sur la qualité de traitements et on a des besoins d’optimisation. Quand on est sur des années faciles, on peut faire beaucoup d’approximations, on arrive à travailler. Mais quand on est sur une année compliquée, on est obligé de mobiliser tous les leviers : utilisation des bons produits, les positionner au bon moment, revenir sur des pratiques de base, les placer au bon endroit et de la bonne façon et ça, ça va être l’outil pulvérisateur », résume Hugo Adellon.

Aussi, de plus en plus de vignerons s’interrogent sur la pulvérisation, voir remettent en cause leur mode de traitement alors qu’ils ont parfois investi dans des matériels coûteux qui ne leur donnent pas entière satisfaction.

« Beaucoup de vitis en sont venus à du face par face pour limiter la dérive avec une sortie de produit au plus près de la grappe, donc une couverture meilleure et à côté de ça, on a des constructeurs plus atypiques, et ce n’est pas péjoratif, qui ont une vision qui diffère sur la gestion de l’air, la gestion de produit sur l’utilisation des éléments de traitements (la buse), les pressions d’utilisation, etc. Cette journée permet aux viticulteurs de voir des solutions en pratique et pas sur un salon ! »

Exposants

STAND PELLENC : Tracteur 140 avec TT sprayer

Réglage depuis la tablette, puissance de ventilation et rinçage intégré…

Michel Marcaud, responsable commercial Mâconnais-Beaujolais : « C’est une solution cinq rangs munis de descentes avec 3 ou 4 diffuseurs. Il existe aussi la possibilité de remplacer les descentes par des mains de couverture, solution privilégiée plutôt dans le Beaujolais avec le gobelet. Le TT sprayer est bien adapté pour des vignes qui disposent d’un écartement entre rangs de 1 m à 1,50 m.

On a une volute, que l’on appelle l’escargot, avec un diamètre de 540 ce qui permet plus de puissance d’air, de restituer cet air dans les descentes, d’avoir une bonne soufflerie et donc une bonne dispersion du produit sur le feuillage. On l’a amélioré car la puissance d’air n’était pas suffisante et l’on avait tendance à ne pas mettre du produit sous la feuille. C’est le gros changement.

L’autre point fort : le débit proportionnel à l’avancement électronique (DPAE) qui permet de tout régler depuis le tracteur sur la tablette : l’écartement hydraulique des rampes, la vitesse d’avancement, le nombre de litres à l’hectare… Désormais, la machine dispose d’un rinçage intégré avec dilution depuis la cabine alors qu’auparavant il fallait descendre du tracteur. Malgré quelques craintes, globalement, les vignerons se mettent vite, aux nouvelles technologies, même les plus anciens. Le coût du matériel avoisine les 50.000 €. »

Tracteur 345 avec E sprayer

Une pulvé de haute performance

Romain Faussurier, responsable des ventes pour la Bourgogne, Champagne, Suisse : « On est sur une pulvé qu’on peut qualifier d’hybride : on va entraîner un moteur électrique par demi-descente. Sur la version 7 rangs, cela fait donc 14 demi descentes avec 14 moteurs électriques. On a, collé derrière la cuve, une génératrice électrique entraînée hydrauliquement qui sort du 48 Volts et qui va alimenter indépendamment chacun des moteurs.

Elle existe en version descente avec 3 ou 4 diffuseurs, on l’a aussi en version "main par le dessus". Ce qui va différencier avec cette option-là, c’est le système de dosage sur chacun des moteurs électriques. Une pompe péristatique fait le dosage au plus près de la génératrice électrique et une pastille tourne au milieu de la génératrice à 20.000 tours/minute et vient projeter le liquide qui va microniser. L’intérêt, c’est que le dosage est plus précis, descente par descente. Et il n’y a pas de tuyaux de retour, donc moins de volumes morts pour les rinçages et de la coupure individuelle de rang (alors que pour la version descente, on est sur un système de circulation classique avec une vanne d’alimentation générale).

