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Vétérinaires ruraux

Les pistes pour remédier à la désertification

Avec l’arrêt de l’activité sur les gros animaux de la clinique vétérinaire de Villefargeau, 127 éleveurs icaunais doivent trouver de nouveaux vétérinaires pour assurer le suivi de leurs animaux. Dans l’Yonne, des pistes sont à l’étude pour remédier à cette problématique et lutter à plus long terme contre la désertification des vétérinaires ruraux.
Par Christopher Levé
Les pistes pour remédier à la désertification
Henri Prévot, Préfet de l’Yonne, donne les pistes pour lutter contre la désertification des vétérinaires ruraux (photo d’archives).
Lors de la visite du Préfet de l’Yonne, Henri Prévost, chez Hervé Moreau, le 8 décembre dernier, l’éleveur de cerfs basé à Brienon/Armançon a fait part de sa problématique liée à l’arrêt de l’activité gros animaux du cabinet vétérinaire de Villefargeau.
À partir de ce postulat, le Préfet et le président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne, Arnaud Delestre, ont décidé d’agir pour trouver des solutions pour les éleveurs impactés, et enfin de lutter à plus grande échelle contre la désertification des vétérinaires ruraux.
Le vendredi 8 janvier, le Préfet a réuni l’ordre des vétérinaires, la DDT (Direction départementale des territoires), la DDCSPP (Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations), la Chambre d’agriculture, le GDS et quelques vétérinaires pour trouver des solutions à ces problématiques. «Cela a permis de faire un premier état des lieux et de commencer à essayer de dégager des pistes. Il y a un certain nombre de réponses sur lesquelles il faut travailler et toutes ne sont pas forcément immédiates», indique Henri Prévost, Préfet de l’Yonne. La priorité est de voir comment assurer le suivi sanitaire, la délivrance des médicaments et les urgences vétérinaires pour les élevages qui étaient suivis par le cabinet de Villefargeau».

La campagne de prophylaxie ira à son terme
Pour autant, l’arrêt de l’activité sur les gros animaux de la clinique vétérinaire de Villefargeau n’est pas brutal. «Des mandats sanitaires sont en cours et ne peuvent s’arrêter qu’au terme de la campagne de prophylaxie. Pour les bovins, cela se termine au 15 avril 2021. Pour les espèces ovines et caprines, cela se termine au 31 juillet 2021. Jusqu’à la fin de cette campagne, les vétérinaires de ce cabinet ont une obligation de suivi des élevages sur lesquels ils étaient missionnés», explique Henri Prévost. «Ensuite, il faut trouver le relais pour ces éleveurs qui sont dans des secteurs où il n’y a plus de vétérinaires. Aujourd’hui, il y a déjà 25 éleveurs, sur les 127 qui étaient suivis par cette clinique, qui ont retrouvé un cabinet vétérinaire».
Aussi, au-delà du mandat sanitaire, survient la question de la délivrance de médicaments. «On cherche des solutions pour voir comment un cabinet existant pourrait assurer la vente des médicaments», continue le Préfet. «Il y a un plan sanitaire qui est fait dans chaque élevage, tous les ans, et qui permet ensuite sur des maladies récurrentes, plus bénignes, de pouvoir s’approvisionner en médicaments sans forcément que le vétérinaire passe», ajoute Arnaud Delestre, président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne. «Dans ce cas-là, un plan sanitaire, qui a été fait par un vétérinaire, pourrait être valable avec un autre vétérinaire. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est-à-dire qu’un éleveur, qui était jusqu’alors suivi par la clinique de Villefargeau, pourrait s’approvisionner plus facilement en médicaments, sur des maladies bénignes».

