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Rencontre

Lucie Jacob: maraîchère bio militante

Installée hors cadre familial depuis deux ans en maraîchage bio, Lucie Jacob fait figure d'exception dans cette portion des Maillys. Rencontre avec une jeune femme de convictions qui tient bon le cap en dépit des difficultés et des contraintes d'une activité essentielle à l'équilibre des territoires.
Par ANNE-MARIE KLEIN
Lucie Jacob: maraîchère bio militante
Lucie Jacob consacre encore 95% de son temps à son activité de maraîchage, les 5% restant ne lui laisse guère le temps de s'occuper autant qu'elle le voudrait de ses enfants et d'améliorer ses conditions de vie actuelles.
Elle est jeune, installée hors cadre familiale de fraîche date en maraîchage biologique, militante et battante... C'est sa force et toute sa difficulté dans une activité où [I]«il n'est pas facile de trouver sa place»[i]. Lucie Jacob, fait figure d'exception [I]«de ce côté de la Saône»[i]. Elle a dû [I]«s'imposer dans le réseau des maraîchers conventionnels»[i] et faire la preuve de son professionnalisme en s'attelant à la mise en cultures maraîchères des 5 ha de bonnes terres limoneuses-sableuses des Maillys, mises à disposition par la Safer. Elle était la seule candidate à relever le défi de la production biologique. Deux ans après, le site produit une cinquantaine de variétés de légumes sur l'année, 1000m2 de serres (appelés à être doublés) abritent les cultures les plus fragiles. La création d'une Amap permet de servir 136 paniers par semaine et l'exploitation fournit chaque semaine des légumes, [I]«en fonction des récoltes et des disponibilités»[i] à la communauté d'Emmaus de Norges-la-Ville.
[INTER]Une «profession de foi»[inter]
Le maraîchage biologique, c'est une reconversion en forme de profession de foi pour cette militante convaincue des vertus de la solidarité et de l'entraide. Elle en fait l'expérience chaque jour, au sein de l'Amap, comme auprès des autres maraîchers et agriculteurs bio qui l'épaulent. Elle a trouvé au sein de ces réseaux la force de continuer et d'avancer, car, si les premières années sont toujours les plus difficiles pour un jeune installé, quand on est en reconversion professionnelle, hors cadre familial et jeune maman, il faut renverser des montagnes et avoir un autre moteur que le simple goût du travail bien fait. Lucie Jacob a tenu bon, soutenue par un environnement d'adoption où les frères Krempp et la famille Koening apportent aide et conseils précieux. Soutenue aussi et accompagnée au plus près par les organisations professionnelles et la Chambre d'agriculture qui lui ont fait confiance. Mais si elle tient bon, en dépit des obstacles et des conditions de vie précaires, c'est qu'elle [I]«y croit»[i]. Le courage ne suffit pas toujours, il faut aussi une conviction inébranlable, [I]«ce qui prévaut sur le reste, ce sont les valeurs qui nous portent» soutient Lucie. Elle en est intimement convaincue et le large sourire qui illumine son visage vaut tous
les discours. L'important c'est «d'avoir l'impression d'être utile, de construire quelque chose de viable pour soi et pour les autres»[i]. La réussite ne se mesure pas sur une échelle de valeurs financières mais sur l'empreinte que l'on laisse. Pourtant les difficultés ne manquent pas, surtout cette année où les caprices du climat auraient pu avoir des conséquences catastrophiques.
[INTER]Entraide et solidarités[inter]
[I]«L'année climatique a été difficile avec une grosse pression des maladies fongiques»[i] confirme Lucie Jacob, qui énumère les interventions et les traitements bio par alternance qui ont permis de passer le cap. La grêle s'en est mêlée aussi, mais les dégâts sont restés limités. Toutefois, la jeune installée a été contrainte de réviser ses rêves d'autonomie et de création d'emploi. [I]«Mettant sa fierté dans sa poche»[i] elle a dû se résoudre à sonner le tocsin pour demander de l'aide au réseau. Un adhérent d'Amap est toujours prêt à jouer le jeu de la solidarité et à donner un coup de main en venant grossir les rangs des [I]«manuels à quatre pattes»[i] qui permettent de faire face aux coups durs ou au manque de main d'œuvre. La solidarité n'est pas un vain mot, chez les Amapiens, comme chez les maraîchers bio où la charge de travail est lourde.
Les difficultés peuvent être stimulantes mais certaines pourraient être aussi atténuées. Lucie Jacob remarque ainsi que [I]«les maraîchers sont un peu les enfants pauvres de l'agriculture»[i]. Le point positif c'est [I]«que cela nous oblige à nous organiser différemment, en bio c'est la solidarité qui prime»[i] et ce qui compte ce sont [I]«les vraies valeurs que nous imprimons à une activité qui n'est pas que commerciale, mais qui trouve sa justification dans une certaine vision de la société et de l'humanité»[i]. La foi déplace des montagnes, mais à ce ryhtme-là le risque c'est aussi que trop de candidats s'essoufflent et désespèrent d'arriver à une vitesse de croisière acceptable pour le résultat d'exploitation, comme pour le bien-être de l'exploitant.

Installation hors cadre: «Il n'€™y a pas que la terre»

Pour Lucie Jacob, comme pour ses stagiaires, dont l'un est bien avancé dans son projet d'installation, l'installation hors cadre familial doit s'envisager, se raisonner et trouver un accompagnement bien au-delà de la problématique du foncier : «il n'y a pas que la terre !». «Le foncier, c'est une chose» témoigne Lucie, «mais l'environnement du travail c'en est une autre. Il faut également pouvoir assurer à la personne qui s'installe en partant de zéro des conditions de vie décentes. La question du logement se pose fréquemment et les débuts sont d'autant plus difficiles que tout est à construire, son activité professionnelle et sa vie de famille dans un contexte nouveau». L'enthousiasme du départ se heurte rapidement aux contingences matérielles qui découlent de l'organisation de la structure, du travail et de l'installation de sa famille. L'accompagnement technique et individuel «est bien assuré par les organisations professionnelles, le Sedarb, le GAB 21, la Chambre d'agriculture» précise Lucie, mais en terme de logistique, il reste beaucoup à faire : le maraîchage biologique manque aussi des moyens et des insfrastrutures nécessaires à son développement (chambres froides, installations pour la préparation des légumes, organisation de réseaux de distribution structurés)... Les idées ne manquent pas chez les candidats au maraîchage bio, mais les moyens restent limités sur le plan logisitique autant que financier, même si les organisations professionnelles sont très présentes et très actives. Deux ans après son installation hors cadre, le bilan est lucide mais Lucie ne regrette rien, la conviction et la solidarité soulèvent des montagnes et restent des moteurs puissants : «En s'installant hors cadre on assume un risque» confirme Lucie «mais c'est aussi une vraie fierté que de faire coÏncider son projet professionnel avec son parcours personnel et son projet social».