Dans les deux versions, "main par le dessus" et descente, on a un système de rampes avec un ascenseur indépendant et des géométries variables indépendantes qui peuvent être utilisées en positif ou en négatif. On peut déplier ou replier avec un même interrupteur.

On peut programmer en cabine la mise en largeur (on rentre la largeur du rang sur son ordinateur de bord et les rampes se mettent en position automatiquement).

On a aussi sur cette génération-là un système de rinçage de dilution qui est automatisé avec des vannes électriques. Depuis la cabine, on lance son cycle de rinçage et de dilution de fond de cuve pour éviter de descendre dans ce que l’on vient de traiter.

Les moteurs sont entraînés électriquement, ils ont une durée de vie longue. La vitesse de vent sortie moteur est de 200 km/h. D’après les essais qui ont été faits, on est vraiment sur le haut du panier en termes de qualité de couverture et notre version "main par le dessus" arrive quasiment à 90 % de limite de dérive, soit presque la performance d’une buse ZNT mais on ne peut pas être homologué ZNT malgré le fait qu’on réduise la dérive quasiment de la même manière…

On propose deux types de cuves : une 1.500 litres (pour moins de 30 % de pente), une 1.230 litres qui elle est cloisonnée et plus compacte donc on n’a pas de problème de roulis. On gagne 15 cm ce qui est un atout pour les pentes plus difficiles.

On est sur une pulvé qui coûte entre 70.000 et 85.000 € selon les versions 7 ou 9 rangs ».

 

 

STAND RICHY : Tracteur New Holland 9080N avec pulvé Bliss Ecospray

Un système innovant pour limiter la dérive

Quentin Pistre, technico-commercial, Bliss Ecospray : « Ce qui nous distingue par rapport aux autres produits du marché, c’est ce système innovant que nous avons breveté : l’aéroconfinement. De quoi s’agit-il ? On vient créer une lame d’air tout autour de la descente et on traite au milieu de cette lame ce qui permet d’avoir une réduction drastique de la dérive. On est homologué à – 95 % de dérive au bulletin officiel du ministère de l’Agriculture.

On ne met pas en avant cette technologie pour réduire les phytos ou pour réduire les doses, mais on la présente comme une solution pour réduire drastiquement la dérive. On a un côté responsable d’un point de vue écologique et pratique. Tout le produit que le vigneron paie et met dans son pulvé va finir dans le végétal et sur le raisin et ne va pas partir en dérive dans la nature, dans l’air… On a une super efficacité. On a fait tout un panel d’essais avec différentes chambres d’agriculture en France et des organismes techniques indépendants qui ont montré que nous avions un traitement parfaitement homogène, un traitement qualitatif sur les fruits, sur les feuilles et sous les feuilles ce qui est très important.

Ce matériel peut être utilisé partout, jusqu’à une largeur de rang de 70-80 cm. Au-dessous, c’est difficile de rentrer. Puisqu’on travaille avec des descentes, il ne faut pas que le rang soit encombré.

On a besoin de 35 chevaux de puissance ce qui est comparable à nos concurrents.

Au départ, Bliss Ecopsray ne fabriquait que des descentes qu’on venait monter sur des pulvérisateurs existants mais nous avons eu des demandes pour créer une pulvé Bliss complète. On a créé cette cellule complète, qui fait normalement 6 rangs mais qui a été modifiée dans le Mâconnais pour travailler sur cinq rangs avec des largeurs de 130.

Il y a déjà quelques machines qui tournent dans la région, avec des gens qui aiment l’innovation et veulent travailler mieux et proprement. Avec Richy, notre concessionnaire, on veut être le plus présent possible sur le Mâconnais, promouvoir la technologie. »

 

STAND PRAYSBEE : Chenillard France Tractor avec descentes WULP

Une innovation qui ne manque pas d’air !

