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Puisaye-Forterre

Les atouts du bocage

Les haies ont forgé l’identité des territoires poyaudins et apportent de multiples réponses en matière d’agriculture, de biodiversité et d’énergie. Autant d’atouts abordés lors du forum consacré aux ressources du bois bocage qui s’est tenu à Saint-Sauveur-en-Puisaye sous l’égide des acteurs locaux
Par Dominique Bernerd
Les atouts du bocage
Démonstration d’un chantier avec grappin-coupeur et déchiqueteuse.
Que seraient les paysages de Puisaye, sans le maillage de haies qui en rythme les parcelles ? Des haies synonymes d’atouts pour le développement local, impactant aussi bien les domaines économiques qu’environnementaux ou agronomiques. Permettant à la fois de contribuer aux productions agricoles en maintenant la faune auxiliaire des cultures et la pollinisation tout en participant au bien être des animaux d’élevage, en créant des pâturages ombragés en période estivale et des secteurs abrités des vents froids l’hiver. Véritables barrières naturelles, servant à lutter contre l’érosion causée par l’eau et le vent, elles contribuent à filtrer l’eau de ruissellement, réduisant ainsi les risques de pollution des cours d’eau et nappes phréatiques. Dans le même registre, véritable pompe à carbone, une haie à maturité de 3 km de long, peut absorber jusqu’à deux tonnes de CO2 par an, s’inscrivant dans la lutte contre le changement climatique.
Pour autant, elles ne sont pas toujours considérées comme des atouts par leurs propriétaires, qui évoquent des contraintes multiples : diminution du rendement dans les cultures du fait de l’ombrage, coût du temps passé à les entretenir, rétention d’humidité… La perspective de les valoriser en développant la filière locale bois énergie, pourrait rebattre les cartes, quand on sait qu’une haie haute de 100 mètres de long suffit à produire environ 30 m3 de bois déchiqueté, pour un coût d’énergie réduit de moitié par rapport au fioul. Transformant ainsi ce qui était une charge d’entretien, en produit d’exploitation.

Un regard à changer
Charge de mission énergie à la Chambre d’agriculture de la Nièvre, Étienne Bourgy a évoqué à partir d’exemples chiffrés, les priorités à mettre en avant par les agriculteurs, pour valoriser leurs haies. Privilégiant l’auto-consommation des plaquettes produites à partir du broyage des rames, plutôt que leur vente extérieure, d’autant que le marché progresse lentement, au rythme des chaudières installées : «il faut savoir que pour 1 m3 de bois déchiqueté ou auto-consommé, on aura utilisé 2 litres de fioul, entre le transport, le grappin-coupeur et la déchiqueteuse. Ce m3 de copeaux, une fois séché, va remplacer 90 litres de fioul, soit un indice de 44, l’un des meilleurs bilans énergétiques obtenus à ce jour. C’est sur que l’on va tout de suite regarder son linéaire de haies d’un autre œil» D’autant que l’on peut très bien faire rimer exploitation du bocage et environnement : «quand on laisse remonter des haies basses en haies hautes pour avoir des bois de 20 à 25 m, la structure d’accueil pour les espèces liées à la biodiversité s’en trouve agrandie»
Une autre valorisation est possible, avec l’utilisation de plaquettes en litière pour animaux. Une piste intéressante dans un département comme la Nièvre, où les exploitations sont amenées chaque année à acheter de la paille : «il suffit de 2 couches de 6 à 8 cm, à 15 jours ou 3 semaines d’intervalle. Une fois en place, on ramène dessus de la paille, mais du fait d’avoir un matelas drainant, nul besoin de passer tous les jours et pendant un mois, on ne touche pas à la pailleuse, économisant à la fois du temps et de la paille» Avec l’avantage au final, d’économiser sur 1 ou 2 curages intermédiaires selon le type d’animaux et de rationnement, du fait d’une épaisseur totale de 15 cm, contre 40 à 45 pour la paille. Et une diminution notable de la facture, à l’image de cet éleveur qui achetait 3 000 € de paille chaque année et a diminué de moitié ses frais en produisant 140 m3, soit 35 tonnes de plaquettes, à partir de ses haies.
Reste à convaincre du bien fondé de la démarche : «aujourd’hui, dans la Nièvre, un agriculteur qui taille ses haies au carré est un bon agriculteur. Alors si on lui demande de remonter ses haies, ses voisins risquent de le montrer du doigt, c’est ce regard qu’il faut changer…»