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L’avenir du CAPA viticole au lycée de Cosne-sur-Loire en question

Les vignerons du Centre ont-ils besoin de salariés pour les seconder ?

Les vignerons de la Nièvre et du Cher auraient besoin de salariés qualifiés pour leur servir d’intermédiaires avec leurs salariés, de plus en plus nombreux sur des exploitations de plus en plus grandes. A l’initiative de Stéphane Leuzy, chargé de mission de l’association Avenir, une journée d’études était organisée, le 13 mai, au lycée viticole de Cosne-sur-Loire, le seul spécialisé en viticulture du secteur concerné.
Par Emmanuel Coulombeix
Les vignerons du Centre ont-ils besoin de salariés pour les seconder ?
Le 13 mai, les prescripteurs de l’emploi/formation se sont réunis à Cosne-sur-Loire pour évaluer les besoins en terme de main d’oeuvre chez les vignerons (ici chez Alain Cailbourdin à Maltaverne).
De l’avis de tous les participants à la journée -les prescripteurs de l’emploi et de la formation-, les vignobles du Centre Loire connaissent des besoins de main d’oeuvre salariée adaptés aux évolutions du métier. Les chefs d’exploitation, que ce soit en Pouilly fumé ou en Sancerre, sont de plus en plus amenés à quitter leurs entreprises pour s’occuper de démarches commerciales, en formation ou à l’étranger pour trouver de nouveaux débouchés. Dans le même temps, depuis une quinzaine d’années, la taille de leurs exploitations viticoles, mais aussi le saut qualitatif de leurs vins, ont généré des besoins de main d’oeuvre inédits. «En dix ans, selon les chiffres officiels de la MSA, le nombre d’heures de travail salarié dans les vignes a grimpé de plus de 30%» explique Stéphane Leuzy, le chargé de mission de l’Association pour la valorisation de l’emploi en Nièvre rurale (Avenir). Le constat, fait en introduction de la journée d’étude du 13 mai au lycée des Cotereaux, à Cosne-sur-Loire, c’est que l’augmentation des effectifs a entraîné un besoin de salariés «intermédiaires entre le viticulteur et les équipes salariées chargées de la production». D’autant que la moyenne d’emplois est passée de 1 à 2 postes par exploitation il y a quinze ans  à 3 ou 4 aujourd’hui. Rien d’étonnant, donc, à ce que les responsables de l’emploi et de la formation des deux départements (Nièvre et Cher) décident de se mettre autour d’une table pour vérifier et évaluer qualitativement ces besoins, dans un secteur économique qui demeure «le fleuron du dynamisme du bassin de Cosne et qui embauche» selon Stéphane Leuzy. Excusée, la Chambre d’agriculture de la Nièvre participe à cette réflexion collective, aux côtés de la Maison de l’emploi et de la formation de la Nièvre, des Centres d’information et d’orientation (CIO) de Nevers et de Cosne, de l’Ecole de la 2è chance (financée par la CCI), de la Mission locale de Cosne, du chantier d’insertion de Cosne, du lycée agricole (qui dépend de l’établissement public d’enseignement agricole de Challuy), de la Chambre d’agriculture du Cher, du Greta de Nevers, du Pays Bourgogne nivernaise et du Bureau interprofessionnel des vins du Centre (BIVC) par l’intermédiaire de sa structure, la FUVC, spécialisée dans les questions de l’emploi/formation.