Olivier Bonnefond, fondateur de la société Praysbee à Cognac : « Praysbee est née en 2021 avec l’idée qu’il fallait répondre à la pression sociétale et environnementale. L’objectif de départ était donc d’éviter la dérive, or c’est le vent qui créé la dérive. Notre première décision a donc été de supprimer tous les ventilateurs alors que tous les pulvé en ont, sauf le nôtre donc ! Comment remplacer le ventilateur ? Au lieu de souffler le produit qui va sur les piscines ou sur les cordes à linge des riverains, on va supprimer le vent et le remplacer par deux choses : deux buses qui oscillent d’avant en arrière (jet projeté oscillant) et pour faire bouger les feuilles, des poils de virevoltage juste en les caressant, les frottant légèrement, juste pour faire bouger les feuilles.

En combinant ces deux phénomènes, on arrive à faire pénétrer le produit phytosanitaire au cœur du végétal. Comme il n’y a pas de ventilateur, l’appareil est moins lourd, moins bruyant (moins de 30 décibels), moins dérangeant pour les riverains. C’est beaucoup moins consommateur (entre 40 et 60 chevaux de moins), on économise 66 % de carburant pour le tracteur.

On a continué à travailler sur la rampe pour l’optimiser : on a une circulation semi-continue et un système PWM (pulvérisation par impulsion). Notre rampe est très légère (environ 10 kg) et l’intérêt est d’aller plus loin. Soit le vigneron achète que les rampes (moins de 2.000 € l’unité) et l’adapte sur un châssis à l’avant ou à l’arrière de son tracteur ; soit il achète un ensemble qui vient soit sur une chenillette pour faire 3 ou 5 rangs, soit sur tracteur enjambeur pour 7 ou 9 rangs.

Le budget de moins de 30.000 € pour un 7 rangs. Ainsi en période de crise, on limite les investissements tout en maintenant l’efficacité. Ce n’est pas ostentatoire mais à la fin de la saison, on arrive à la même efficacité que n’importe quel autre pulvé.

Nous proposons la possibilité d’envoyer les rampes en révision chaque année. Nous sommes inscrits sur la liste ZNT du ministère depuis 2021 et reconnus HVE. Nous sommes le seul système sans panneau récupérateur mais qui est à plus de 90 % de réduction de dérive ! Le plus compliqué, c’est de faire simple et c’est ce qu’on est obstiné à faire. »

 

STAND FAUPIN : Chenillard Niko avec descentes AMOS

Un outil flexible avec un bon rendement

Benjamin Gauthier, bureau d’études : « Nous sommes une entreprise familiale, nous restons dans des marchés de niche en fabriquant une vingtaine d’appareils à l’année. Nous avons ici notre cellule de traitement DL montée sur chenillard qui traite 3 rangs. On l’a en 3 ou 4 hauteurs selon le niveau de rognage (elle peut monter jusqu’à 2 m) avec l’idée de travailler dans les vignes plutôt étroites, de 1 m à 1,30 m.

Elle est montée sur un hydro 35, modèle chenillard de chez Niko qui a un moteur plus petit, 25 chevaux contre 40 pour le moteur que l’on avait avant. Il y a un cardan en dessous qui vient renvoyer toute la puissance à la turbine pour envoyer de l’air et après il y a la pompe qui reste alimentée en hydraulique. Les deux sont réglables indépendamment donc je peux régler ma vitesse d’heure en fonction de mon régime moteur.

Pour la puissance, on est à un peu moins de 10 chevaux. Avec les cardans, on a un meilleur rendement que l’hydraulique, tu perds moins de chevaux.

À mettre en place, c’est rapide, tu clipses dedans, ça ne prend pas plus de temps.

On est sur du jet porté en face par face, on est bien référencé sur performance pulvé. On est classifié 66 % de réduction de dérive par rapport au matériel standard.

