Les grandes cultures face à des défis d'ampleur
À l'initiative de la commission Production végétales de la FDSEA de Côte-d'Or, une réunion en lien avec les difficultés des filières grandes cultures s'est tenue au siège du Crédit Agricole Champagne-Bourgogne, à Dijon.
Des cours du blé qui peinent à remonter (190 euros/t au 3 novembre), une Mesure d'ajustement carbone aux frontières (MACF) qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2026 et qui, selon la FNSEA, va « provoquer une explosion des coûts de production intenables » notamment sur les engrais, avec un coût estimé de 144 euros/t d'urée importée… En grandes cultures, on a connu des jours meilleurs et c'est la raison pour laquelle la commission Productions végétales de la FDSEA de Côte-d'Or a organisé une réunion le 30 octobre au siège du Crédit Agricole Champagne-Bourgogne, à Dijon. Parce qu'il devient urgent de réagir face à un « effet ciseaux » (baisse des cours des grains et hausse des coûts de production) d'ampleur peu commune. « Je suis installé depuis 2008, précisait Clément Babouillard, président de la commission Productions végétales, et je n'ai jamais connu un tel écart ! » Antoine Carré, président de la FDSEA 21, allait dans son sens en expliquant que, pour les exploitations, le seul moyen de s'en sortir aujourd'hui est de se diversifier parce que la part prise par les ventes de céréales ne cesse de régresser dans le chiffre d'affaires global des fermes.
Passer le cap
Autre fait marquant qui illustre le contexte, souligné par Tristan Lamy, directeur des marchés agriculture du Crédit Agricole Champagne-Bourgogne : « on constate le retour d'exploitations végétales à des productions animales. C'est encore rare mais c'est surprenant et cela interpelle… » Face à cela, deux priorités émergent : obtenir des prix plus rémunérateurs et permettre aux exploitations de passer ce cap difficile. C'est évidemment là qu'on attend le secteur bancaire. L'intervention de Nathalie Brunet, du Crédit Agricole, mobilisait particulièrement l'attention. Elle rappelait certains fondamentaux de l'étude d'une demande de prêt (analyse du bilan, de l'excédent brut d'exploitation (EBE)) mais elle insistait également sur la nécessité d'argumenter autour de cette demande : « il importe de présenter un budget prévisionnel d'utilisation de la trésorerie pour obtenir un prêt. Au-delà des chiffres, il faut expliquer le « pourquoi » de l'investissement. On peut comprendre qu'une personne rechigne à trop détailler les raisons d'un emprunt de court terme qui peut être justifié par la nécessité de répondre à une urgence, mais on prend alors le risque de mettre en place un emprunt mal adapté à la situation réelle parce que le banquier n'a pas toutes les informations. »
Génétique et IA
Reste qu'aujourd'hui, le secteur des productions végétales aborde sa troisième année consécutive de revenus négatifs ce qui est d'autant plus alarmant que cela s'inscrit dans un contexte de réduction des moyens de production (traitements de semences, herbicides, insecticides, fongicides) et d'extrême volatilité des marchés. Un des rares espoirs dans ce domaine paraît résider dans les progrès de la génétique des plantes… et peut-être aussi dans l'intelligence artificielle (IA). C'est la thèse développée par Christophe Marcoux, ancien dirigeant de coopérative et aujourd'hui à la tête d'une structure nommée Agricoach : Les agriculteurs en productions végétales vont devoir apprendre à se projeter, de plus en plus, disposer d'outils de calcul de leurs coûts, atelier par atelier, avoir de l'information en direct et l'exploiter en mode « gestion » en ayant en tête deux réalités : le modèle de la ferme uniquement céréalière n'est sans doute pas viable à terme, il faut donc diversifier. Il faut aussi se poser la question de l'intérêt de projets menés en collectif (partage de matériel, agrivoltaïsme) plutôt que participer à la course à l'agrandissement. Un sacré challenge !
Des exploitants qui doivent s'armer sur le plan comptable
Ce qui apparaissait aussi lors de cette réunion, c'est le constat de niveaux de formation très inégaux parmi les exploitants en matière de maîtrise budgétaire. Clément Babouillard en convenait : « on va devoir se prendre en main pour augmenter le niveau. Mettre un jeune à la tête d'une exploitation sans formation comptable solide, c'est l'envoyer au casse-pipe… » Philippe Dubief, autre participant à la réunion, déplorait qu'une part trop minime des exploitants réalise un budget prévisionnel, sans parler de la connaissance des coûts de production, une réalité très inégalement répandue. Toutefois, aujourd'hui, soulignait Antoine Carré, « la conduite des exploitations est devenue si complexe que même pour un bon gestionnaire, les choses deviennent incertaines ». Christophe Marcoux pointait ce fait : « en France, 5 % des agriculteurs connaissent leur coût de production en blé à 5 euros près… »