Saut qualitatif depuis plus de vingt ans
Le paradoxe, énoncé le matin par Mmes Colinot et Lemoal, responsables du lycée de Cosne, c’est qu’il existe des formations dédiées ici à la viticulture. Mal connu ou en manque de réputation auprès des professionnels et des jeunes, le Certificat d’aptitude professionnelle agricole (Capa), par apprentissage, a pourtant du mal à faire le plein. Un élève est inscrit cette année et un dossier d’admission est en cours pour la rentrée de septembre prochain. C’est d’autant plus surprenant, au regard des besoins des vignerons du Centre, que le lycée viticole de Cosne est le seul spécialisé en viticulture sur le secteur géographique de la Nièvre et du Cher, où travaillent plus de 500 chefs d’exploitations. Les raisons invoquées sont plurielles mais il semble que, outre une difficulté particulière de ces jeunes, parfois en difficulté, à s’insérer professionnellement, la formation ne couvre pas complètement la demande en futurs salariés prêt à prendre des responsabilités managériales, du type chefs d’équipes, prompts à seconder efficacement les exploitants dans les étapes de leur production. Présent le 13 mai, Alain Cailbourdin, vigneron à Maltaverne, en Pouilly fumé, et responsable de la FUVC, a confirmé et les attentes de ses collègues et le manque de salariés d’encadrement.
A titre personnel, il trouve une solution grâce à la présence de son fils, Olivier, doublement diplomé en technique viticole et en commerce, pour le seconder, notamment lorsque au moment de l’ébourgeonnage (dix jours en mai), le domaine fait appel à de saisonniers étrangers (vers midi, les participants ont pu aller à la rencontre de ces Bulgares devant les ceps de vigne). C’est aussi le cas au moment de la taille à l’automne. Tous les vignerons ne trouvent cependant pas leur compte chez les ex-apprentis viticoles, lorsque leurs parents partent en retraite et qu’ils se retrouvent à la tête d’exploitations chronophages. D’autant que la qualité recherchée, dans une approche de valorisation commerciale, entraîne souvent des changements de pratiques techniques. Cailbourdin père et fils, par exemple, sans devenir producteurs biologiques, ont fait le choix de ne plus faire que du désherbage mécanique, et non plus chimique, entre les rangs. «Nous préférons exploiter un vignoble propre, c’est-à-dire proche de la nature, ce qui suppose beaucoup plus de main d’oeuvre» argumente Alain Cailbourdin. Changement d’époque et de méthodes, synonymes du saut qualitatif réalisé par l’ensemble des vignerons du Centre Loire depuis près de vingt ans... Les chefs d’entreprises ont donc besoin de s’entourer.

Questionnaire pour évaluer les besoins
Pour le vérifier, les prescripteurs réunis le 13 mai ont donc décidé de lancer une enquête auprès des 500 viticulteurs du secteur. Ou tout du moins auprès de 1% d’entre eux. Dans la Nièvre, cela ne posera aucun problème, la Chambre d’agriculture, le Greta et le Pays Bourgogne nivernaise se chargeant d’aller présenter le questionnaire à 10 ou 15 vignerons. Dans le Cher, en revanche, la Chambre d’agriculture aura plus de difficultés pour accomplir sa tâche auprès des 45 ou 50 chefs d’exploitation suffisants pour obtenir un échantillon représentatif. Elle doit se prononcer bientôt sur le principe de cette étude, en lien avec le BIVC.
Si l’objectif est bien de trouver les justification du maintien de ce Capa au lycée de Cosne, «une formation adaptée à nos besoins» dit Alain Cailbourdin, l’idée est aussi de voir ce qui ne va pas (le problème d’images de ces métiers de la vigne, le manque d’attractivité pour les jeunes...)

Une campagne nationale à la télévision est d’ailleurs envisagée pour ce déficit de notoriété. Mais il s’agira surtout de créer une fiche de poste, par rapport à ce besoin en chefs d’équipe, afin d’évaluer les carences du Capa et comment les combler. «C’est le lycée qui aura, finalement, à adapter les solutions. Il s’agira soit d’une montée en puissance des formations qualifiantes de type FAFSEA, soit la création d’une formation initiale nouvelle, correspondant à la fiche de poste prédéfinie» anticipe Stéphane Leuzy. Mais peut-être que rien de tel ne sera décidé. Unanimement, les prescripteurs de l’emploi/formation évoquent de réels besoins. C’est désormais au questionnaire de les vérifier chez les vignerons.