On a beaucoup travaillé l’homogénéité des vitesses d’air sur ce matériel, pour que toutes nos descentes, toutes nos sorties, aient la même vitesse. On règle ensuite le calibre de la buse en fonction des besoins des clients. On est sur du 120 l/ha pour les premiers traitements et 180 en pleine végétation.

Le chenillard va rouler à 3 ou 3,5 km/h ça nous fait travailler autour de 5 barres de pression dans des vignes à 1 mètre. L’avantage, si tu as du mal à "motricer" quand tu es dans des contours, les coteaux ou si c’est très gras, tu as de la marge de manœuvre car si tu descends à 2 ou 2,5 km/h, tu baisses en pression et tu ne dégrades pas ta qualité de pulvérisation pour autant. Quand il faut se presser, tu peux monter jusqu’à 4,5 km/h et aller jusqu’à 10 bars.

On a "blindé" tout ce qui est filtration : on a un filtre basse pression, un filtre haute pression en sortie de pompe et un filtre pour 3 ou 4 buses. Le filtre fait un peu moins de 20 cm de haut pour traiter 3 ou 4 x 0,25 l (un litre/minute) donc avant de colmater le filtre, on a le temps de voir venir. Un bon nettoyage après chaque traitement et on a quasiment zéro bouchage !

On a fait le choix sur ce modèle d’un bidon 105 litres, et non 200 comme sur les autres versions DL pour chenillards, pour être plus compact, pour avoir moins de porte-à-faux derrière. Ainsi, elle se comporte beaucoup mieux dans les coteaux car tout le poids est centré et on n’a pas besoin de "masser".

Le chenillard travaille à 8 km/h maximum, ce qui permet de travailler jusqu’à 3 ha/jour maximum. Quand un enjambeur ne peut pas rentrer car le terrain est trop gras ou alors que la pente est trop sévère, le chenillard peut y aller ! On est sur un ensemble qui fait à peu près 1,2 tonne, alors que pour un enjambeur équipé, c’est environ 6 tonnes ! Le prix du chenillard avoisine les 50.000 € et la cellule DL environ 20.000 €. »

 

 

STAND FAUPIN : Robot Yanmar YV01

La joie de l’autonomie

Déjà vu l’an passé lors de la journée de démo « travail du sol », le YV01 est de retour. Il sécurise les conditions de travail dans les parcelles pentues et dangereuses et sillonne les vignes selon un guidage GPS saisi sur un gestionnaire de tâches web ou sur l’écran du robot. La rampe de pulvérisation se détache intégralement pour recevoir éventuellement d’autres équipements. Il assure une excellente stabilité et le tassement du sol est limité. En outre, le robot propose trois hauteurs de buse, réalise des demi-tours sur place et est équipé d’un sonar & lidar de détection.

David Jonchère, responsable commercial : « Nous proposons sur notre robot 100 % autonome un pulvé face par face, pour vignes étroites, validé par Pulvé expert. Le fait d’être monté sur un robot offre la possibilité de s’éloigner tout en gardant un œil. Par rapport à ceux qui travaillent sur chenillards, sans cabine, c’est mieux, c’est une sécurité pour les utilisateurs.

On a 200 litres de bouillie, ce qui offre une autonomie de 1 à 1,5 ha, et un réservoir de 19 litres d’essence. Le robot n’est pas encore démocratisé mais les premiers acheteurs qui ont investi ont désormais une saison complète de recul.

La prise en main ? J’ai l’exemple d’une viticultrice qui a investi récemment et pour qui, au départ, l’utilisation était laborieuse. Mais maintenant, elle l’a bien en main. Il faut un temps d’adaptation, c’est normal.

Pour l’instant, le robot permet la pulvérisation et le travail du sol et pas encore le rognage mais cela va se développer. Le prix du robot équipé d’un pulvé, avec prestation d’arpentage, traçage des itinéraires, se situe autour de 150.000 €. »

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