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Manifestation à Dijon

Le «ras-le-bol» des éleveurs

Vendredi dernier les voies enherbées du tout nouveau tramway dijonnais ont pris des allures de campagne. Répondant au mot d'€™ordre national, 150 agriculteurs sont venus manifester leurs inquiétudes à l'€™occasion d'€™une action syndicale organisée par la FDSEA et les JA. L'€™objectif : déposer à la préfecture le cahier de doléance de l'€™élevage français et Côte d'€™Orien.
Par Frédéric Duclos
Le «ras-le-bol» des éleveurs
Vendredi 12 avril dernier, Dijon a subitement pris un air de campagne. Vaches, veaux, moutons, tracteurs… ont investi les avenues de la capitale bourguignonne. Mais ne nous y trompons pas, même si le cortège a été plutôt apprécié des citadins, il ne s'€™agissait pas là d'€™une fête, bien au contraire. En effet, les agriculteurs, et en particulier les éleveurs, sont venus porter haut et fort leurs inquiétudes. Inquiétudes bien légitimes au regard des nombreux obstacles qu'€™ils rencontrent au quotidien sur leurs exploitations.
Petit recadrage en début de cette manifestation orchestrée par Jean Bertrand, secrétaire général de la FDSEA. «Soyons clairs, il ne s'€™agit pas, comme nous l'€™avons entendu ce matin dans de nombreux médias, d'€™une opposition entre éleveurs et céréaliers ! Le revenu des céréaliers est correct, celui des éleveurs est trop faible !». Et c'€™est côte à côte que tous, sont partis du Palais de Sports de Dijon pour rejoindre la Préfecture.
Dans une ambiance bon enfant, mais néanmoins déterminée, le cortège a parcouru les rues dijonnaises empruntant même le tout nouveau tramway. [I]«On ne pourra pas nous accuser de na pas participer au développement durable»[i] ironise un manifestant.

[INTER]Comité d'€™accueil en préfecture[inter]
Après une étape place de la République, devant les passants aux regards médusés, les agriculteurs ont rejoint la rue de la Préfecture. Un barrage policier les y attendait, pour empêcher tout passage des tracteurs. Un blocage "€œsymbolique"€ de la part des forces de l'€™ordre tant les cinquante mètres qu'€™il restait à parcourir pour atteindre la Préfecture paraissaient dérisoires. Après une demi-heure de négociations et quelques "€œmises en scène"€ de part et d'€™autre pour amuser les photographes, les autorités ont finalement pris conscience de la détermination des éleveurs et ont dû leur céder le passage. Comme promis par les organisateurs de la manifestation, le cortège a conclu son itinéraire, sans la moindre atteinte à la sécurité publique.
Arrivés devant les grilles de la Préfecture, les agriculteurs ont ainsi pu exprimer leurs revendications. [I]«Monsieur le Secrétaire général, vous n'€™êtes pas sans savoir que l'€™élevage souffre»[i] avertit Jean Bertrand à Julien Marion. Absence de revenu des éleveurs, prix du lait, situation sanitaire, empilage de normes, dégâts de gibier... [I]«les agriculteurs en ont ras-le bol et attendent des actes!»[i]. Le ton était grave. Tour à tour, dans un silence quasi religieux, les responsables syndicaux ont pris la parole pour exposer au représentant de l'€™à‰tat les nombreuses doléances des exploitants. Ainsi, Jean-Luc Loison est intervenu sur la problématique de la faune sauvage et des dégradations causées aux cultures. [I]«Nous ne semons pas pour nourrir le gibier !»[i] a-t-il souligné, en insistant sur l'€™urgence à prendre des mesures alors que les futures attributions seront définies très prochainement. Et Jean Bertrand de rebondir sur le volet sanitaire de la densité du gibier, notamment au travers du dossier tuberculose.
Jean-Pierre Fleury a ensuite pris la parole pour aborder l'€™aspect économique et en particulier celui des négociations commerciales. [I]«La révision de loi de modernisation de l'€™économie mise en place par le précédent gouvernement reste inachevée»[i]. Le secrétaire général de la FNB insiste en effet sur deux points qui n'€™ont pas été inclus dans la loi. D'€™une part Jean-Pierre Fleury plaide pour un rééquilibrage du rapport de force qui existe dans les négociations et dénonce le complot des puissants face aux petits. [I]«Les grandes marques, devenues incontournables, imposent leurs prix à la grande distribution. Celle-ci, ayant peu de latitude sur les marges, se rattrapent en faisant pression sur les plus petits fournisseurs, PME et producteurs. C'€™est une situation intolérable. Voilà pourquoi nous demandons que soit inclu dans la loi un cadre règlementaire des marges»[i]. D'€™autre part, la profession demande que soit appliquée la notion d'€™indexation. «Les coût de production doivent enfin être pris en compte dans le processus de négociation». Un argument rejeté par les intermédiaires, selon Jean-Pierre Fleury qu'€™il accuse [I]«se cacher derrière le sacro saint pouvoir d'€™achat des consommateurs»[i].
Le secrétaire général de la préfecture a ensuite écouté les propos d'€™Aurélien Viellard, président des JA qui a rappelé les inquiétudes des Jeunes agriculteurs. Il a exhorté les élus à orienter leurs décisions dans une plus grande concertation avec le terrain. [I]«S'€™il n'€™y prennent pas garde, les choix politiques de nos élus feront peser des risques sur la viabilité de nos exploitations et donc sur leur capacité à installer de nouveaux agriculteurs et à maintenir des emplois dans nos campagnes»[i].

[INTER][I]«Le changement, c'€™est maintenant !»[i][inter]
En rappelant le slogan de campagne de François Hollande, les manifestants ont décidé de rendre une visite impromptue à un membre de la majorité. C'€™est donc tout naturellement que le cortège a pris la direction de l'€™Hôtel de Ville pour y rencontrer François Rebsamen. Ce dernier a très rapidement ordonné l'€™ouverture des grilles pour accueillir les agriculteurs dans la cours de sa mairie. Fabrice Faivre, président de la FDSEA, a ainsi pu exposer au sénateur-maire, les nombreuses craintes des agriculteurs. Le numéro deux du Parti Socialiste a annoncé sa volonté d'€™en faire part au plus vite au ministre Stéphane Le Foll.
Sur le dossier des dégâts de gibier et de la tuberculose bovine, François Rebsamen a assuré les agriculteurs de sa solidarité et de son soutien. Il se serait prononcé pour une abrogation du plan de chasse, rappelant que l'€™agriculture est une activité économique, contrairement à la chasse que reste une activité de loisir.
Reste à espérer que l'€™agriculture aura été entendue lors de cette manifestation «parfaitement organisée et qui montre que les élus professionnels sont des gens responsables» souligne Jean-Pierre Fleury rappelant que [I]«l'€™absence de revenu pour les éleveurs, les dégâts de gibier et la tuberculose sont des dossiers importants qui pourraient vite déraper»[i].