« Les faits doivent remplacer le doute et chasser la peur »
Cyril Cogniard, président de la CGB Champagne Bourgogne, fait un point sur l’actualité de la filière. Des propos recueillis le 1er août alors que le retour de l’acétamipride prévu dans la loi Duplomb n’avait pas été retoqué par le Conseil constitutionnel.

Quels sont les sujets d’actualité qui impactent la culture de la betterave ?
Cyril Cogniard : « La jaunisse fait hélas son retour parmi les sujets d’actualité. Depuis fin juin, les champs de betteraves jaunissent partout. Les agriculteurs sont las de cette problématique. Ils ont traité, mais cela n’a pas suffi. En 2026, le Movento devrait être interdit, alors qu’il est plus efficace que le Teppeki. D’où le besoin d’une solution de remplacement comme l’acétamipride ou la flupiradyfurone en enrobage. Mais le débat autour de la loi Duplomb qui le permettrait, est hystérisé et politisé. La peur est distillée et cultivée à son maximum, et les connaissances scientifiques sont balayées. Malgré l’avis de l’agence sanitaire européenne (EFSA), et la baisse drastique de la limite maximum de résidus (LMR) imposée à toutes les filières pour garantir la sécurité sanitaire de nos produits, malgré l’encadrement dans le temps et dans l’utilisation prévue par la loi Duplomb, l’opposition est très forte. L’Inrae enfonce le clou et sème la confusion, en faisant miroiter qu’il existe des alternatives efficaces. Lesquelles ? Teppeki : on connaît. Spirotétramat : interdit en 2026. Et pas assez efficace en 2025. Plantes compagnes ? Peu efficace et pas rentable. Biocontrôle ? Efficacité limitée et aléatoire… Éloigner les réservoirs viraux ? Important mais pas suffisant. La vraie solution est génétique mais pas encore disponible. La filière ne peut finalement compter que sur elle-même. Parmi les autres sujets, l’inflation post-Covid a renchéri les coûts de production agricoles d’au moins 40 %. Les coûts industriels ont fortement monté. Le cycle baissier actuel vient compliquer l’équation économique. Mais comparativement aux autres cultures dont le prix a également baissé, la betterave reste robuste et les agriculteurs tiennent leurs surfaces. »
À quels changements la filière est-elle confrontée et quels sont les enjeux majeurs pour l'avenir ?
C.C. : « La filière a définitivement tourné la page de l’après quota. La gestion de la volatilité et des cycles baissiers fait partie du quotidien. Mais il faut désormais gérer les aléas de la production agricole, devenue plus incertaine à cause du changement climatique, de la pression des virus et/ou ravageurs. La réponse n’est plus unique, avec un produit solution. Il faut mobiliser différents leviers agronomiques, génétiques et piloter au mieux le positionnement de nos interventions. Par ailleurs, le marché européen est de plus en plus ouvert à l’importation : Mercosur, Ukraine, Éthanol US… Ce qui met une pression forte sur les prix et oblige à différencier le sucre, notamment sur son bilan carbone. Les perspectives pour l’éthanol, essentiel à l’équilibre de nos outils industriels, sont également complexes avec en ligne de mire la fin des moteurs thermiques en 2035… ou plus tard. Quoi qu’il en soit, notre éthanol doit migrer vers un mode de production neutre en carbone et conquérir de nouveaux marchés plus rentables, comme celui du carburant d’aviation durable. C’est un défi mais aussi une opportunité de meilleure valorisation, car actuellement, l’éthanol carburant ne permet pas de payer la betterave à des niveaux suffisants. Globalement, la compétitivité et l’agilité de nos outils coopératifs et industriels seront des facteurs clés pour obtenir la meilleure valorisation de nos betteraves. Enfin, l’un des enjeux majeurs sera de cultiver la confiance avec le consommateur et le citoyen. La France est l’une des zones du monde où il y a le plus de réglementations. Nos modes de production sont parmi les plus encadrés. Les inquiétudes liées à la santé doivent être objectivées. Il faut les entendre, et y répondre factuellement. Les faits doivent remplacer le doute et chasser la peur. Mais pour y parvenir, il faut cesser les incohérences. Ou bien les produits sont autorisés partout, ou bien ils sont interdits dans toute l’Europe si un risque apparaît. Et on stoppe l’importation de ces mêmes produits qui contiennent des molécules non autorisées chez nous. »
Quelles seront les innovations technologiques indispensables pour demain ?
C.C. : « Les nouvelles techniques de sélection des plantes (New breeding technologies-NBT) permettront d’accélérer la production de nouvelles variétés. Car c’est de la génétique que viendra l’essentiel des réponses à la pression des ravageurs et aux demandes sociétales. Le dossier a bien avancé à Bruxelles ce printemps, il faut désormais aboutir à un règlement européen finalisé. L’intelligence artificielle sera également un précieux atout. Pour nous aider à mieux comprendre, par le traitement d’un grand nombre de données, à prédire, à modéliser. In fine, pour nous aider à décider et à positionner nos interventions. Enfin, notre filière dispose de co/sous-produits (pulpes, vinasses, digestats de méthanisation, écumes…). Ces sources organiques sont précieuses. L’innovation industrielle permettra d’en faire des engrais avec des modes de production moins émetteurs de Gaz à effet de serre (GES) que les engrais minéraux, voire de les utiliser comme source d’énergie. »
Quelle est l'actualité de la CGB à la foire de Châlons-en-Champagne qui se tient jusqu'au 8 septembre ?
C.C. : « Notre conférence du 2 septembre, intitulée « Entraves à l’agriculture, regards croisés » a réuni des invités prestigieux : Géraldine Woessner, journaliste au Journal Le Point, co-auteur du livre Les illusionnistes a apporté son regard sur l’écologie politique et son projet décroissant, tout en proposant une alternative basée sur le fait scientifique. Il y avait aussi l'avocat Timothée Dufourt, petit-fils d’agriculteur et défenseur du monde paysan qui a évoqué la manière dont notre profession doit se défendre et conquérir le terrain juridique comme le font si bien les ONG ! Franck Menonville, agriculteur et betteravier, sénateur de la Meuse, nous a partagé son analyse sur les enjeux agricoles et les réponses politiques à y apporter, notamment par la proposition de loi actuelle qui porte son nom. Bruno Cardot, betteravier dans l’Aisne, communicant et reconnu sur les réseaux sociaux, a favorisé un échange dynamique entre intervenants et participants. Par ailleurs nous avons accueilli nos planteurs, partenaires, et le grand public, les 4 et 5 septembre, sur un stand CGB devant l’espace Ferme et les 6 et 7 septembre sur un stand commun filière cultures sucre, bioéthanol et CGB ».