Trouver des solutions pour les urgences
La plus grosse problématique concerne les urgences. «L’idée est d’organiser une réunion avec les vétérinaires pour voir comment ils pourraient se répartir le travail, en fonction des secteurs, en attendant d’avoir une solution sur le long terme», ajoute Arnaud Delestre.
Alors, quelles solutions sur le long terme ? «Il y a des projets envisagés pour l’implantation d’une nouvelle clinique vétérinaire autour d’Auxerre, car c’est là où un vide s’est créé», reprend le Préfet. «Au-delà de ça, il y a des réponses sur l’accompagnement des zones de désertification. Il y a une modification de la loi qui a été adoptée fin novembre. Actuellement, des décrets d’application sont en train d’être rédigés. Il va y avoir la définition de zones de désertification vétérinaire. Pour l’instant, il est trop tôt pour connaître les modalités et savoir quelles sont les zones qui seront retenues. Mais il est certain que cela montre que c’est une question prise en compte au niveau national par les pouvoirs publics, sur laquelle des outils vont venir renforcer les moyens d’action pour maintenir un maillage à niveau suffisant pour les éleveurs».

Faciliter l’accès aux écoles vétérinaires
Récemment, le ministère de l’enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a communiqué sur l’ouverture à l’accès aux écoles nationales vétérinaires en post-bac sur Parcoursup, afin d’augmenter le nombre de vétérinaires formés pour la pratique rurale. «Tout ce qui peut participer à faire naître ce genre de vocations, c’est positif. Après, la formation pour devenir vétérinaire est presque aussi longue que pour devenir médecin, donc c’est une mesure plus structurelle, à long terme. Mais cela vaut la peine de s’investir car derrière ce sont des jeunes icaunais qui vont s’engager dans ces études et qui vont potentiellement revenir travailler dans le département», réagit le Préfet. «Aussi, c’est un objet des acteurs du territoire qui, ensembles, vont encourager des installations, accompagner des projets, faire en sorte que de jeunes vétérinaires se tournent à nouveau vers des activités avec de gros animaux, malgré les contraintes que cela représente».
Car outre la désertification des vétérinaires ruraux, il y a également la problématique de renouvellement des générations. «Là-dessus, il faut travailler avec la profession. Maintenant que le dialogue est engagé sur la problématique du manque de vétérinaires ruraux, il faut le poursuivre pour réfléchir à comment attirer des jeunes vétérinaires. La tendance pour eux est de s’installer près des métropoles, près de leurs centres de formation. Alors, il est important de réfléchir, ensemble, pour démontrer et défendre l’attractivité de notre territoire et de faire en sorte que de jeunes professionnels viennent s’y installer», conclut le Préfet de l’Yonne.
D’autres réunions sont prévues ces prochaines semaines pour continuer d’avancer sur le sujet.

«On essaye d’assurer une transition douce, progressive»

François Mestrallet, président du groupe Metavet, qui gère la clinique vétérinaire de Villefargeau, a pris le temps d’expliquer les raisons de l’arrêt de l’activité sur les gros animaux du cabinet.
«Lorsque nous avons racheté cette clinique, nous avons recruté trois jeunes vétérinaires motivés pour faire de la rurale. Mais il s’est passé une chose : la clinique a fait l’objet d’une inspection. Les inspecteurs ont été très stricts au niveau de la réglementation. Même si ces jeunes vétérinaires n’étaient pas concernés pas les remarques faites (l’objet du contrôle relevé de faits datant avant la reprise de la clinique par le groupe Metavet, ndlr), ils ont pu voir que la médecine vétérinaire rurale était une médecine risquée, soumise à une réglementation sanitaire stricte et complexe. Aussi, la partie travail sur les gros animaux n’était pas rentable. Faire une garde 7 jours/7, 24 heures/24, chaque jour de l’année, c’est beaucoup. Et il y a peu d’actes. En rural, la médecine vétérinaire relève principalement du conseil. Les actes sont effectués par les éleveurs, hormis les vêlages difficiles, les césariennes ou les blessures compliquées. On fait beaucoup de kilomètres, car la clientèle est très étendue dans ce secteur, donc la rentabilité n’est pas évidente».
François Mestrallet assure qu’un accord est fait avec les autres cabinets vétérinaires pour qu’ils se répartissent les élevages concernés par cet arrêt d’activité, prononcé le 24 novembre, et que les urgences sont toujours assurées par les vétérinaires de la clinique de Villefargeau lors des déplacements pour la campagne de prophylaxie.
«On essaye d’assurer une transition douce, progressive, pour que les éleveurs qui étaient clients chez nous, puissent se retourner. Nous avons dit que nous arrêtions définitivement cette activité, mais nous n’arrêtons pas brutalement ».