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Viticulture

Les raisons de la colère

Les syndicats de vignerons sont «vent debout» contre le projet d’implantation de dix nouvelles éoliennes dans le sud auxerrois, entre Cravant et Irancy, considérant qu’un phénomène de saturation est atteint et craignant pour la préservation des paysages.
Par Dominique Bernerd
Les raisons de la colère
Un paysage que les vignerons aimeraient rencontrer moins souvent.
«Trop c’est trop  !» Ou comment en trois mots, résumer l’état d’esprit qui anime les viticulteurs icaunais, toutes appellations confondues, face au nombre de mats éoliens ne cessant de progresser au fil des projets, dans le paysage du sud auxerrois. La mobilisation est générale et les a conduit à se rapprocher de l’association «Vents contre Air», connue pour s’être mobilisée l’an passé, contre le projet d’installation d’une centrale d’enrobés en bordure d’autoroute, à Saint-Cyr-les-Colons mené par la société APRR. Avec pour mot d’ordre déjà, de «préserver le patrimoine viticole du département»
Une solution avait finalement été trouvée pour implanter la centrale plus au sud, dans l’avallonnais. C’est pour manifester leur attachement au paysage, que tous se sont retrouvés ce samedi matin, au dessus de Préhy, pour une remise en état symbolique de la toiture d’une «cadole», cabane de pierre que l’on trouve encore parfois au milieu des vignes et qui servait d’abri aux vignerons.

Pas hostiles à l’éolien
Avec 128 éoliennes installées, l’Yonne est aujourd’hui leader en la matière au niveau de la région Bourgogne Franche-Comté. Totalisant, avec les 63 mats ayant reçu l’aval de la préfecture mais pas encore sortis de terre à ce jour, une énergie cumulée de plus de 506 Mégawatts. Tout proche de l’objectif du schéma régional, qui prévoyait pour le département, un chiffre compris entre 500 et 600 MW. Les 10 éoliennes devant être installées sur les hauteurs d’Irancy et de Cravant par la Société Eolfi sont aujourd’hui en attente de l’autorisation préfectorale, qui devrait être connue à l’horizon, après une enquête publique menée à l’automne 2017.
Pour autant, les acteurs viticoles engagés dans la mobilisation ne revendiquent pas une hostilité à l’éolien, comme l’a rappelé Jean-François Bersan, Président du groupement des syndicats viticoles de l’Auxerrois  : «la viticulture est forcément pro-éolienne. En revanche, il est des endroits comme ici, classés paysages remarquables, où il est inconcevable d’en voir. Que la transition énergétique soit obligatoire est une chose, mais peut-on imaginer des éoliennes installées autour du Mont Saint-Michel  ? Ou sur la partie entre Dijon et Chagny classée au patrimoine de l’Unesco…? On peut considérer que nos climats à nous, ne méritent pas un autre traitement». Un sentiment que partage Frédéric Gueguen, viticulteur à Préhy et président de la Fédération de Défense de l’Appellation Chablis: «un peu d’éolien, c’est très bien, mais là, on va être encerclés. Aujourd’hui, le développement de l’œnotourisme est un élément phare pour le vignoble du chablisien, comme celui du grand auxerrois et on ne peut imaginer d’être «pollué» ainsi visuellement. Le profit de quelques-uns vient contrarier l’intérêt de beaucoup d’autres, au risque de détériorer l’image globale des climats de Bourgogne». Tous les professionnels présents ce samedi matin, appellent à un équilibre et une diversité en matière d’énergies renouvelables, mêlant l’éolien, l’énergie solaire, la géothermie ou l’utilisation de la biomasse, à l’image de l’unité de production devant être installée à Chablis, prévue fonctionner à partir de mouts de raisins.
Il y a quelques semaines, le syndicat des vignerons d’Irancy, emmené par son président, Christophe Ferrari a décidé lors de son assemblée générale d’adhérer et soutenir financièrement l’association «Vents contre Air». D’autres syndicats viticoles envisagent aujourd’hui la même démarche, dans un esprit fédérateur. Viticulteur à Irancy, Willy Charriat a pour sa part trouvé l’idée qui pourrait satisfaire tout le monde : «nous ne sommes pas contre les éoliennes, simplement, faudrait les enterrer plus profond…!» L’humour est une arme pacifique, qui ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.