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Action syndicale

Le «retour à l’envoyeur» des déchets urbains

Le 7 février, une cinquantaine d’agriculteurs, emmenés par la FDSEA 89 et les Jeunes agriculteurs de l’Yonne, se sont rassemblés devant la Mairie d’Auxerre, pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis des ZNT. Des boues de station d’épuration ont été déversées devant les marches. Les présents ont également échangé avec les membres du collectif «Nous voulons des coquelicots», qui luttent pour la suppression des produits phytos.
Par Christopher Levé
Le «retour à l’envoyeur» des déchets urbains
Une cinquantaine d’agriculteurs se sont rassemblés, le vendredi 7 février, devant la Mairie d’Auxerre pour manifester contre les ZNT.
Ils étaient une cinquantaine d’agriculteurs, vendredi 7 février, dès 18 heures, à prendre place devant la Mairie d’Auxerre. Une mobilisation afin d’exprimer leur colère vis-à-vis de l’arrêté adopté par le gouvernement le 29 décembre dernier sur les ZNT. «C’est une contrainte supplémentaire imposée aux agriculteurs et une concurrence déloyale par rapport à d’autres pays, car dans le même temps, on continue en France d’importer des produits qui ne respectent pas nos normes», indique Maxime Boucher, président des Jeunes agriculteurs de l’Yonne.
Un arrêté qui est «une véritable aberration», pour Alain Duruz, agriculteur à Jussy. «On vient encore une fois nous appuyer sur la tête. On est déjà dans des situations économiques très compliquées et on nous impose de nouvelles restrictions», commente-t-il sur place. «Comment allons-nous faire ?», se demande Régis Ségault, président de la section viticole de la FDSEA de l’Yonne.
«On a demandé un moratoire, car cet arrêté n’est pas applicable», ajoute Damien Brayotel, président de la FDSEA 89. «Il y a plein de paramètres imprécis. Les distances à respecter ne sont pas les mêmes en fonction des produits. On ne sait pas où l’on doit s’arrêter par rapport aux habitations. On ne sait même  pas ce qui est considéré comme une habitation. On parle de résident, d’espace d’agrément. Si nous ne savons pas, les riverains et les contrôleurs ne peuvent pas savoir non plus».

Des boues de stations déversées devant la Mairie
Alors, pour marquer les esprits, les agriculteurs ont décidé de taper fort. Si deux tracteurs étaient présents depuis le début de la mobilisation devant la Mairie, ils ont été rejoints quelques dizaines de minutes plus tard par une benne transportant des boues de station d’épuration, dont une petite partie a été déversée devant les marches, avec de la paille et de la bouillie bordelaise. «Aujourd’hui, on rend service aux villes en épandant dans nos champs les boues de station d’épuration (chaque Français produit 2,5 litres de boues par jour). Puisque l’on nous accuse de polluer nos champs, nous ne voulons plus de ces boues. Retour à l’envoyeur et chacun restera avec ses déchets chez soi», lance Maxime Boucher.
«L’idée est que nous aussi on applique le principe de précaution. Car ces boues de station d’épuration, c’est la pollution de tous les icaunais. C’est toutes leurs eaux usées avec leurs produits d’entretien utilisés à la maison que l’agriculture recycle gratuitement en les épandant dans les champs», poursuit Damien Brayotel. «Dans le département, c’est 95 % de la production de boues de station d’épuration qui sont épandues dans les champs. Si nous ne les dispersions pas, il faudrait les incinérer, ce qui coûterait très cher et dégagerait beaucoup de CO2, ce qui n’est pas génial vis-à-vis du réchauffement climatique».

«C’est facile de toujours taper sur l’agriculteur»
Lors de l’action syndicale, les agriculteurs sont allés à la rencontre du collectif «Nous voulons des coquelicots», qui s’était réuni devant l’enseigne Monoprix au centre-ville. «On les a rencontrés pour essayer de leur faire prendre conscience que lorsqu’ils tapent sur les produits phytos, on se sent agressé car on les utilise. Même s’ils disent ne pas en vouloir aux agriculteurs», explique Damien Brayotel. «C’est facile de toujours taper sur l’agriculteur. On nous traite sans arrêt de pollueur. Maintenant, si on nous interdit de traiter, nous ne voulons plus des déchets urbains, on ne veut plus rendre service», conclut Alain Duruz.

La FDSEA et les JA reçus par le préfet

Durant la soirée, Damien Brayotel et Maxime Boucher, présidents de la FDSEA 89 et des JA 89 ont été reçus par Henri Prévost, Préfet de l’Yonne. «Les demandes exprimées sont de faire une évaluation économique des impacts des ZNT, car pour l’instant rien n’a été étudié, alors que ça va forcément coûter. Aussi, s’il doit y avoir des ZNT, nous demandons qu’il n’y ait pas de nouvelles charges supplémentaires pour les agriculteurs, c’est-à-dire pas d’augmentation des redevances et pas d’application disproportionnée de la vente et du conseil», détaille Damien Brayotel. «On a également demandé l’application immédiate de l’article 44 de la loi Égalim qui interdit la commercialisation de denrées alimentaires ne respectant pas la réglementation Européenne. Ainsi que la réciprocité en matière d’urbanisme (les aménageurs devront inclure sur leur emprise des ZNT)». Les représentants des délégations syndicales espèrent aussi que l’Anses étudiera et complétera les moyens de réduction de la dérive qui sont inclus dans l’arrêté, «et qu’ils se pencheront notamment sur le cas des barrières physiques (haie, mur, filet), pour que l’on puisse protéger nos cultures jusqu’en limite de propriété».
Les questions/réponses établies par le ministère de l’Agriculture (consultables en ligne) ont été transmises par le Préfet aux présidents. Dans ce document, le ministère reconnaît notamment que «les distances de sécurité peuvent varier selon le produit appliqué et le matériel utilisé. De ce fait, il n’est pas possible de se prononcer sur la conformité de la pratique à la simple vue du pulvérisateur et de son éloignement par rapport aux habitations».